L’exploit. Terme qui fait rêver les rêveurs comme les pragmatiques. Atteindre, à un moment, l’unique. Si rare qu’il devient une empreinte émotive dans nos souvenirs, premiers moments où nos yeux brilleront à leur simple évocation. Pour notre éternité.

Si on devait poser la question à Cassandre Beaugrand, triathlète française (natation, cyclisme et course) de 27 ans, sa plus grande émotion, sans nul doute, elle retracerait son dernier kilomètre aux JO de Paris 2024 où elle s’est littéralement envolée pour prendre, sous les yeux historiques des Invalides, au pied de la Tour Eiffel, la médaille d’Or Olympique que la France entière lui espérait.

Gagner aux JO de Paris 2024, dans une épreuve qui a fait couler beaucoup d’encre faute d’avoir une eau claire comme l’espérait les médias français, il ne pouvait y avoir plus belle émotion.

Si, certes, cette envolée du mois d’août de la francilienne avait quelque chose d’impérial, elle n’a pas eu le caractère anecdotique que peut avoir sa victoire au WTCS de Torremolinos, lui donnant le titre de Championne du Monde, avec ses quatre victoires (Torremolinos, Hambourg, Paris 2024, Cagliari) pour quatre épreuves de la saison 2024, ne butant qu’une seule fois, à la seconde place au Portugal (Quarteira) pour le championnat d’Europe.

Une saison parfaite et pourtant pour ce dernier triathlon, le pire lui est arrivé.

Le commentateur de la course de Torremolinos nous met dans la confidence. Au départ de cette course, en tête au classement mondial, la française, exilée à Londres, doit finir première, pour obtenir le titre de Championne du monde qui lui échappe, … depuis la nuit des temps !

La caméra se porte sur le départ et la grande Cassandre, identifiée par le 1 sur sa cuisse gauche, part avec les quarante autres concurrentes pour entrer dans les premières, dans cette eau espagnole de la Costa del Sol, un peu agitée pour une mer méditerranéenne, force 3, hauteur de vague 0,50 cms, deux bouées jaunes énormes à quatre cent mètres.

Il ne faut pas vingt mètres pour que la française, dans la pagaille des bras des nageuses qui frappent l’eau à vitesse supersonique, se détache ! Elle est si bien partie que l’histoire semble déjà s’écrire. Première, future championne du monde. Médaillée d’Or aux JO de Paris. L’année de rêve s’offre sous nos yeux.

Quarante concurrentes sur trente mètres de largeur, dont l’anglaise Beth Potter seconde mondiale, a tout du mixeur qui vient écraser les fruits pour créer le jus du bonheur. On ne voir rien, ni ne devine quoi que ce soit sauf à se demander ce que fait la concurrente n°1 à dévier sur sa droite …

Au début discrètement, puis au fil des minutes qui s’écoulent et du blanc dans la voie du commentateur spécialiste qui commence à comprendre que la française, tête dans l’eau, sans point de repère constant avec ces vagues qui cachent les concurrentes comme la bouée salvatrice, s’échappe vraiment sur la droite, faisant quasiment le début d’un demi-tour quand de l’autre côté du plan, tout le monde suit allègrement, l’anglaise en tête, comme des canetons suivent la mère canard !

On sent la perplexité du spécialiste. Mesuré dans ses premières observations pour finir par dire « ca va pas du tout là ! ». Essayant, de sa place, de lui crier le problème mais se rendant bien compte, certainement comme le staff de l’équipe de france, que ce n’est pas possible d’être entendu, quand tu es dans l’eau, nageant contre vents et marées et voyant toujours la bouée jaune, mais se rendant compte qu’elle n’avance pas vers elle !

Inutile de glisser la caméra du côté du staff anglais, qui grand sourire, adore le pied marin de la française – pourtant anglaise à Londres – se remémorant avec satisfaction, voire délectation, l’historique Amiral Nelson battant la marine française, pour en faire la première force armée du monde.

Enfin, et Cassandre dira qu’elle s’était rendue compte, que très seule sur la droite, elle devait certainement ne pas être sur la bonne route. La voilà qui repique à gauche pour finir par passer quasiment dernière (31e) de toutes les concurrentes à la première bouée à dépasser. On est loin des rêves de Championne du Monde, notamment pour toute personne qui a déjà nagé en mer, sachant que ta chance dépend du courant, et que le temps comme l’effort doivent être décuplés pour revenir en tête !

Les anglais, mauvais joueur, diront qu’un juge s’est porté à sa hauteur pour lui montrer, de la main, qu’elle n’était pas dans la bonne direction et que si elle continuait, elle était partie pour faire un Torremolinos-Brest, assez loin de ce qui était attendu pour la compétition.

Vous l’avez compris, la française a gagné la compétition !

Dernière et perdue en mer, elle revient calmement, se sait meilleure que les autres sur cette partie de la course, récupère son retard, prend son vélo à la 10e place pour montrer son numéro à la plupart de ses adversaires, prend la tête au 2e tour de course et à un kilomètre de l’arrivée, termine royalement et seule, première et championne du monde 2024, devant Beth Potter à 37″. Le podium prenant une couleur Bleue, blanc rouge avec la troisième place d’Emma Lombardi, (23 ans), 3e mondiale.

L’avantage de Cassandre, c’est que parlant la langue de shakespeare avec aisance, elle n’a pas manqué de leur expliquer la qualité de sa performance, même si, ces derniers, mauvais joueur, ont déposé une réclamation que les juges ont refusé, constatant la prise de pouvoir de la française, devant Beth Potter, championne du monde 2023.

« Je me suis battue jusqu’au bout et j’ai pensé à l’année dernière où j’ai raté le titre de champion du monde, alors je suis vraiment fière de ce résultat. J’ai le mal de mer et les vagues étaient assez hautes, je ne voyais pas les bouées et je me suis rendu compte que j’étais seule. J’étais en train de paniquer, de me demander ce que je faisais. J’ai dû pousser fort sur le deuxième tour (de natation) pour rattraper mon retard », raconte la nouvelle championne du monde après sa course à rebondissements.

« Je voulais tellement ce titre mondial et j’en rêvais depuis tant d’années. L’année dernière, j’ai été très déçue de terminer deuxième. Personne ne peut m’enlever ce titre maintenant. »

Pour chaque jeune qui lit ces quelques mots, il convient de leur dire à quel point le mot « confiance » a un sens quand le noir de l’inconnu et du doute t’asseillent. La confiance vient de certitudes. Est-ce le fait que Cassandre a pour compagnon, un champion de la natation en mer ? Il est toujours mieux d’avoir un environnement porteur, de prendre le temps de la durée et de faire de chaque obstacle vaincu, le contenu du plaisir de la victoire.