On parle d’imposition de la prime à recevoir pour les 64 médaillés des Jeux Olympiques de Paris 2024 et leurs coaches comme Guides pour les non-voyants des paralympiques. D’abord, prévues non-imposables, elles le deviennent au motif de l’égalité de traitement devant les efforts à faire pour combler les nombreux milliards d’euros oubliés par la comptabilité publique mais bien présents.
La lecture de cet article vous propose une discussion fiscale :
- 1°) Si ces sommes sont imposables, alors les dépenses -bien supérieures au déduction forfaitaire des 10%- liées à la performance olympique doivent être logiquement déductibles aux frais réels.
- 2°) Et si on changeait le qualificatif des sommes versées par l’Etat aux fédérations. Les sommes de 80.000, 40.000 ou 20.000 € n’ont-elles pas plutôt un caractère indemnitaire à compenser des dépenses déjà réalisées ? Entraînant une fiscalité de non-assujettissement à l’IR, puisqu’elles ne sont pas un revenu et viennent compenser des dépenses déjà réalisées.
- 3°) Et enfin, pour tenir compte des différences importantes de revenus entre un Teddy Riner, aux revenus variés avec un champion olympique comme NIcolas Gestin (Canoe-Kayak slalom), voire d’une médaillée de bronze comme l’ardéchoise Angèle Hug, tous deux sans autres revenus significatifs, ne faut-il pas un plancher d’imposition ou, autrement dit, un plafond d’exonération, basé sur les revenus net globaux (D.2042) du SHN (sportif de haut niveau) protégeant ainsi les bas revenus liés à la situation de SHN. 90% selon les statistiques tournent autour de 2.000 € mensuel.
- Dans cette formule, qui gagne plus et au-delà du plafond, contribue. Ses autres revenus lui ayant permis de compenser ses dépenses. Qui gagne moins voit là, par le jeu du plafond, une non-imposition et la juste compensation comme nécessaire à ses dépenses déjà réalisées sur quatre ans.
La base de l’indemnité des JO se trouve dans un arrêté de Valérie Fourneyron en 2014.
Ministre des Sports sous Jean-Marc Ayrault (2012-2014), l’actuelle directrice de l’ITA (International Testing Agency, médecin de son état, Valérie Fourneyron a entériné le cadre législatif de la Prime des JO en 2014, qui aurait eu meilleure écriture, sous le qualificatif d’indemnité.
Elle précisait que les médaillés olympiques recevraient une « prime de l’état » (Article 1), ainsi que les guides pour les paralympiques (Article 1), à charge pour les fédérations délégataires, de dispatcher aux encadrants (Article 3), selon une répartition décidée par décret (Article 4), une somme qui leur serait retournée, fédération par fédération, selon leur réussite olympique. Visiblement, depuis 1992, cette somme était non-imposable.
L’imposition est revenue pour les JO de 2021 à Tokyo, certainement pour des raisons d’inflation dans les montants : l’Or ramenait 65.000 € au champion Olympique, 25.000 € pour le ou la vice-championne et 15.000 € était donné à la médaille de bronze quand celui qui recevait celle « en chocolat » se consolait en se disant qu’elle était net d’impôt et de charges .. Vu qu’il ne recevait rien ..
Pour les JO de 2024, il était prévu, après un battage médiatique, une non-imposition sous la poussé de David Douillet et d’autres, ex-ministre des Sports.
Les montants pour l’Or avaient été arrêtés à 80.000 €, l’argent donnant 40.000 € quand le bronze offrait 20.000. Les mêmes montants étaient donnés aux encadrants, à charge pour eux, de ne pas recevoir plus d’un plafond s’ils accompagnaient plusieurs sportifs, qui ne pouvait dépasser la meilleure médaille gagnée par un des athlètes de son équipe.
Pour les Jeux 2024, le ministère des Sports avait prévu une enveloppe globale de 18 millions d’euros, selon le mensuel Capital.
L’engagement était de ne pas fiscaliser le revenu.
Octobre 2024, fiscalisation des Primes olympiques.
Principe retoqué lors des sessions de la Commission des Finances comme lors des débats parlementaires du 24 Octobre 2024, il a été décidé sur un vote à main levée, à la majorité du RN et de la gauche, la fiscalisation de ces primes, pour un retour estimé par le député Charles de Courson, rapporteur de la Commission des Finances à 5 millions d’euros d’impôts à recevoir.
- Dans le détail, cela donnait pour Léon Marchand, avec quatre titres individuels et une médaille de bronze, une somme à percevoir de 340.000 €, diminuée d’une réduction de 15% du fait que son domicile fiscal soit aux Etats-Unis (Article 2 du décret de 2014), soit 289.000 € soumis à l’impôt américain selon la convention de double imposition entre les deux pays.
- Pour les autres bénéficiaires résidents en France, les sommes acquises bénéficient de la réduction de 10%, comme celles octroyées aux salariés. (frais professionnels), soit pour l’Or une base imposable de 72.000 €, l’argent donne 36.000 € et le Bronze 18.000 €.
- Enfin, les 64 médaillées et les équipiers (16 en Or, 26 en Argent et 22 en Bronze) auront la possibilité d’étaler le revenu à déclarer sur quatre années fiscales (revenu exceptionnel), limitant l’impact d’une somme importante sur les tranches de revenus d’une année :
- Pour rappel, les tranches d’imposition actuelles en France. 0% (jusqu’à 11.294 € annuel), 11% (jusqu’à 28.797 €), 30% (jusqu’à 82.341 €), 41% (jusqu’à 177.106 €) et 45% pour la tranche de revenu du contribuable qui dépasse.
Le dilemme ? Impôt juste ou impôt injuste ?
La fiscalisation du revenu pose question. La plupart des sportives et sportifs de haut niveau estimant que c’est une juste compensation du travail réalisé pendant quatre années. David Douillet, ex-double champion olympique de Judo (1996 et 2000), ex-ministre des Sports (2011-2012), parlant de « scandale ».
D’un autre côté, tout revenu implique une imposition, quelque soit la raison sociétale de son existence. C’est la contribution républicaine de chacun d’entre nous à un contrat social, laissant le soin à l’Etat de répartir au mieux, les sommes redistribuées pour renforcer ou/et améliorer notre contrat social.
Le CGI lit différemment entre le mot « prime » et le mot « indemnité ». Si on remplaçait le terme « Prime » par « Indemnité ».
Pour ma part, je n’utiliserais pas le terme de « Prime » qui est assujettie à charges sociales comme à l’IR, mais celui « d’indemnité ». Les deux n’ont pas la même conséquence fiscale.
L’indemnité n’est pas soumise à l’impôt dès lors qu’elle est la contrepartie d’un dommage subi par le bénéficiaire.
Ce serait considérer, à juste titre, qu’une médaille olympique ne se gagne pas sans frais et charges, investis par le ou la sportive pendant quatre années et récompensés, pour les meilleurs, par une indemnité olympique donnée seulement aux médaillées. Elle aurait donc un caractère non-imposable puisque compensatoire d’un préjudice financier. Réel pour la plupart, puisque seuls 64 SHN et leur équipiers ont été médaillés quand plus de 500 ont été sélectionnés olympiques.
La réservant aux médaillés, on l’attribue aux meilleurs. Cela suppose que les meilleurs ont plus investi dans leur performance que la plupart des sélectionnés olympiques (500 environ), déjà pris en charge financièrement, par l’Agence Nationale du Sport, géré par Claude Onesta, à travers son programme « Ambition Bleue ».
Enfin, son caractère occasionnel renforce l’approche indemnitaire, à l’opposé d’un revenu mensuel (salaire, allocations, etc …)
Les autres indemnités vues par le CGI (Code Général des Impôts)
Rappelons que l’indemnité de licenciement d’un salarié est exonérée d’impôt à concurrence de trois plafonds. Précisons, pour une autre nature indemnitaire, que l’indemnité judiciaire est exonérée d’impôt puisqu’elle compense un préjudice subi. Terminons en rappelant que, pour une indemnité plus connue du public, l’indemnité d’assurance est aussi exonérée d’impôts puisqu’elle est la contrepartie de frais antérieurs.
Une indemnité qui se distingue aisément des revenus gagnés dans les tournois privés ou sponsoring de marques, puisque cette indemnité est versée par l’Etat, aux fédérations respectives, pour répartition et une fois tous les quatre ans.
SHN avec ou sans frais ?
Personne ne peut douter que la pratique du haut niveau entraîne des frais et charges conséquentes. La question de savoir si les périodes pré-olympiques génèrent des frais n’est même pas à poser, tellement la réponse est évidente.
Pour les hauts revenus des SHN, mettons un plafond !
Le débat se pose souvent autour des statuts financiers différents entre les athlètes olympiques et donc l’inégalité de conséquences entre l’un qui reçoit cette somme parmi d’autres comme un Teddy Riner aux revenus annuels estimables au million d’euros et un Nicolas Gestion, Or Olympique en Canoë-Kayak (slalom) voire la modeste ardéchoise Angèle Hug, bronze en kayak cross.
La solution fiscale de traitement des inégalités est connue depuis longtemps avec l’instauration de plancher ou plafond d’exonération. Il n’est pas compréhensible qu’elle n’est pas été instituée.
On pourrait imaginer un plafond d’exonération, basé sur le revenu global (intègre tous les revenus). Ainsi les sportifs ayant crée des structures recevant les sponsoring, incluraient néanmoins, les salaires versées par leur SAS ou SASU. Il y aurait donc un plafond de revenus global à ne pas dépasser pour bénéficier de l’exonération.
En deça, non imposition. Au-delà, imposition.
Les frais réels
En France, il ne peut pas y avoir un revenu imposable sans qu’alors, les frais générés pour acquérir ce revenu ne soit pas déductible. Il y a une forme de logique fiscale qui s’applique d’ailleurs dans le cas contraire. Revenu non-imposable, dépense non-déductible.
Si le changement de terme « Indemnité » par « prime » n’est pas écoutable ; je suis surpris, comme pour tout revenu, qu’il n’y ait pas la possibilité de comptabiliser ses frais réels au lieu des 10% forfaitaire pour déterminer une base imposable plus adaptée à la réalité des dépenses engagées par le ou la SHN.
En intégrant logiquement les dépenses spécifiques faites sur les quatre années pré-olympiques, voire les deux dernières années civiles.
Bilan de cette discussion
Alors « indemnité » plutôt que « prime ». Et pourquoi pas un plafond pour équité sociétale entre les différents statuts financiers des SHN. Sinon, déduisons les frais réels au lieu des 10% forfaitaires, sur quatre ans au regard d’une indemnité versée, seulement, une fois tous les quatre ans.
William Commegrain Lesféminines.fr
L’article premier de l’arrêté du 30 janvier 2024 s’écrirait ainsi :
« Les sportifs et les guides ayant obtenu, lors des jeux Olympiques et Paralympiques d’été, organisés en 2024 à Paris (France), une médaille d’or, d’argent ou de bronze bénéficient d’une prime « indemnité » selon le barème ci-dessous :
80.000 € pour une médaille d’Or ; 40.000 € pour une médaille d’argent ; 20.000 € pour une médaille de bronze.
Cette somme est versée par l’Etat sur les crédits inscrits au budget du ministère chargé des sports.
A rajouter : « A concurrence d’un plafond de revenu net global de 30.000 €, cette somme est exonérée d’impôt sur le revenu. Au-dela, cette indemnité, déduction faite des frais professionnels à caractère olympique, est soumise à l’impôt sur le revenu du bénéficiaire. »
source : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049111864