L’Allemagne jusqu’en 2013, l’Euro de football féminin sans ferveur
Jusqu’en 2013, le championnat d’Europe féminin se parlait en allemand, avec une mannschaft comptant, avec chance son huitième titre européen pour onze éditions. N’ayant laissé que les premières miettes à la Suède (1984) et Norvège (1987 et 1993).
Une huitième récompense et d’ailleurs la dernière. Une fin de règne obtenue sur le fil, remportée (1-0) contre les ex-championnes du monde (1995) et olympique (2000) norvégiennes, renaissante en 2013. Qui aurait d’ailleurs dû gagner, butant par deux fois face à Nadine Angerer, gardienne allemande arrêtant deux pénaltys dans le jeu, élue meilleure joueuse du tournoi par cette performance et première à recevoir le titre du nouveau trophée de « meilleure joueuse européenne » créée par l’UEFA en 2013.
Cette période est assez calme, personne ne peut penser que les deux prochains euros seront des consécrations qui feront exploser cette compétition sur le plan des fans et des médias. Le football féminin se trouve dans l’ombre de celui masculin et pour la France, trois journalistes sont sur place dont deux issus de sites web amateurs.
On peut même écrire que le football féminin se trouvait dans les cales du paquebot « football » quand l’orchestre et les repas lumineux jouaient pour les hommes, au pont très supérieur.
L’histoire aurait pu se continuer ainsi, sauf que les deux dernières éditions ont totalement bousculé le paysage de l’Euro féminin.
- Allemagne, huit titres : 1989, 1991, 1995, 1997, 2001, 2005, 2009, 2013.
- Norvège, deux titres : 1987 et 1993
- Suède, 1 titre : 1984
- Pays-Bas, 1 titre : 2017
- Angleterre, 1 titre : 2022
Après 2013, l’explosion des Pays-Bas et de Sarina Wiegmann.
L’orange est la couleur des néerlandais. Imaginez plus de vingt mille fans, une marée oranje qui rend grâce à la victoire du onze néerlandais, leur premier et seul titre de football quand, en janvier dernier, les résultats étaient si mauvais, que le coach de l’époque avait été remplacé par son adjointe, Sarina Wiegman, qui deviendra une star internationale.
Le pays hôte, 12e FIFA, réussit l’exploit de remporter le titre 2017, en pratiquant un jeu aussi déroutant qu’avait pû l’être, celui de l’Ajax des années 70.
Un tel jeu que la joueuse actuelle du Paris Saint Germain, dans l’attente d’un enfant, Lieke Martens, était partie de Rosengard (Suède) pour devenir une joueuse du FC Barcelona et être nommée meilleure joueuse mondiale par la FIFA (The Best 2017). Faisant aussi exploser sa coach, adjointe en décembre, passant du sombre de l’inconnue en janvier 2017 à la star incroyable qu’on connait en 2024, Sarina Wiegmann.
Vainqueur de l’Euro 2017 et finaliste de la Coupe du Monde 2019 avec les Pays-Bas, vainqueur de l’Euro 2022 à domicile avec l’Angleterre, vainqueur de la Finalissima en 2023 avec l’Angleterre, finaliste de la Coupe du Monde 2023, meilleure coach mondial The Best en 2017, 2020, 2022 et 2023.
De ce moment unique, chaque fan aura découvert le spectacle incroyable des fans néerlandais. Une marée Oranje que jamais, une seule joueuse hollandaise, n’aurait pu imaginer vivre dans sa vie sportive lorsqu’elles perdaient face à « l’ennemi belge (2-1) » en fin 2016.
En janvier décriée, perdue, perdante contre des petites nations (Belgique 24e mondial) et quelques mois plus tard, comme une naissance inattendue, le titre et l’entièreté du pays, à chanter leurs louanges en orange !
En 2022, l’Angleterre se trouve un public et une économie.
L’Euro 2017 avait été l’Histoire des Pays-Bas. Une Histoire qui aurait pu être unique et aurait dû l’être, sauf que le football féminin ne savait pas qu’il allait vivre une seconde explosion populaire avec l’Angleterre, « at home ! »
Qui était l’Angleterre au féminin ? Tombée dans le néant.
Un tel néant qu’en 2011, éliminée en phase de groupe du Mondial allemand, l’Angleterre n’a plus que ses souvenirs pour parler football féminin, avec une percée d’Arsenal Ladies, vainqueur en 2007 de la Women’s Champions League et une finale de l’Euro pour les Lionesses en 2009.
Le bilan est terrible pour une Angleterre qui domine le football médiatique masculin. Un calendrier civil quand tous les autres européens sont sur deux années civiles, donnant le titre domestique six mois après les autres. Un football de campagne alors que Londres comptent tant de clubs masculins professionnels et le regard, obligatoirement tourné vers l’Europe avec l’Allemagne (Frankfurt, Wolfsburg) et la France (l’Olympique Lyonnais, le Paris Saint Germain, finalistes tous deux en 2017 de la WCL), pour une Albion à qui il ne reste plus que l’orgueil comme unique carburant.
Il faudra la réussite d’un « pilote anglais », Mark Sampson, lors de la Coupe du Monde 2015 au Canada, à qui on reprochera d’être trop concentré sur son manche, pour réveiller les ambitions anglaises ! Une troisième place mondiale, une demi-finale de l’Euro 2017 après avoir éliminé les françaises en quart, et un plan stratégique de la Football Association pour transformer le football féminin anglais en une fusée Elon Musk !
Bénéficiant d’aucune concurrence interne, les clubs jouent du même tempo, rendant grâce à un processus structurel commencé en 2017-2018, obligeant le calendrier à se caler sur celui européen (avant calendaire), à avoir des clubs exclusivement professionnels, à s’associer aux clubs masculins, assurant des premiers salaires (budget minimum de 500.000 €) et surtout une notoriété, à l’esprit « Club des fans anglais », plaçant le championnat anglais, parmi le plus enthousiaste au monde.
Cinq ans plus tard, en 2022 (2021 reporté en 2022), elles deviennent championnes d’Europe avec des exploits de joueuses de vingt ans, s’assurant un public pour les dix années à suivre.
Pas si facile. Avant les Pays-Bas, seule la Norvège avait gagné à domicile en Europe. Lorsque les anglaises font l’exploit de gagner le titre à domicile devant un Wembley plein comme un oeuf (87.192, record d’Angleterre) et plus de quinze millions de téléspectateurs devant leurs écrans (avec une pointe à 17 millions sur BBC One), on ne sait si la sorcière est Sarina Wiegmann, ayant réussi par deux fois ce que l’Histoire refusait aux pays hôtes, où si l’Angleterre ne chavire pas avec ses filles, les premières à avoir réussi à prendre un titre à la maison, après 1966, en finale de la Coupe du Monde, là aussi, face à l’Allemagne.
C’était le match de football féminin le plus regardé à la télévision britannique de tous les temps et le programme le plus regardé en 2022 jusqu’à présent – et à juste titre. Tout le monde à la BBC est ravi de la victoire et de pouvoir le partager avec le public. » Tim Davie, DG BBC One
Un exploit qui a fait naître une nouvelle génération, faite d’Ella Toone (Manchester United), Alessia Russo (Arsenal Ladies), Chloe Kelly (Manchester City), remplaçantes, buteuses en finale (2-1, prolongation) face à l’Allemagne, et joueuses exceptionnelles qui fera de l’Angleterre, une équipe du Top 3 mondial.
L’Euro après avoir fait starifié les Pays-Bas, puis l’Angleterre cinq ans plus tard, qu’en sera-t-il pour la Suisse 2025, (du 2 au 27 Juillet) ?
Classée 23e FIFA, assez loin de son meilleur classement en 2015 (15e) mais dans un range constant de la 15e à la 20e, la Suisse parie sur sa coach à la référence internationale, Pia Sundhage, Or Olympique en 2008 et 2012 avec les USA, coach de la Suède (2012 à 2019) et du Brésil pendant quatre années (2019 à 2023) et à la tête de la Nati depuis 2014.
Sur le pitch, les suisses possèdent des joueuses d’expérience qui ont évolué dans des grands clubs européens, avec Ramona Bachmann (ancienne PSG, maintenant à Houston Dash), Noêl Mariz (Aston Villa), Aigbogun (ancienne du Paris Fc maintenant à la Roma), la capitaine Lia Walti (Arsenal Ladies), Ana-Maria Crnogorcevic (Portland anciennement FC Barcelone), et la jeune Alisha Lehmann (Juventus), qui affole les compteurs des fans sur les réseaux sociaux, pile comme face.
William Commegrain Lesfeminines.fr
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