Dans le blizzard de Charlety, à une heure tardive où les corps sont allongés sur le canapé, au chaud des séries TV proposées par Netflix, quelques six mille spectateurs (6.667) se mettent dans l’ambiance d’une rencontre dont on ne sait, si les coeurs battent pour le Paris Fc, club recevant, ou pour le Paris Saint Germain, club visiteur.

Toutes attirées d’abord par la gratuité, faisant un stade bien rempli, alors que la pluie battante de ce samedi soir, transforme le moment en émotions, obligeant chacun de nous à utiliser ses sens, comme on les ressent au bord d’une jetée ventée d’une Bretagne éloignée. Fouettant notre visage éclairé.

Un public présent pour un derby, qui on le verra, est bien présent sur le terrain, dans le coeur des joueuses et des adversaires, cherchant là, la première quête des satisfactions que propose un championnat en play-off.

Peu importe la place, à la condition d’être dans les quatre premières en mai prochain ; tel est le scénario de ce principe venu des Amériques amenant avec lui, ce plaisir d’une première opposition de décembre, pour se tester et savoir, à quelques lieux de la moitié du championnat (10ème journée) quelle est l’équipe la plus forte, la plus équilibrée, la plus épanouie à vivre son football féminin ?

Deux univers s’opposent. Deux mondes s’opposent à 20h30, sur ce bout de terrain de la capitale, que le jeu des projecteurs illuminent au loin, attirant comme le font les lumières d’été en fin de soirée avec les insectes, le public vers ce lieu illuminé.

A ce jeu, le Paris Saint Germain a un univers de retard que manifestent ses Ultras, parqués au loin, en déroulant une banderole clairvoyante comme le sont ses chants : « Vos histoires nous fatiguent ».

L’allusion est directement vouée à l’affaire Grace Geyoro (90 sélections en EDF, ex-capitaine PSG), dont le PSG communique, la veille du match, son absence pour un problème de hanches qui ne convinc personne, tant on devine que, l’équipe féminine est au coeur d’une relation hiérarchique avec son coach, Fabrice Abriel, digne des scénarios de film d’entreprise : le salarié doit obéir à l’ordre supérieur quitte à le mettre au placard.

Si le PSG féminin nous a donné l’habitude, depuis trois ans et l’affaire Hamraoui (nov 2021), de mettre sur la place publique ce qui se fait en catimini ; il n’en est rien au Paris FC et on sent, dans leurs premières frappes d’entraînement, une intention de cadrer et surtout de marquer, voire de faire mal, associant finesse et puissance dans les tirs de Clara Matéo, Julie Dufour, Gaetane Thiney et Kessya Bussy.

Reprenant l’ouvrage quand il n’est pas immédiatement réussi.

Une situation qui n’inquiète pas le PSG, ordonné dans ses mouvements, se préparant au match, habillé d’un bordeaux transcendant pour les coaches, encadrant le blanc du maillot des joueuses, donnant l’impression, sur ce rectangle vert, d’un éclat de couleurs proche d’un tableau de maître.

Les visiteuses se veulent Maîtresses comme maître de leur destin.

Elles ont tout des cadres de sociétés internationales, s’attendant dans l’entrée d’un hôtel luxueux, avant un salon professionnel d’envergure quand le Paris FC, à l’effectif total quasiment exclusivement français (20 françaises pour quatre étrangères), la joue façon « Meilleur ouvrier de France » dit « MOF », concentrées sur la tâche et sa perfection.

Il n’est pas faux de regarder avec attention, avant une rencontre, si dans une équipe ne se trouve pas, une équipière ayant jouée sous les couleurs adverses et partie, en mauvais termes. C’est d’autant moins faux que la jeune Samoura Thiniba (20 ans), formée au Paris FC et maintenant défenseure sous les couleurs du Paris SG pour sa deuxième saison, a réellement sauvé le club de Nasser Al Khelaïfi, d’une déconfiture en reprenant les percées de Kessya Bussy, Julie Dufour, Gaetane Thiney tout en s’imposant à Clara Mateo, placée en neuf dans cette rencontre.

Est-ce le fruit d’une première maturité ? Elle qui fait partie des nouveaux choix de Laurent Bonadei en A (4 sélections).

On peut répondre tout autant qu’il s’agissait de concentrations quand on fait la comparaison avec l’excellente prestation de Théa Greboval (28 ans) du Paris FC, elle aussi défenseure centrale, rendant plus de dix centimètres à Marie-Antoinette Katoto, pas loin de dix kilos et quelques centièmes sur cent mètres, mais toujours excellemment placée et armée d’une motivation qui a tout eu, de celle ukrainienne, au début du conflit avec la Russie.

Si le score s’est terminé sur un score de parité (1-1) avec très peu d’arrêts de gardienne, l’évidence est là. La défense des deux équipes s’est mise au niveau des attaques en prenant même le pas sur ces dernières.

Pour autant le match a été de qualité et le Paris Fc a montré la force d’une équipe lorsqu’elle est soudée, mettant au placard les habituelles ritournelles sur le double projet, condamnant les unes pour favoriser les autres ; mettant au placard la dimension des salles entre le centre d’entraînement du Paris FC sur un terrain parisien d’Orly quand les plus grandes stars sont venus inaugurer, le 21 novembre 2024, le centre d’entraînement du Paris Saint Germain à Poissy. Aussi impressionnant qu’à pu l’être, dans le passé, le siège social de Bouygues Bâtiment International, surgissant dans une courbe de la fin d’autoroute des Yvelines à Guyancourt. Une dimension Soviétique, pour les anciens.

Le Paris Fc a été si soudé que le but « gag » encaissé à la 58′, après avoir abattu les joueuses sur les quelques pas du retour au rond central, dans un body langage qui disait : « encore ! », si près du but de croire légitimement en la victoire, mais pourtant ramené à l’injustice du sport, que l’instant d’après, il est reparti au placard des souvenirs.

Ce placard que tous nous avons et qui ferme à double tour, les souvenirs inutiles, pour les broyer, puis comme dans un processus de recyclage écologique, les faire ressortir, dans une toute autre matière : et pourquoi pas celle du sourire ou du rire.

Le Paris FC explosera de joie sur ce tir égalisateur de Clara Mateo à la 87′, ingénieur de métier, dont on ne sait si elle n’est pas plus têtue qu’ingénieure, s’évertuant à tout moment, d’accélérer son jeu pour déstabiliser, ratant, refaisant, recommençant, pour finir par un poing rageur quand son tir croisé va chercher les filets parisiens de Mary Earps, énervée du manque de mobilité de ses latérales, quand elle relançait au pied. Une fulgurance la projetant leader européen des buteuses (11 buts), en cette soirée d’hiver.

Quelle aura été la valeur ajoutée du Paris Saint Germain pour ne pas perdre, après la prestation de Samoura ? A l’évidence, c’est Marie-Antoinette Katoto. La joueuse de 27 ans possède un football qu’aucune attaquante française, voire européenne n’a et ce qu’elle produit et juste ce que Corinne Diacre voulait qu’elle produise, lui refusant la Coupe du Monde 2019, sur un idéal juste, qu’aujourd’hui, elle aurait peut-être laissé au temps, d’éclore. Une force physique dans l’appui, une certitude dans sa puissance, un jeu clair et autoritaire, une envie de jouer à plusieurs et un sentiment collectif, prête à se sacrifier pour l’équipe. Du très haut niveau.

Elle est au sommet de son art et si le PSG n’est pas au sien, légitimement, elle doit partir. A l’évidence, elle mérite des récompenses internationales et elle doit imposer, au club qui la prendra, le fait de les avoir. Que ce soit le PSG ou un autre.

Le score final sera donc de parité.

Les absents ont eu tort sur cette rencontre. Il y avait quelque chose que l’on trouve rarement : l’émotion de la compétition et de la performance. Le public a eu tort de ne venir que pour la gratuité : il y a mieux à faire en identifiant les joueuses, en les accompagnant, en les forçant à plus et mieux.

Maintenant « ce n’est pas tous les jours Dimanche » comme le dit l’expression. Ou plutôt, un samedi soir, sous une pluie battante, avec un thermomètre à O°, dans un stade qui s’ouvre au vent comme un port de Bretagne peut le faire et sous des couleurs si chatoyantes avec ce vert, bordeaux, noir et jaunes des arbitres qui donnent une couleur au coeur, bercé par le big bang de la troupe musicale, envoyant à la mi-temps et à la fin de match, l’entrain et le dynamisme des notes « Dans les yeux d’Emilie » si connue aux JO de Paris 2024.

Pas si mal. Au final, tu pars avec un peu de lumière dans les yeux.

Samedi 7 décembre 2024 – 21h00 (Canal +)
PARIS FC – PSG : 1-1 (0-0)
Paris (Stade Sébastien Charléty) – 6 667 spectateurs
Arbitres : Emeline Rochebilière assistée de Stéphanie Di Benedetto et Siham Boudina. 4e arbitre : Sylvia Philion

Buts
0-1 Jennifer ECHEGINI 58′ (Echegini sert Karchaoui côté droit qui temporise et attend le dédoublement de Le Guilly dans le couloir. Elle centre pour la tête de Katoto au 2e poteau. Le ballon est touché par Echegini à 3 m du but, qui part en cloche et retombe dans le but de Nnadozie qui est derrière sa ligne)
1-1 Clara MATEO 87′ (Ould Hocine à droite trouve Bourdieu dos au jeu à 35 m en point de fixation qui sert Matéo qui s’infiltre dans l’axe et arrive juste à l’extérieur de la surface décalée à droite pour croiser une frappe du droit qui trouve le petit filet opposé de Earps)

Avertissement : Thiney 32′

Paris FC
Nnadozie ; Liaigre, Ould Hocine, Gréboval, Bogaert ; Corboz (Le Mouël 65′), Korosec ; Bussy (Garbino 65′), Thiney (cap.) (Bourdieu 79′), Dufour (Ribadeira 79′) ; Mateo
Banc : Marques (G), Sissoko, Davis

PSG
Earps ; Le Guilly, Samoura, Gaetino, Elimbi Gilbert ; Fazer (Leuchter 61′), Groenen (cap.) ; M.Traoré (Dorsin 62′), Echegini (De Almeida 66′), Karchaoui (Hurtré 90+4′) ; Katoto
Banc : Toussaint (G), Benera, Diarra