Les droits TV européens du Mondial à venir nous apprennent que le football féminin apprend à gérer son autonomie pour aller tranquillement vers la majorité. Avec le Mondial partagé entre France-Télévision et le groupe M6, les matches amicaux et de qualifications des Bleues jusqu’en 2027, pour l’instant, c’est dans l’union que le football féminin trouve force et raison.
En signant avec un « médiateur financier » tiers, l’organisme européen, chacun sort de ce combat que personne ne voulait perdre, avec son produit, sans baisser la tête dans la négociation. L’un appelant à la réalité marketing, l’autre affichant les conditions futures de son prix.
Au début, personne ne pouvait douter d’une solution entre le prix proposé par la FIFA et celui des diffuseurs européens, notamment sur le grand marché du football avec l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, l’Italie et l’Espagne. Il s’agissait de négociations et logiquement, les positions contraires trouvent un consensus.
Sauf que le football féminin est entré dans une nouvelle ère. Pendant près de sept mois, tel un lycéen en attente d’une solution « parcoursup », le football de la FIFA ne savait pas si les grandes prépas allaient l’intégrer. Autonome, il apprenait à gérer les contraintes de son environnement. C’est plutôt bon signe pour aller vers la majorité.
Les prix FIFA
Fini d’aller « taper » dans le portefeuille de « papa » ou « maman », le football féminin génère des coûts et le simple message initial de l’égalité entre les hommes et les femmes qui avait fait le bonheur de sa nouvelle identité, est passé depuis longtemps au congélateur des arguments ! Aujourd’hui, plus autonome, le football féminin doit prouver économiquement son coût et à ce jeu, il a sollicité, un peu rapidement, la majorité que la FIFA a fixé au seul minimum de dix millions avec l’espoir d’une fourchette poussée même, dans les meilleurs rêves, à vingt.
Un prix FIFA qui avait une valeur économique : le maintien des dotations aux fédérations, le versement de primes aux joueuses correspondant à la valeur d’un bien immobilier pour un mois de compétition, et l’organisation de soixante quatre matches sur deux îles distinctes (Nouvelle-Zélande et Australie), sur un marché où les déplacements ont un prix. Une position que le Président de la FIFA voulait ferme, puisqu’exposé et rappelé dans un événement mondial, début mai, quand dès la tirage au sort des groupes en novembre 2022, il avait critiqué les premières propositions ainsi : « Les diffuseurs nous offrent 100 fois moins que ce qu’ils nous offrent pour la Coupe du monde masculine ».
Affirmant sept mois plus tard sa position : «Pour être parfaitement clairs, nous considérons comme une obligation morale et juridique notre refus de brader la Coupe du Monde Féminine. En conséquence, si les diffuseurs continuent de se montrer injustes envers la Coupe du Monde Féminine et les femmes, nous serons dans l’obligation de ne pas diffuser la Coupe du Monde Féminine dans ces ‘cinq grands pays européens’. J’en appelle donc aux joueuses, aux joueurs, aux supporters, aux dirigeants, aux présidents, aux premiers ministres, aux politiciens et aux journalistes du monde entier. Rejoignez notre combat et, vous aussi, exigez une juste rémunération du football féminin. Elles le méritent. C’est aussi simple que cela» a-t-il lâché. Il a également expliqué que l’intégralité de ces droits TV sera immédiatement réutilisé pour le développement du football féminin. « 100 % des droits payés iraient directement au football féminin, dans le cadre de notre action en faveur de l’égalité des conditions et des salaires ».
Allant même jusqu’à rappeler qu’il était père de quatre filles et là, père des féminines du football mondial. Empressé à leur donner une prochaine majorité.
Les diffuseurs, acheteurs de droits : personne dans la viseur de Soeur Anne
L’histoire est connue des anciens, obligés à la réciter en primaire, malgré l’horreur de Barbe Bleue : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? », Ladite soeur, répondant : « « Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie. ». C’est à dire personne. Un peu ce que les diffuseurs pensaient trouver en Août, à part des corps bronzés, affalés, mouillés, trempés mais jamais devant un écran.
En face, des diffuseurs qui ne s’expliquent par un tel prix pour une compétition qui couvre deux défauts marketing essentiels : la diffusion des meilleurs matches « en prime time » à l’heure australe, ce qui donne au mieux à midi en Europe et au plus tôt, sur les coups de quatre heures du matin pour les débuts de journée avec en plus, la problématique unique d’être en plein mois d’août (20 juillet – 20 Août), le moment où les mesures de Médiamétrie prennent le soleil, faute d’écoutes !
TF1, diffuseur français de 2019 en France n’avait pas fait d’offres significatives avec pourtant une performance à dix millions de téléspectateurs pour le 1/8e de finale entre la France et le Brésil et les cinq meilleurs audiences de l’année 2019 sur cette huitième compétition mondiale.
Attention aux autre sports féminins
La réponse des diffuseurs étaient assez clairs. Vous avez mal organisé votre produit, à vous d’en supporter le coût. La FIFA répondant : nous avons des coûts, attention aux risques que vous prenez de vous priver du football féminin. D’autant si l’une de vos équipes gagnent la compétition car, en interne, le football féminin commence à générer des coûts qui ne peuvent que s’amortir avec de la diffusion. Essayant là, de mettre dans le panier de crabes de la discussion, chacune des fédérations aux risques de voir la courbe ascendante devenir descendante.
Un risque assez exact compte tenu que le public attend autant de sports féminins que de football féminin. Et à ce jeu, d’autres fédérations pourraient prendre la place de leader d’audience féminine avec des sports comme le basket, le volley, le cyclisme, le VTT voire de nouvelles pratiques comme l’escalade sportive, rapide et télégénique.
Les politiques se mettent dans la boucle
Plus le temps passant, même les politiques se trouvaient coincés entre ces réalités qui ne s’harmonisaient pas.
Les ministres de sport européen ayant même signé une lettre commune, au début du mois de Juin : « Nous, Ministres des sports de pays européens dont les équipes nationales féminines de football sont qualifiées pour le Mondial féminin, demandons à la FIFA et aux diffuseurs de trouver les voies et moyens d’une juste mise en valeur de la compétition » sur la poussée d’Amélie Ouéda-Castera, qui elle, avait bien dans son viseur, les jeux Olympiques 2024 à Paris, devant être une fête féminine autant que masculine.
L’union UER fait la raison
Cela bloquait pays par pays. Cela passera à plusieurs.
L’Union Européenne de radio-télévision (UER) dans le cadre d’un accord Eurovision Sport avec la FIFA, représentant les chaînes publiques européennes, avait déjà signé un accord avec la FIFA, en novembre 2022, pour le compte de vingt huit pays européens, laissant l’organisme suisse négocier mieux et plus fort avec les cinq grandes nations de football : Royaume-Uni, Allemagne, France, Espagne et Italie.
Initiative ouverte restée lettre morte, tout est passé par le droit : un avenant au contrat initial. Le nouveau contrat incluant les grands marchés, dont la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni et même l’Ukraine, qui a d’autres chats à fouetter. soit un total de trente quatre pays européens, à l’accès gratuit, offert à tous et avec l’obligation d’insérer un programme sur le football féminin d’au moins une heure par semaine pendant la compétition.
France Télévision, tout autant convoqué que perspicace sur ce qui sera la tendance de Demain avec le sport féminin et réaliste avec le football, large leader télévisé du sport exclusivement féminin.
Sa présidente, Delphine Ernotte Cunci : « Je suis très heureuse de voir l’équipe de France féminine de football revenir sur les antennes du service public jusqu’en 2027, avec dès cet été la Coupe du monde de football. Depuis de nombreuses années, France Télévisions est précurseur dans la très large exposition du sport féminin à la télévision française. Grâce à cette alliance public – privé entre France Télévisions et le Groupe M6 dont je me réjouis, nous amplifions le mouvement. Nous allons en faire une grande fête du football féminin pour donner à toutes les petites filles l’envie de pratiquer le plus populaire des sports. »
Du côté des Bleues, ce sera France-Télévisions qui prendra en charge la diffusion et partagera le volume des soixante quatre matches avec le groupe M6, dont le Président du Directoire, Nicolas de Tavernot, déjà diffuseur des Bleues sur W9, qualifiera ainsi l’intervention, après avoir confirmé sa volonté de diffuser la compétition à un autre coût lors d’un tweet de mi-mai 2023.
Dans les pays cités comme diffuseurs, apparaissent aussi la Belgique, l’Autriche, la Croatie, l’Irlande, la Roumanie, la République tchèque et la Turquie, mais pas le Portugal, la Grèce, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark, la Norvège et la Finlande.
France Télévision va plus loin en diffusant les Bleues avec M6.
Le dirigeant français, structure privé, s’est associé à un prix confidentiel à ce contrat de diffuseurs publics mais inférieur aux demandes ce qui donnera la part belle à France-Télévisions mais avec un pied bien posé par M6, dans la cadre d’une stratégie à plus long terme puisque le groupe crée par le frède de Michel Drucker, a confirmé être le diffuseur des matches amicaux de l’Equipe de France et de qualifications jusqu’en 2027, partageant là-aussi, la tâche avec France Télévisions.
France Télévision avait fait découvrir le Mondial 2011. M6 avait parié sur l’exagération du football lors d’un Mondial masculin construisant son offre sur « venez voir autre chose que du football », tout en faisant découvrir en 2006, le duo Menès et Estelle Denis, première femme à animer une émission sur le football.
Iconoclaste et à l’écoute du marché à conquérir.
Canal plus, seul en championnat, le Vendredi et le Dimanche soir
La D1F Arkema est reprise par le Groupe Canal+, jusqu’en 2029. Une signature qui aura quasiment dix ans d’âge.
A chaque journée, deux affiches auront les honneurs d’un « prime » en direct « sur les chaînes et services du groupe Canal+ », le vendredi et le dimanche soir à 21 heures. La chaîne privée diffusera également le tournoi final du championnat, nouvelle version en play-off, prévu dès la saison prochaine, soit les demi-finales, la finale et le match pour la troisième place.
Les autres matchs seront retransmis sur la chaîne Dailymotion du groupe Vivendi. « Le contrat inclut également la diffusion du Trophée des championnes », entre l’équipe championne de France et le lauréat de la Coupe de France, écrit la FFF.
Le football féminin montre que c’est dans l’Union à plusieurs que la force se crée, sur les conseils de la raison.
Le football féminin, pas encore majeur mais bien loin d’être en « maternelle » ou au « collège ». A cinquante mille euros mensuels pour les meilleurs et un chèque de 270.000 euros par joueuse gagnante de la Coupe du Monde.
Elles sont plutôt prêtes à rouler en BMW, au minimum.
William Commegrain Lesfeminines.fr