Juste avant le Tournoi de Yongchuan (mi-novembre) opposant la Chine, la Corée du Nord, le Mexique et le Brésil ; voilà huit jours que Cristiane (32 ans, Changchun Dazhong, chine), Rosana (35 ans) et et la plus jeune Francielle (27 ans, Sao José, Brésil), stars brésiliennes de football féminin pour les deux premières ont annoncé qu’elles ne répondraient plus aux convocations de l’équipe nationale brésilienne.
Prête à jouer avec sa sélection sous le coaching d’Emy Lima (nommée il y a 10 mois), elle apprend son licenciement surprise. Aussitôt, après réflexion, elle décide de son retrait du maillot Auriverde.
A deux ans de la Coupe du Monde pour les européens (2019), trois ans des Jeux Olympiques (2020, Tokyo) et pour les amateurs sud-américains de la Copa América (2018) habituellement gagnée par le Brésil ; cela fait un choc pour qui a vu jouer Cristiane en France (PSG, 2015-2017).
Au camp des Loges, la brésilienne a montré, dès ses premiers contacts avec la balle qu’elle imaginait le football autrement que dans l’académie d’une passe et plutôt avec le solo de l’émotion qui donne, aux mouvements qui se dessinent, une couleur nucléaire à ce que l’on voit et que notre esprit devine : le danger est là, imprévisible. Sur le fil. Elle le cherche et elle a les moyens de le trouver.
Le triplé qu’elle met en Coupe d’Europe un soir d’Octobre 2017 en 1/16è de finale, replaçant le PSG sur la route de l’espoir après une défaite à l’extérieur (3-1) chez le champion de Norvège, pour un (4-0) à Charlety est un modèle d’envie pour la lucarne qui qualifie le PSG féminin (2-0), de maitrise technique de la tête (3-0) et de son gauche (4-0) pour le dernier qui ne leur laissera plus aucun espoir. (voir les buts)
Au final de cette saison 2017, le PSG fera une nouvelle finale de la Women’s Champions League, la perdant sur le fil (0-0, tab) face à l’Olympique Lyonnais. La Brésilienne en avait été l’auteur. Comme de la finale 2015 lorsque le PSG butait face à Barcelone, et qu’elle a réussi le seul but de cette double rencontre, en toute fin de match (87′) pour une demi-finale qui sera gagnée contre Wolfsburg.
Cette fille a dans son jeu, les mêmes sources que celles des funambules urbains. Les fameux Yamakasi qui sautent de murs en murs en rendant réel, l’irréel.
Le but de mai 2017 qu’elle met en finale de la Coupe de France contre l’Olympique Lyonnais, permettant aux parisiennes de faire l’exploit rare de mener (0-1, 7′) face à cette équipe qui se fabrique, avec ses titres et ses conquêtes, une Histoire d’Amazones est juste incroyable.
Une course qui reprend Amel Majri de vitesse, encore plus à l’envie qu’à la rapidité pure, pour se transformer, telle une mutante, en un espace de milli-seconde, en artiste et faire un geste qui s’apparante à une note de musique dans le silence d’un stade qui comprend que l’incroyable va peut être survenir, sans savoir, ni comment, ni pourquoi ?
Le devinant, seulement, au toucher de la brésilienne. Une artiste, c’est une artiste. C’est comme le talent. On peut le forcer, le réclamer, l’implorer. Mais, c’est comme cela, il sort quand il sort. Réservé à certains. Une fulgurance qui nous enflamme, spectateurs de ce qu’on est pas.
De savoir que l’on ne verra plus, en amical ou en compétition cette odyssée du football féminin qui, sous les couleurs jaunes et vertes du Brésil prend immédiatement la couleur de l’exceptionnel fait mal au coeur. Fait mal aux tripes. Une envie de « canapé-TV-télécommande » alors que l’ex-parisienne était une des rares à donner envie d’affronter le froid d’un stade féminin pour repartir plein de cette lumière qu’elle savait créer.
Elles ne sont pas si nombreuses les joueuses qui ont ce feu en Elle dans un sport qui fait briller surtout les joueuses par la pratique d’un jeu collectif.
Elle aurait pu quitter avec l’âge cette sélection. Bien plus tard car les brésiliennes savent qu’elles ont les moyens de jouer longtemps au plus haut niveau mondial avec leur talent. Un peu comme chez les hommes, sauf que les revenus n’étant pas les mêmes, pourtant issus de la même pauvreté économique, les talents brésiliens savent qu’elles devront jouer bien plus longtemps pour se mettre un matelas de côté.
Alors, elles jouent au football pour gagner de l’argent et leurs vies.
Ce métier, dans le football féminin, à l’exception de l’Olympique Lyonnais, t’oblige à aller de cultures en cultures, de pays en pays, de clubs en clubs, pour percevoir la meilleure rémunération qui soit dans un marché qui ne donne ses pépites d’Or qu’à très peu de joueuses. Les autres, étant comme ses chercheurs d’Or, à la recherche de la pépite qui les garantiraient. Souvent, un titre mondial ou Olympique.
En écoutant, sur TF1, l’émission française de Téléfoot et la discussion entre Christian JeanPierre et Thierry Henry, j’ai pensé à cette joueuse au moment où on a vu le français ému par sa statue déposée au pied de l’Emirates Stadium. Je me suis dit : « s’il y avait eu un marché économique pour le football féminin ; cette joueuse aurait été une des plus fidèles à un club. Elle aurait eu sans contexte, une statue pour l’honorer ».
Les voilà, filles d’Amérique du Sud, obligées à être des mercenaires du football féminin pour en vivre et qui, ont décidé, par respect pour la première féminisation brésilienne du poste de sélectionneur avec Emily Lima qui donnait corps au féminisme inhérent et légitime du football féminin après tant d’années dans l’ombre du football masculin, de ne plus porter le maillot « Auriverde » qui a connu une finale mondiale (2007) et deux finales Olympiques (2004, 2008), auquel il faut ajouter six titres de la Copa America sur sept.
Cette joueuse, au-delà de la trentaine, a voulu dire : « on ne nous donne que des mots, rien dans les faits. » Et bien basta.
Il y a bien entendu des notions d’argent mais surtout, le fait de ne pas avoir laissé la sélectionneuse Emily Lama, jouer sa chance avec un cycle de travail qui devait les amener aux JO de 2020. Démise en un peu moins d’une année (10 mois) ; remplacée par l’ancien sélectionneur Valdo (sélectionneur féminine de 2014-2016 ; Coach dernièrement démis de Guarani -Série B-), au coeur des réseaux masculins dont l’initiateur serait le coordinateur du football féminin brésilien, Marco Aurelio Cunha.
Les joueuses Rosana, Cristiane, Francellia ont donc dit « Basta ». Bien payées dans leur club respectif, il faut y voir une décision d’identité. Les filles, de par le monde, commencent toutes à dire : « arrêtez de jouer avec nous ! ».
On en la reverra pas en Europe. Dommage, c’est une très bonne joueuse. Peut-être une des meilleures étrangères qui ait évolué en France avec Lotta Schelin, Ada Hegerberg et Elle.
William Commegrain lesfeminines.fr
PS : l’internationale Marta, onze fois cité dans le trio des meilleures joueuses FIFA, cinq fois vainqueur a confirmé sur son instagram qu’elle comprenait la situation mais qu’elle continuait avec la sélection.
source http://www.womenssoccerunited.com/brazil-wnt-coaching-controversy/