Le titre est la recherche idéale. L’objectif et le rêve pour une équipe. Un moment incroyable.
Quand vous écoutez les coaches de Ligue 2, la tendance est d’utiliser le mot « Alchimie ». L’alchimie, cette association de plusieurs matières qui sont supposées créer de l’Or, et que l’Histoire et les Contes nous ont rappelé à quel point il semblait impossible de la reconstituer, de la réaliser comme de la refaire.
Pourtant, dans le sport, on note qu’il y a de plus en plus d’équipes ou de sportifs comme sportives qui arrivent à renouveler leur performance, leur titre.
Inséré dans les neurones de ma mémoire, j’ai par exemple, le hurdler Edin Moses sur 400 mètres haies qui avait réalisé 122 victoires consécutive de 77 à 87. Des enjambées qui partaient dans l’espace avalant les mètres quand, à côté, la nervosité de certains, rendait leurs courses quasiment « en acceléré » sans pour autant pouvoir rivaliser. Bien entendu, il y a eu Sergei Bubka et ses records du monde à la perche (plus de 35). Je pense à Teddy Riner avec ses 8 titres de Champion du monde.
En sport collectif, et pour verser dans le sport féminin, on pense au Metz handball (20 titres de Champions de France), le RC Cannes en Volley (18 titres) et l’Olympique Lyonnais (10 titres) en football féminin.
La victoire de l’équipe de France Militaire, venue de partout et d’ailleurs, ressemble à celle des USA en 1984 au Volley-ball. Une volonté politique et une organisation pour atteindre cet objectif.
A cette époque, cela avait fait grand bruit puisque c’était la première équipe qui s’était enfermée, en vase clos, pour gagner les JO de Los Angeles dans le sport roi du Volley qui était la propriété des Russes, vainqueur de l’Or en 80 à Moscou que les américains avaient boycotté pour cause d’envahissement de l’Afghanistan.
Comme un apprenti-sorcier, je me suis demandé s’il existait un méthode pour gagner un titre ? Mes questions à Elisabeth Loisel n’en ont pas fait écho mais l’écoute des réponses, leurs ordonnancements possibles, m’ont amené à me demander, si on ne pouvait pas présenter les réponses de la coach française, de manière ordonnée, comme une méthode. Il y a d’ailleurs un côté insouciant à se poser cette question. Et pourtant ? Qui sait ?
J’ai donc interviewé Elisabeth Loisel, seconde française à posséder le BEPF, coach de cette équipe militaire qui est allée au bout de cette aventure et de son graal : le titre.
De l’ensemble de ces réponses, j’en ai déduit les points suivants, présentés -volontairement- pour être en phase avec la didactique militaire :
1°) Il faut un objectif : La Défense avait fixé le sien.
Elisabeth Loisel : (..) « L’objectif de la Défense était d’organiser cette compétition en France et aussi de la gagner ».
2°) Il faut une organisation pour atteindre l’objectif.
Lesféminines : Comment avez-vous fait pour réaliser cette performance en si peu de temps ? Elisabeth Loisel (…) « J’ai pris les fonctions au sein de cette équipe détachée par la fédération avec quelques stages à la suite de la préparation de la compétition en Octobre dernier en Corée. C’est un travail qui a été réalisé sur une année avec l’objectif d’être au plus haut niveau. On a fait quelques stages, des rassemblements et au fur et à mesure des possibilités que j’avais, j’ai choisi entre les militaires de carrière et les réservistes qui dépendaient des clubs.
On a réussi à faire une équipe compétitive à ce niveau là qui puissent défendre ses chances pour avoir le titre ».
3°) Il faut des choix en phase avec l’objectif.
Lesféminines. (..) J’ai le sentiment que vous avez proposé une équipe qui montre le niveau de la D1F, sans son élite « extra-terrestre » ? C’est un bon indicateur du niveau du football féminin. Elisabeth Loisel : (..) « J’avais un projet de jeu et un projet d’équipe dans lequel, je voulais des profils qui m’intéressaient. Je suis allée à la recherche de ses profils en complément des militaires que j’avais et qui pouvaient répondre à ce niveau de compétition. J’avais d’autres militaires disponibles éventuellement mais qui jouaient à un niveau qui ne permettaient pas de répondre aux objectifs du Ministère de la Défense.
Je suis allée chercher des joueuses qui pour certaines ne jouaient pas toujours en D1 ou du moins pas régulièrement. Des bonnes joueuses de D2 également, qui pour certaines d’entre elles, se sont montrées dans la compétition. »
4°) Il faut un « deal » qui façonne le groupe et soit une réalité : le double projet.
Lesfeminines. suite de la même question. Elisabeth Loisel : (…) Il y a des gens pas bien intentionnés, notamment sur les réseaux sociaux, qui pensaient que l’on avait fait du recrutement pour du recrutement. Oui, c’était un des objectifs mais ce n’était pas le seul, et vous le verrez notamment dans les mois à venir.
L’idée, au-delà de l’aspect sportif, c’était de proposer en parallèle, à des joueuses qui ne sont pas des cadres de la D1, de pouvoir éventuellement leur proposer un double projet car elles ne vivent pas du football voire pour certaines, sont en précarité -il faut le dire-
C’était aussi via cette sélection militaire, et ce sera une réalité dans quelques mois, d’avoir l’objectif de permettre à des jeunes femmes de pouvoir s’ouvrir une carrière professionnelle dans l’armée. Et là, je sais que certaines d’entre elles qui ont signé un contrat de réservistes, dans les prochains mois ou dans les deux années qui viennent, vont être recrutées dans l’armée pour y être formées. C’est une belle opportunité qui s’ouvre à ces joueuses. »
5°) Il faut une finalité, c’est à dire quelque chose qui reste toujours à atteindre.
Lesféminines : On a eu l’impression, que les joueuses étaient impliquées sur des notions de valeurs en portant l’uniforme tout autant que sur celles du sport, en fréquentant l’Armée sur cette compétition. Qu’en pensez-vous ? Elisabeth Loisel (…) : « Je pense que le sport au sein des Armées est un moteur prioritaire car tous les régiments ont des services de sport. Toutes les recrues de l’armée font du sport car quand il faut aller au front, il faut avoir des gens bien dans leur peau, dans leur tête et qui soient résistants.
Malheureusement, le service militaire a été rendu non obligatoire et cet échange qu’il y avait entre le monde fédéral, le monde civil et l’Armée s’est un peu estompé et l’ambition du Ministère de la Défense c’est de remettre le sport à l’intérieur de l’Armée, et lui redonner une nouvelle dimension. Par l’intermédiaire des féminines, c’est une réelle opportunité de mettre en place une belle équipe au sein de cette armée.
Le projet n’est plus sur une année comme avant avec le service militaire et le bataillon de Joinville mais c’est peut être d’enclencher un beau projet sur plusieurs années.
6°) Il faut une aventure et des découvertes avec un avantage concurrentiel : l’entraînement mental de l’Armée.
Lesféminines : suite de la même question ? Elisabeth Loisel (…) : Certaines ont totalement découvert, tout comme moi, cet univers. On a des choses à apporter que j’ai tenté de leur apporter, mon expérience et je pense mes compétences sur le plan technique, mais je me suis appuyée aussi sur ce qu’ils savent bien faire, en terme de préparation mentale notamment.
On a bénéficié au mois de Mai dans le dernier stage, mais aussi lors de notre préparation d’avant Corée de techniques qui visent à créer une cohésion, un engagement, une solidarité, un dépassement de soi, de la concentration et de l’attention. Autant d’éléments qui sont pour moi indispensables à posséder quand on fait du haut niveau et quand on joue de grandes compétitions internationales.
C’est vraiment un bénéfice important et ce que je leur apporte sur le plan technique, ils me l’ont apporté dans un autre cadre.
7°) Il faut que les joueuses y trouvent un intérêt individuel.
Lesféminines : Avez-vous trouvé des talents particuliers pendant cette sélection ? Elisabeth Loisel (…) : « Je l’ai dit. je travaille en étroite collaboration avec les collègues de la fédération qui sont chargés des autres sélections féminines. Philippe Bergerôo entre autre qui était présent au match. Jean François Niemezcki qui s’occupe de l’équipe de France B et de l’équipe universitaire qui est aussi championne du Monde universitaire.
C’est un échange d’intérêts au service des joueuses. Il y a des joueuses qui ont donné pleinement satisfaction en faisant un très bon tournoi. On est là pour faire en sorte que ces jeunes filles, quelle que soit la sélection dans laquelle elles évoluent, puissent être en sorte d’évoluer pour qu’on les propulse vers l’équipe A.
Charlotte Bilbault a été internationale militaire avant d’être international B pour devenir international A. Je pense avoir dans mon effectif des joueuses qui peuvent prétendre entrer dans quelques temps, sur des sélections fédérales et pourquoi pas sur l’équipe A. Je pense à Faustine Robert, Julie Machart, la petite Pamela Babinga que je suis allée chercher au fin fond de l’Auvergne et que personne ne connaissait l’an dernier encore puisqu’elle évoluait en DH à Paris. Solène Barbance. Charlotte Lorgeré ou Carole La Villa ont fait une très belle compétition. Laura Bourgoin qui se découvre depuis quelques temps avec des sélections en militaire et en B, que Philippe m’avait laissé, avec la possibilité dans quelques temps, peut-être, de rejoindre l’équipe de France A. »
8°) Il faut un intérêt du staff et un intérêt général.
Lesféminines : suite de la même question. Elisabeth Loisel (…) : « Mon objectif était de remporter cette compétition car quand on joue cette compétition, que l’on soit joueur ou entraîneur, on veut aller au bout. Mais c’est aussi de promouvoir des joueuses et de leur donner un élan qui leur permettront de rejouer dans un club de meilleur niveau.
J’ai eu des entraîneurs féminines qui m’ont appelé pour avoir des renseignements sur certaines joueuses. Même s’il n’est pas pour la sélection A dans l’immédiat, il est dans l’intérêt du foot féminin et par la-même dans l’intérêt des clubs et de la joueuse avec le double projet dans le monde militaire pour une reconversion assurée dans les métiers de l’Armée.
Fin de l’interview qui se terminera sur une discussion par une analyse réciproque du football « professionnel » et amateur de la D1F.
Je le répète, Elisabeth Loisel n’a pas répondu à la question : « existe-t-il une méthode pour avoir un titre et quelle est la vôtre ? ». Elle m’aurait sûrement répondu, comme tous les coachs : « je ne réponds pas à des questions stupides. » A l’inverse, notre discussion, mes questions, m’ont amené à proposer de vous synthétiser cette discussion sous cet angle.
Peut-être qu’il y a un cadre ? Peut-être qu’il y a des pistes. Et certainement des points à compléter. Mais il me semble qu’on peut y voir un canevas. Après, comme dit fort justement mon ami Bruno Bini : « la balle est ronde pour tout le monde ». Un jour ici, demain, ailleurs.
C’est certainement pourquoi, quand vous arrivez à maitriser cette inconnue, alors vous avez trouvé l’Alchimie du titre.
Et le sourire.
William Commegrain lesfeminines.fr