2025 : Un nouveau souffle pour un monde sportif en pleine mutation
Par Daniela Herrera Dimaté. L’édition 2025 de « Demain, le sport ! », tenue le 7 octobre à la Maison de la Radio et de la Musique à Paris, s’est imposée comme un moment charnière pour réfléchir en profondeur aux transformations qui agitent le sport aujourd’hui, notamment après les Jeux de Paris 2024.
Plus qu’un simple événement, c’est un laboratoire d’idées où convergent une diversité d’acteurs — sportifs, décideurs, experts, entrepreneurs — engagés dans la construction d’un avenir sportif durable et inclusif.
Une double lecture portée par la nécessité et l’ambition
Au fil d’échanges riches et variés, deux lectures complémentaires émergent, révélant la complexité et la richesse des débats.
D’un côté, la nécessité urgente de relever des défis globaux fondamentaux :
- assurer l’accessibilité du sport à tous dès le plus jeune âge,
- intégrer des pratiques plus inclusives notamment pour le sport féminin et le parasport,
- répondre aux enjeux écologiques et éthiques,
- et réinventer l’expérience sportive par l’innovation technologique.
De l’autre, l’ambition de renforcer le rôle du sport français et international comme moteur économique, culturel et social puissant, en développant un écosystème capable de former des athlètes d’excellence tout en sensibilisant le grand public à des valeurs durables.
Cette double lecture structure les nombreuses thématiques abordées — inclusion, santé, accompagnement des jeunes talents, reconversion des sportifs, financement innovant — qui s’entrelacent et se nourrissent mutuellement, formant un véritable programme d’action pour un sport à la fois performant et responsable.
Voici quelques conférences qui ont marqué l’occasion.
La promotion du sport féminin : les femmes au combat
La question de la place des femmes dans le sport s’est imposée comme l’un des fils rouges de l’événement.
Le sport féminin subit des discriminations structurantes : moindre visibilité médiatique, disparités salariales, stéréotypes culturels et préjugés encore vivaces dans de nombreux domaines.
Ces obstacles freinent la reconnaissance et la valorisation des sportives, malgré de nombreux exploits et une attractivité croissante auprès du public.

Lisa Barbelin, médaillée de bronze olympique et double championne d’Europe de tir à l’arc, a évoqué les représentations invisibilisées longtemps taboues, notamment autour des cycles menstruels, de la grossesse et de la maternité.
Elle a souligné combien le sport évolue pour intégrer ces réalités dans la pratique quotidienne, avec un exemple marquant : le tir à l’arc est recommandé aux femmes atteintes d’un cancer du sein et est utilisé comme activité thérapeutique. Ce type d’information contribue non seulement à une meilleure reconnaissance du sport féminin, mais aussi à son inscription dans une dynamique de santé et de bien-être.
En ce mois d’octobre, dédié à la sensibilisation au cancer du sein, il est frappant de constater que cette connexion entre sport et santé reste peu mise en avant dans le football ou d’autres disciplines médiatisées, où l’on parle rarement d’initiatives nombreuses liées à Octobre Rose ou de la place du corps féminin dans la performance et la prévention. Ainsi, de nombreux clubs de tennis (TC Lutèce) ont des cours réservés aux femmes en rémission d’un cancer.
Ysaora Thibus, vice-championne olympique par équipe en 2020 et championne du monde 2022 de fleuret, a résumé la situation avec lucidité : « Nous devons surperformer pour espérer que l’on parle de nous, souvent sans aucune garantie que cela se produise. »
Confrontée elle-même à une période difficile après un contrôle antidopage positif qui a suspendu temporairement sa carrière, elle a choisi de transformer cette épreuve en moteur d’action.
Malgré la polémique et l’incertitude, elle a poursuivi son engagement en fondant Essentielle Stories, une plateforme dédiée à la mise en lumière des sportives de haut niveau souvent absentes des médias, afin de leur rendre la visibilité qu’elles méritent et de faire entendre leur voix authentique.
Ysaora Thibus, double olympienne et 7 fois médaillée au Championnat du Monde, dévoile un magazine digital célébrant les femmes olympiennes, les championnes du monde, les All Stars et plus encore. (sporsora)
Finalement, elle a été blanchie et est sortie grandie de cette affaire, renforçant encore l’image d’une athlète déterminée et engagée.
Andreea Koenig, vice-présidente de la Ligue féminine de football professionnel, a souligné que malgré ces progrès, les défis restent immenses.
Elle a insisté sur la nécessité d’aller bien au-delà de l’accès aux terrains : il faut désormais penser à un vrai accompagnement, un parcours de formation complet et la valorisation des carrières féminines.
Elle a cité l’exemple inspirant de l’Angleterre où le sponsor Barclays a investi des millions dans le développement du foot féminin, notamment en créant des vestiaires adaptés, infrastructure simple mais cruciale qui a réduit un décrochage majeur chez les filles à la puberté.
Sophie Sauvage, fondatrice de SportPowHER, a insisté sur l’importance de créer des espaces sûrs et valorisants pour les femmes, un élément fondamental pour une pratique pérenne et épanouie, qu’elle soit amateure ou professionnelle.
Un combat partagé depuis peu avec les médias.
Les chiffres démontrent néanmoins une dynamique prometteuse. Selon les échanges, la couverture télévisuelle du sport féminin, notamment lors des Jeux Olympiques et Paralympiques, a atteint 37% du volume des épreuves diffusées sur France Télévisions.
Un bond important qui reflète l’intérêt grandissant du public pour les performances féminines.
Plus encore, 57% des personnes interrogées déclarent avoir changé de regard sur le sport féminin récemment, et 54% suivent désormais régulièrement ces compétitions, des chiffres encourageants pour l’essor durable de la discipline.
Le sport féminin apparaît donc comme un levier puissant d’émancipation et de transformation sociale.
Les intervenantes ont également mis en lumière les effets positifs du « boom » médiatique engendré par les Jeux Olympiques de Paris 2024 et l’émergence de nouvelles générations de fans, dont la moitié sont des nouveaux supporters du sport féminin.
Cette croissance est alimentée par la volonté des athlètes elles-mêmes d’ouvrir leur histoire, leur personnalité et leurs combats au-delà du terrain, changeant ainsi le récit collectif.
Au-delà de la visibilité médiatique, c’est tout un modèle économique du sport qu’il faut repenser.
Pourquoi le développement du sport féminin semble-t-il encore bloquer, alors même que les performances et les engagements progressent ?
Le basket féminin, par exemple, souffre d’un manque de soutien structurel, avec des équipes (ASVEL, Tarbes), championnes de la Ligue d’élite du Basket (La Boulangère WonderLigue) mais disparaissent faute de moyens ou de relais financiers durables.
Cette réalité interroge la responsabilité des partenaires et des annonceurs : peut-on encore se contenter de campagnes ponctuelles ou symboliques ?
À terme, il faudra sans doute envisager des mécanismes incitatifs – voire des obligations – pour que les entreprises investissent dans le sport féminin en partageant avec leurs engagements dans le sport masculin, selon une clé de répartition qui ne peut pas être rien pour l’une et 100% pour l’autre !
En 2025, l’un ne pouvant pas aller sans l’autre ! Garantissant ainsi une évolution plus juste et pérenne.
Daniela Herrera Dimaté pour Lesfeminines.fr