Jamais les Bleues n’ont été aussi nombreuses pour un stage. Trente joueuses appelées quand l’habitude tourne autour de vingt-trois, poussant le chiffre à vingt-six dans les périodes pré-compétition.
Là, Laurent Bonadei, ex-niçois, veut soigner les détails. Environ dix joueuses défaillantes en octobre, dix joueuses de trop à l’évidence. L’homme du sud, né à Marseille, voyait sa liste s’allonger, cherchant les remplaçantes, poussée par les noms rayés au fir et à mesure des nouvelles.
La tendance est au « livret d’accueil ».
Copiant la marche suivie des entreprises à créer des phases d’accueil et d’intégration pour toute personne nouvellement recrutée, l’équipe de France A, tant pour les hommes que pour les femmes, a instauré des phases : une, deux et trois avant de voir le ou la joueuse, entrer sur le pitch pour ouvrir son compteur sélection.
Au départ une nouveauté pour maintenant se décliner en rite.
Des jeunes joueuses appelées le sont pour découvrir et être découverte : Marie-Morgane Sieber, gardienne de l’EA Guingamp, 12e et dernière du championnat en est certainement un exemple malgré ses quarante buts encaissés sur neuf journées mais avec l’avantage de faire 1m80, taille minimale et idéale , une gardienne tout en étant celle qui a fait le plus d’arrêts dans ce premier tiers de championnat.
Serait-ce une venue sans billet retour ? Elle pourrait s’appuyer sur le parcours de Constance Picaud, appelée aussi en étant dernière du championnat avec le Havre en 2020-2021, confirmée ensuite, pour venir au PSG (2021-2024), continuer à faire partie du groupe France et maintenant, gardienne de Fleury.
1m80 sous la toise pour les deux. Le minimum vital pour une gardienne internationale de football.
Serait-ce le cas pour Lou Bogaert (1 sélection, Paris FC), Jade Le Guilly (1 sélection, Paris SG), Alice Sombath (première convocation, OL), Margaux Le Mouel (2 sélections, Paris FC), moins pour Naomie Feller (Real Madrid) avec six sélections.
On ne sait, sauf à les tester. Ce que Laurent Bonadei a décidé de faire avant de constituer son groupe qui sera celui des trois prochaines saisons, puisque son contrat s’arrête en 2027.
Pour ces joueuses, le compteur commence en 2024 ou il s’arrête.
Le projet de vie plus important que le projet de jeu.
Trente pour deux matches.
L’idée est de voir comment une joueuse s’acclimate au groupe. L’idée est de vivre ensemble. Une tendance française quand les américaines se reconnaissaient peu amies dans un groupe qui a trusté les médailles. Le regard étant porté sur ce que la personne apporte au groupe et non pas sa manière d’être dans le groupe.
Ces nouveaux obstacles au maillot international éloignent encore plus les internationales de la première vérité qui doit se traduire par la performance. D’autant que les joueuses sont connues depuis France U17, U19, U20 et maintenant U23.
En polissant, les français risquent d’édulcorer ce qui fait la différence et l’imprévu pour trouver des standards humains, répétant avec conscience, les mêmes gestes et situations, attendant de celui qui lui donne le droit du « Bleue » comme du « Bleu », le sélectionneur, la solution idéale !
Il y a une forme de culture qui ressemble à celle de l’entreprise passée. Avec une structure verticale très hiérarchisée quand les anglophones sont les partisans des structures à plat. Celui qui fait, fait. Peu regardant sur la façon mais plus sur le résultat.
Ce faisant, on transforme un jeu surprenant en une autoroute d’habitude.
Ce faisant on l’éloigne de l’émotion.
Seul lien entre le public, les fans, leurs sentiments amoureux et les joueuses.
Trente, cela fait « classe surchargée ».
Trente joueuses pour deux matches, c’est un beaucoup. Cela ressemble aux classes surchargées. Sur le plan scolaire, on sait que cela ne donne pas les meilleurs résultats.
Le problème des classes surchargées, c’est celui de voir se créer des groupes de 3 à 4 personnes, voire de deux pour ceux les plus éloignés de l’esprit que la « classe » dégage. Environ une dizaine de groupes qui sera le foyer de protection et de communication des émotions de chacun.
Dans chaque groupe on saura tout, ce qui fait que les autres en seront moins. C’est le début de la différence et les premières graines des problèmes si on leur donne l’eau qui les font se développer.
Dix groupes, dix univers différents.
Ces petits groupes se gèrent tous différemment et pour toucher l’individu, il faut identifier et connaître les caractéristiques du groupe. On parle autant à l’une qu’au groupe car les messages reçus seront discutés et validés dans le groupe.
Faire cela auprès de dix groupes, cela demande une présence constante, un leadership indiscutable et une finesse dans l’intervention pour que chaque groupe accepte la décision qui ne le touche pas, autant que celle qui le concerne.
Enfin la dernière difficulté consiste à associer tous ces groupes informels vers un objectif commun pour former une identité en comparaison d’autres groupes concurrents. Être identifié collectivement, et au mieux, plus de manière informelle que formelle. Quand le groupe « classe » a son identité, alors commence la liberté de l’expression individuelle.
Elle prend le pas. Chacun se trouvant identifié, accepté, protégé et actif pour réussir individuellement comme collectivement.
C’est assez difficile à gérer , c’est pourquoi dans l’éducation nationale, les classes surchargées sont souvent décriées par les enseignants.
En football, je ne sais pas ce qu’il en est, mais je suis certain que trente joueuses convoquées, plus celles des U23 qui étaient déjà dans le groupe, cela fait trop. Bien trop.
En fait comme en droit, la solution est simple.
Elle se trouve dans le nom même du métier de coach : un sélectionneur sélectionne.
William Commegrain Lesfeminines.fr