Avec pas moins de 57 joueuses de haut niveau en 2022 (Série A, 3 ; D1F Arkema, 6 ; Bundesliga, 10 ; NWSL, 11 ; FAWSL, 13 ; Liga F, 14) ayant subi une rupture des ligaments croisés (1), la question de la santé de la sportive de haut niveau dans le football s’est crucialement posée auprès des institutions.
Un peu à reculons, surpris par l’ampleur des dégâts dans une pratique qui devait évoluer crescendo, l’UEFA, fin décembre 2023, a crée un comité d’experts composé de spécialistes chargés de recueillir les datas de chaque segment de joueuses concernées, pour une première restitution sur les axes préventifs jusqu’aux conditions de retour au jeu avec l’échéance, dans le courant du 2e semestre 2024, qu’une politique de sensibilisation soit instaurée.
La blessure interroge au plus haut niveau mais elle a un coût global. Aux Etats-Unis, il s’agit d’une moyenne de 250.000 LCA par an, chaque LCA coutant 17.000 $ par ligament. En France, ce sont 35.000 LCA (2007), les chiffres se suivent au niveau européen.
Sur ce que l’on sait :
Le sport et la rupture du ligament croisé antérieur sont mariés ensemble
Plusieurs spécialistes ont expliqué ce phénomène qui concerne 4 à 7 fois fois plus de joueuses que des joueurs au même niveau sportif. Sans privilégier plus un sport qu’un autre, l’indication est d’être dans un sport de pivot (foot, hand, basket, tennis, ski, etc ..) ou non.
Le football et le basket étant logiquement des sports à risques de ce type de blessures avec un taux de LCA de 0.32 et 0.29/1000 (source Prodromos) chez les féminines. La palme revenant au hand avec un taux de lésions de 0.56/1000 pour les sports collectifs. le problème est le même pour les sports individuels, avec un taux de 0.77/1000 expositions pour les sports de combat. (voir 2).
Quelle est l’architecture de ce ligament ? Il croise le ligament croisé postérieur et permet un déplacement normal de l’os du tibia avec celui du fémur (cuisse), empêchant l’os du tibia d’effectuer une rotation trop importante par rapport au fémur (3). Dans la majorité des cas, sa rupture provient d’un traumatisme indirect, causé par un mouvement de torsion. Le pied reste bloqué au sol tandis que le genou pivote » selon le site chirurgie-orthopedique-paris.com.
Après coup, on ressent une gêne, une forme d’instabilité, un gonflement du genou emmagasinant du sang, une difficulté à marcher et une gêne à pivoter. On est gêné sans être immobilisé.
Une rupture sans contact et la physiologie féminine
70% des ruptures de LCA se font sans contact. Généralement pendant la décélération, lors d’un pivotement ou d’une réception de saut.
Un résultat qui s’expliquerait physiologiquement et matériellement. On voit trois grandes pistes féminines.
(A) Le bassin féminin, plus large que celui masculin, modifie le fonctionnement de l’os de la cuisse, de celui du tibia comme du fémur, peu pris en compte par les chaussures masculines, mettant en tension le tissu mou qu’est le LCA (ligament croisé antérieur), solide mais peu flexible (1)
(B) Le fait d’avoir des ischios jambiers moins travaillés chez les féminines feraient que sur la durée et l’intensité de la pratique de haut niveau, son rôle de maintien du genou serait soumis à plus de pression. Il y aurait une plus grande laxité chez la femme. Autre différence, l’échancrure inter condylienne est plus étroite, entrainant un LCA plus petit chez la femme.
(C) Il resterait le règlement hormonal chez les filles. Il existe « de manière significative, une plus grande fréquences de rupture pendant la période pré-ovulatoire que lors de la phase post-ovulatoire » selon le site chirurgiedusport.com.
La physiologie n’est pas la seule contrainte, certains ouvrent la voir à la psychologie du moment. Tout le monde a entendu cette phrase, « quand tu n’es pas bien dans ta tête, souvent tu te blesses ». Les dictons populaires ont souvent une base de vérités.
On peut penser que la blessure d’Eugénie Le Sommer face à la Suède (0-1 à l’extérieur), -bien que ce ne soit pas une LCA- entrainant son opération est autant due au sentiment de n’avoir pas été protégée par l’arbitre pendant toute la rencontre, l’obligeant, à titre de « vengeance » à envoyer une frappe puissante, contrée par son adversaire latérale, pas concernée par le problème, faisant que la lyonnaise se blesse quand l’autre n’a rien ressenti.
Le même contact avec la défenseuse centrale, Linda Sembrant par exemple, -source de ses revendications auprès de l’arbitre- et le résultat aurait pu être différent. La française devenant légitime face à l’autre. Elle aurait subi la charge.
La gestuelle et le matériel
Les genouillères, indispensables, réduiraient les risques de LCA chez les skieurs alpins. Sur le plan du gazon et de la météo, par exemple, les LCA ont été mesurées plus conséquentes quand il y a une faible pluviométrie et une forte évaporation entraînant une chaussure moins adhérente au sol (football australien).
Le terrain et les chaussures sont actuellement très discutées. Les synthétiques, associés à la spécificité féminine, augmenteraient le risque d’ACL, le genou étant plus sollicité. Les chaussures sont aussi, de base, des causes de rupture de LCA. Indiscutable lorsqu’on fait un sport de pivot.
Un LCA qui craque logiquement. Encore plus logiquement, par la pratique féminine.
Les joueuses de football féminin cherchant à faire les mêmes gestes offensifs que les hommes, s’obligeant à des torsions qu’elles peuvent moins encaisser que les hommes. On peut se demander, piste personnelle, si les filles ne doivent pas imaginer des gestes qui leur sont propres ?
La prévention
On le voit, il n’y a aucun évènement majeur qui explique la rupture du ligament croisé antérieur. Il s’agit d’un ensemble de choses.
Sur le plan de la prévention, des choses ont été faites. Ainsi, en montrant des vidéos de rupture de LCA à des skieurs professionnels leur demandant ce qu’il fallait faire pour que cela n’arrive pas, ils ont obtenu une réduction de 62% des lésions !
Une baisse significative qui semble indiquer que la rupture du LCA est surtout la cause d’une méconnaissance de sa pratique sportive et de la sollicitation de son corps. Ce qui amènerait à dire : la première chose que doit faire une sportive de haut niveau, c’est connaître avec précision les qualités et limites de son corps dans la pratique de son sport.
Ensuite, sur la prévention, la plupart des programmes écrivent une préparation neuromusculaire et un travail proprioceptif.
On parle d’étirements, de renforcement musculaire (ischios jambiers), de modifications techniques, d’aérobic, une préparation proprioceptive et d’entraînements à l’équilibre.
Bilan
La femme est plus concernée par la rupture du ligament croisé antérieur. C’est un ensemble de facteurs physiologiques, sportifs et matériels. Ce sont des phénomènes non contestables. Les spécialistes se posent même la question d’un travail en commun avec les gynécologues pour mieux maitriser la spécificité féminine de cette blessure.
Une blessure qui demande 3 mois avant de reprendre du vélo ou de la natation, six mois pour les premiers entraînements de sports de pivots sans contacts, sept mois pour ceux avec pivot (football, basket, hand) et une reprise de compétition au bout des douze mois.
Quand on mesure l’évolution du nombre de sportives féminines et de la pratique, on se dit que les faits nous imposent d’accepter la juste critique, que le monde sportif n’a été pensé que pour les hommes et doit commencer à s’organiser face à la population féminine grandissante et exponentielle.
Cela donnerait tout son crédit à Michele Kang, la nouvelle propriétaire de l’OL féminin dans sa volonté de créer une spécificité féminine.
Au prix du sport féminin professionnel qui grimpe, nul doute que cela va être pris en compte. On peut penser que les clubs ne se préoccupaient pas de quelque chose qui ne coutaient rien.
William Commegrain Lesfeminines.fr
A noter qu’en 2024, le nombre s’est bien réduit.
sources :
- (1) https://www.ouest-france.fr/sport/football/football-57-joueuses-victimes-d-une-rupture-d-un-ligament-croise-en-2022-dc48b472-8819-11ed-8c56-027a0dcda949
- (2) https://www.chirurgiedusport.com/nos-specialites/fragilite-particuliere-du-ligament-croise-chez-la-femme-au-cours-de-lexercice-sportif-raisons-et-attitudes-therapeutiques/
- (3) Symptômes et diagnostic de la rupture du LCA à Paris | Dr Paillard (chirurgie-orthopedique-paris.com)