Il ne s’est passé que 33′ pour que l’Olympique Lyonnais ne revienne au score face à la Juventus, future hôte de la finale, dans ce quart retour de la Coupe d’Europe 2022 (1-0).
33′ ce n’est rien pour égaliser. Tout autre commentaire pour une équipe européenne, aurait salué la rapidité dans ce premier retournement de situation.
Sauf que l’Olympique Lyonnais n’est pas une équipe comme les autres sur le plan européen. Aux frontières de l’Ukraine, sans passer par l’Otan, dans la capitale russe, l’Olympique Lyonnais au féminin est une référence.
Et personne ne pouvait comprendre, qu’une semaine plus tôt, les coéquipières de Wendie Renard, encensée par Zinedine Zidane dans un clip publicitaire d’Adidas, ne soient sorties d’un aller italien sur une défaite (2-1), face à une Juve qui a tout de « l’apprenti sorcière » en football féminin, surtout après avoir encaissé deux buts en dix minutes, perdue par l’expulsion de Carpenter (63′).
Une Juve, qui si l’image devait être masculine, n’aurait eu que trois poils au menton quand dans l’univers féminin, elle semble encore juste sortie de la puberté italienne, toute heureuse d’avoir sortie du palmarès européen 2022, Chelsea, finaliste malheureux de la compétition 2021.
Se faire Chelsea et l’OL en Europe, il y avait de quoi rêver pour les italiennes !
Et l’Olympique Lyonnais avait les yeux et les oreilles bien attentives, à ne pas comprendre comment elles avaient pu en dix minutes, passer du Paradis des Amazones vainqueurs à l’Enfer des vidéos qui cherchent, dans le détail, les erreurs à ne pas renouveler. A comprendre l’incompréhensible. Introspection que les vainqueurs ont l’habitude de laisser aux vaincus.
On peut gagner l’Olympique Lyonnais, mais de là, à le vaincre, il y a plus d’une marche !
On apprend toujours à regarder les Autres, surtout quand ils sont devants. L’Olympique Lyonnais aurait pu envoyer une lettre recommandée de son Président, Jean-Michel Aulas, toujours au combat quand son institution est touchée, à commenter entre le fan, commentaire, l’avis de mise en recouvrement ou l’avis à tiers détenteur suivant la nature de son phrasé.
Là, ce sont les joueuses qui ont parlé. La première d’entre elles, Ada Hegerberg, est un poids lourd de la communication. Ses propos sont proches de ceux du Pape dans l’univers confiné du football féminin. A Lyon, elle a demandé la Révolution et le nombre. Ouvrant grand les bras, donnant de l’absolution à qui viendrait au Groupama Stadium.
Elle a été entendue. Plus de vingt mille spectateurs sont venues pour ce qui n’était qu’un quart de finale retour. Cherchant à retrouver l’amour des fenottes sans a priori critique sur le risque d’une élimination. venant à l’église du football lyonnais comme on va à la messe, le dimanche. En chantant.
Et Lyon a chanté.
Pas du gospel qui vous emporte sous les fonds baptismaux des meilleurs reportages sur le Blues du Sud américain. Pas plus du Richard Wagner qui vous envoie des Walkyries à chaque note de musique. Non, Lyon a fait du lyonnais. Un truc entre du classique, classique et de la Samba brésilienne, typée Orfeu Négro. Carnavale.
Derrière, c’est un style très garde du corps. Il y a du carré et de la taille dans cette défense française. Pas besoin de demander « Vos papiers » quand Christiane Endler (180), Wendie Renard (187) et Griedge MBock (180) sont à l’horizon d’un boulevard lyonnais. On les prépare et la Juventus les a si bien donné, qu’à l’exception d’une tentative ratée d’Hurtig (23′), la gardienne chilienne Christiane Endler, aurait pu fumer du cannabis, sans que quiconque ne puisse le voir. Accoudée au poteau, droit ou/et gauche, histoire de suivre le mouvement du jeu.
Selma Bacha, Tom pouce du football féminin, n’est pas défenseur. C’est une évidence. Cette jeune joueuse se promène sur le terrain dans sa verticalité de la 1ère minute à la 95′ sans se poser une question autre que de laisser son envie d’Être, transparaître. En elle, il n’y a qu’une vérité au service d’un physique hors norme, Exploser du jeu. Je n’ai pas en mémoire un plat du pied de touriste. Même les remises ont de l’intensité.
Lindsey Horan a été numéro neuf du Paris Saint Germain quand elle a joué sous les couleurs parisiennes (2012-2016). Un physique qui faisait le bonheur d’une équipe nouvelle en construction. Dans ce jeu qui la condamnait à attendre la sortie des meilleures américaines comme Alex Morgan ou Megan Rapinoe, elle avait un avenir un peu bouché.
Il faut croire que les américaines sélectionnent au mental et dans un football féminin à la particularité de changer les places des joueuses sans souci particulier ; la voilà, retournée aux USA en numéro six puis huit avec l’équipe nationale, pour jouer quasiment en dix sous les couleurs de Portland.
Pour son second match avec l’Olympique Lyonnais, on a vu une Lindsey Horan (27 ans) jouer un solo de passes courtes, toutes en finesse, subtilités, limites brésiliennes, un coup à gauche, un autre à droite. Cherchée par ses partenaires, autours d’elle pour recevoir ce petit ballon, qu’elle sécurisait, pour renforcer ses mouvements offensifs qui avaient fait tant défauts en Italie.
« Du coup », la Juve s’est mis en mode carapace. A chercher à ne pas prendre. Trop jeune pour être dangereuse quand il fallait passer à l’attaque. Cherchant à ne pas en prendre.
Sauf qu’en face, il y avait Ada Hegerberg. La prêtresse lyonnaise. Elle aurait pu se mettre sur son siège et attendre la messe. La norvégienne a décidé qu’une messe lyonnaise devait avoir du corps, des idées, de l’envie, du peps. Pendant ces trente minutes, elle a couru après ce ballon encore plus et mieux que si elle devait revoir son mari après huit mois d’absence, parti à la guerre.
Sa guerre, elle était au Groupama Stadium, un soir de jeudi 31 mars 2022.
Et telle une sniper du football, quand elle voit Selma Bacha récupérer une balle, en évitant la touche, elle s’écarte, s’éloigne, se fait oublier par Linda Sembrant qui, telle une cheffe de gare, attend tranquillement le centre comme on attend un train qui arrive en gare. Sauf que la balle va sur le quai d’en face, au deuxième poteau, un peu plus loin et que la lyonnaise-norvégienne, sort de sa tanière pour placer une tête qui a tout d’un missile air-sol.
(33′, 1-0), c’est l’égalisation. (35′, 2-0 par Melvine Malard) c’est être en tête de cette double confrontation. (73′, 3-0) Macario, c’est la demande d’armistice de la Juventus.
D’autant que ce troisième but est un chef d’œuvre de technique, force, puissance et d’avenir. Un centre en retrait, l’américaine-brésilienne, attrape du bout du pied cette mine, pivote extérieur comme dans une samba où ta partenaire s’échappe. La défenseur la cherche, voit la balle, force pour la prendre mais les cuisses de l’américaine sont intraitables. Le passage est une frontière infranchissable. Les fesses devant une défenseur dépassée, l’américaine envoie un missile air-sol qui fait trembler les filets de Pauline Peyraud Magnin.
Les armistices ne sont jamais signés sans un dernier coup pour l’honneur. C’est la tchèque Staskova, entrée à la 73′, qui réduira le score (84′), montrant que le football féminin commençant à devenir rémunérateur, l’eldorado se fera peut-être à l’Est de l’Europe. Comme pour le tennis féminin professionnel.
Il faut avoir faim, voire très faim pour tenter l’aventure du sport de haut niveau professionnel. Jeudi soir, les joueuses de l’Olympique Lyonnais avaient faim.
William Commegrain Lesfeminines.fr
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