Le football féminin s’est professionnalisé depuis 2010. Dans chaque championnat européen, les équipes leaders, par deux ou trois, sont faites de joueuses se consacrant exclusivement à la pratique du football. Elles sont professionnelles, internationales, françaises ou étrangères.

Les douze clubs de chaque pays européen, -chiffre composant habituellement un championnat-, ne sont pas professionnelles ou totalement professionnelles ; bien qu’avec l’intégration des clubs professionnels masculins, souvent elles se consacrent exclusivement au football. Et beaucoup de championnats européen se sont transformés avec des entités professionnelles masculines (Angleterre, France, Espagne, Allemagne, Italie).

La professionnalisation a été quelque chose activement demandé pendant cette décennie (2012-2022) par les coaches, au motif que cela aiderait à la performance et à la qualité du jeu. Plus globalement, au niveau des fédérations, on y voyait le seul moyen d’exister de manière pérenne sur le plan international.

L’évolution de Clara Matéo (24 ans) montre qu’il a existé une autre voie, et que cette dernière n’a pas changé sa possibilité d’évolution et d’amélioration de sa performance, notamment quand on garde en mémoire ses récentes performances avec l’Equipe de France pour ce dernier stage de février, lors du Tournoi de France.

Un profil bi-directionnel

La jeune femme (24 ans) est sortie diplômée ingénieure de l’école polytechnique universitaire de Paris-Saclay, dans une formation BAC+5 terminée, option matériaux en 2020. Elle travaille comme business-developper dans la société de chimie du sponsor de la D1F, Arkema. Elle a marqué le récent Tournoi de France 2022 d’une performance, même si elle n’a pas été la seule.

Elle avait signé, à la sortie du baccalauréat S – mention très bien – avec le FCf Juvisy Essonne, devenue Paris FC alors qu’elle était sélectionnée, comme de nombreuses jeunes, en équipe de France U16 (2 sélections), U17 (huit). Une période habituelle de performance chez les jeunes, la première marque de la différence où en général, les rêves vous font faire des choix de rêves. Fine comme un oiseau, elle aurait pu s’envoler ailleurs.

Elle aurait, ou a dû certainement prétendre au Pôle France ou Pôle régional mais elle a préféré continuer à jouer avec son club de la Roche sur Yon, fort de quelques saisons en D1F de l’époque, mais plutôt club de D2F, pour ensuite s’engager au Paris FC et suivre des études dans un centre universitaire de qualité.

Des choix qui ne lui ont pas fermé les portes des U19 avec 22 sélections et 8 autres en U20 dans le courant de la saison 2016. Une période qui lui a permis d’être championne d’Europe U19 en 2016 et vice-championne du monde des U20 la même année.

A 17, 18, 19 ans, on joue au foot. On bouge à chaque week-end. On voyage à l’étranger si on joue en Bleuette. On vit des compétitions « au titre historique », comme l’Euro, la Coupe du Monde et dans une pratique assez confidentielle, on se retrouve à chanter la Marseillaise, avec une attente et un espoir qui semble similaire à celui des hommes.

La belle aventure !

Les études sont un prix à payer

En 2017, elle disparait des radars. Pourtant meilleure buteuse des Bleuettes avec 3 buts lors du mondial en Papouasie, elle voit des joueuses totalement investies comme professionnelles lui passer devant avec Delphine Cascarino (début 21 Octobre 2016 en Bleue) et Estelle Cascarino (23 Octobre 2017), Valérie Gauvin (deuxième sélection le 15 septembre 2017), Grace Geyoro (début 22 janvier 2017), Sakina Karchaoui (début 11 avril 2016).

Elle se colle aux bancs d’université avec pour seul marquage, la copine et le copain à droite et comme seul résultat, les mots écrits en rouge sur une feuille qui vous donne le passeport de l’année suivante, ou vous le refuse.

Il y a des écoles où il suffit de payer pour dire qu’on y est ; il y a d’autres écoles où la gratuité oblige à la quasi-performance. Elle était dans le second univers. A justifier et prouver l’ascenseur social qui lui était proposé, pour le mériter.

Il faudra attendre le 27 novembre 2020 pour qu’elle ait sa première sélection en Bleue sur le terrain.

Les études sont un prix à payer. D’abord, dans cette période, le Fcf Juvisy devenu Paris FC n’est plus l’ombre que de lui-même. Les résultats et le contenu ne sont pas là. L’historique club semble parti pour s’écrire au passé.

Elle aurait pu changer. Elle a dû même être sollicitée pour changer. Un profil spécifique, des études spécifiques, elle est restée. A resigner.

Pourquoi pas résignée sur un avenir de football international. Le sien, professionnel, ne s’annonçant pas si mal !

Ne pas être en Bleue, ne signifie pas ne pas évoluer !

C’est à partir de ce paragraphe que l’angle pris sur la jeune joueuse a de l’intérêt collectif et général, en dehors de son intérêt individuel mais les écrits ne lui manquent pas depuis quinze jours.

Effectivement, cette joueuse a considérablement évolué depuis l’obtention de son diplôme.

Déjà la saison dernière, elle a marqué des buts que peu marquaient. Tout simplement, on avait le sentiment qu’elle utilisait son intelligence pour se placer au bon endroit afin de ne pas subir le jeu mais avec l’intention de le maitriser pour en tirer le bénéfice qui pouvait se proposer.

Pour la saison 2019-2020, elle a marqué treize buts quand elle avait une moyenne de trois buts depuis 2017. Pour la saison en cours, à ses deux tiers, elle suit le même régime puisqu’elle en est à huit unités pour quatorze journées jouées sur vingt deux.

Si l’efficacité est au RDV, on peut l’associer à la fin de sa scolarité mais cela voudrait confirmer qu’il faut être professionnelle et sans autre souci que son jeu pour en tirer le meilleur partie.

C’est possible. Il faudrait pour cela savoir si l’emploi d’ingénieur est aussi consistant que l’était celui d’étudiante ? Un full time auparavant, la scolarité l’exigeant pour obligatoirement et au minimum un mi-temps actuellement. L’emploi en France se devant d’être réel -les médias ont assez supposé et recherché l’emploi de Mme Fillon pour que chacun en soit averti – sinon on touche à du pénal. Ce dont on peut affirmer que cela n’existe pas chez Arkema.

Donc un mi-temps, de la sécurité professionnelle, la réussite dans un objectif scolaire atteint sont à l’évidence des sources d’épanouissement et d’amélioration de sa performance. Une forme de confiance.

Cette évolution passe aussi par la présence de Sandrine Soubeyrand à la tête du Paris FC. L’ex-capitaine de l’Equipe de France a lancé son équipe sur un rail. Au début, difficile à construire et qui maintenant, suit un axe sans se soucier trop des détails. Plutôt concentré sur le devant, oubliant les raisons de penser à hier et aux conséquences funestes.

Là, où elle m’a bluffé sur le Tournoi de France, c’est sur sa vitesse et force à l’impact.

Sur les deux matches qu’elle a joué, elle est passée en vitesse, balle aux pieds, sur ses adversaires. Le premier, largement face aux finlandaises. Le second avec moins d’avance mais plus de forces pour résister à la charge adverse des Pays-bas. Il était difficile de lui prendre la balle, difficile de l’empêcher de remonter ce cuir, difficile de l’obliger à une mauvaise passe.

Elle avait un impact d’internationale.

Quand on regarde son mental, j’ai observé sa tentative individuelle en second mi-temps face à la Finlande qui finit sur le poteau droit de la gardienne. Le commentateur de W9, Denis Balbir, habitué du football, a été estomaqué de son tir inattendu, emportant tout le monde à droite pour finir à croiser opposé à gauche.

Il y avait de l’intelligence dans ce geste. J’y ai vu aussi autre chose. Vingt fois, elle doit donner la balle à Sandy Baltimore, mieux placée. Vingt fois elle la garde, en avançant, en allant plus loin pour aboutir à faire ce qu’elle a envie de faire. Pour réussir à le faire. Être égoïste car tout simplement, la jeune parisienne Baltimore, l’avait été tout autant quelques minutes auparavant.

Je me suis dit que cette joueuse a les codes du sport de haut niveau. A un moment, tes partenaires peuvent être tes adversaires. Baltimore avait joué sa carte, elle jouait la sienne maintenant.

Pour moi, l’évidence était là. Elle voulait réussir ce stage, à quelques mois de la sélection pour l’Euro. Elle y mettait la même implication, la même concentration que dans ses études. Il fallait donner individuellement et collectivement le meilleur.

Non pas l’un sans l’autre mais l’un avec l’autre. Elle était « Rooster », il sera temps plus tard de s’oublier.

Clara Mateo, un profil interessant

Les Bleues ont une unité et des joueuses à profil ou, les Bleues ont des joueuses à profil qui forment une unité. Choisissez.

Dans ce cadre Clara Matéo va vite balle aux pieds, elle sait jouer collectif puisque c’est là où Corinne Diacre l’attend. Elle sait jouer individuel pour suivre les règles du haut niveau quand tu dois marquer des points, ta place n’étant pas acquise.

Dans le jeu, sa tête peut valoir autant que son instinct.

William Commegrain Lesfeminines.fr