Le développement du football féminin permet aujourd’hui d’entendre la parole des coaches. Dans un sport où la référence est masculine, ils ont souvent grandi en utilisant les mêmes moyens.
Pourtant, en matière de coaching, une nouvelle tendance semble s’imposer : le management positif de son groupe.
Si tu es dur, prépare tes valises !
Eté 2021, souvenez-vous, le FC Barcelone venait de remporter la finale de la Women’s Champions League et fêtait un triplé historique, Coupe nationale et championnat quand les twittos des Blaugranas apprenaient avec stupeur que le coach de la finale historique faisait ses valises.
Poussé à la porte par les joueuses, lui reprochant un style de management bien trop dur.
Pourtant Lluís Cortés, (35 ans), venu comme adjoint en 2018, ne prend les rênes qu’en 2019, réalise une finale perdue la même année contre l’OL, reprend le titre national en 2020 à l’Atlético Madrid, enchante les observateurs européens lors du Spécial 8 crée -cause covid-, et signe donc un triplé historique !
Quelques mois plus tard, le voilà, à mettre son CV sur Linkedin, un tapas à la main. Toujours en train de digérer l’impensable, encore plus impensable avec le titre de Meilleur coach européen qui lui a été délivré pour l’année 2021.
Cela doit être une mauvaise habitude pour ce titre récent crée en 2020 ! Jean-Luc Vasseur (OL) l’avait gagné pour sa première édition. Il quittait ses fonctions dans la foulée à l’Olympique Lyonnais dans un club où il est dit -de source notoire- que les joueuses cadres lyonnaises ont un impact dans les décisions de Jean-Michel Aulas.
Autre exemple de cette tendance nouvelle, la NWSL
La crise en NWSL (USA), si on la sort de son contexte sexuel, touche la qualité de vie au travail des joueuses.
Une grande partie des reproches et attaques sont tant contre le coach que sur l’absence de protection de leur Ligue pour leur assurer une sécurité professionnelle. Le délit sexuel a sa partie mais la démission de Lisa Baird (Commissaire de la Ligue) vient du fait que rien de concret n’a été fait après des allégations où il fallait enquêter plus avant. De plus, à lire les commentaires, les joueuses concernées évoquent précisément le harcèlement, comme source de conflits.
Dans un autre domaine qui pourtant ne touche qu’au sportif, Farid Benstiti, d’après les écrits américains, auraient démissionné du jour au lendemain de son poste de coach de l’OL Reign pour avoir critiqué trop vertement le poids de ses joueuses. Un reproche qui lui avait été fait publiquement par Lindsey Horan, devenue internationale américaine et championne du monde, quand elle était joueuse du PSG naissant, entre ses 18 à 22 ans.
A l’évidence, les joueuses veulent un autre management. Celui de la bienveillance et du regard positif.
Un profil comme Gérard Prêcheur, double champion d’Europe avec l’OL, dur au commentaires, ne peut plus se permettre d’exister dans ce football qui grandit. Quand bien même, il a signé de nombreux titres avec l’OL. C’est peut-être une des raisons de son attente ? On voit Patrice Lair communiquer de plus en plus sur les qualités de ses joueuses, leurs potentiels de développement. Un franc changement par rapport à la réputation de l’ex-coach lyonnais et parisien, double champion d’Europe.
Si on écoute avec attention Didier Ollé Nicolle (PSG), ses propos sont dans la bienveillance.
Mettant en exergue le travail fourni et la réussite ; parlant d’efforts à faire pour réussir plus et encore. Tous ses propos récents l’énoncent. « Vous avez parlé de Jordyn (Huitema), je tiens vraiment à la mettre à l’honneur ce soir. Il y a des postes comme celui de gardienne ou attaquante où il y a de la concurrence. Jordyn est en concurrence avec Marie-Antoinette Katoto. C’est difficile, mais elle est jeune. Pendant qu’elle s’échauffait, j’avais un truc en tête, je me disais j’espère qu’elle va marquer parce qu’elle le mérite. »
La journée de championnat précédente, il saluait Marie-Antoinette Katoto. Parle d’Aminata Diallo, de Léa Khelifi de la même manière. Deux joueuses commençant pourtant sur le banc pour entrer en cours de rencontre.
Les coaches deviennent les observateurs de la performance.
En fait on se trouve dans un management participatif. La victoire est celle des joueuses et non du coach. Et si les joueuses ne peuvent ou ne veulent pas donner le meilleur, à elles d’en payer les conséquences par la non-sélection comme de l’absence de reconnaissance au mieux, à aller chercher ailleurs un nouveau contrat, au pire.
Il ne peut pas y avoir d’autres objectifs pour le ou la coach que celui -pour lui ou elle- de leur donner envie de se transformer.
Pas si facile dans un sport où le nombre fait la difficulté de l’unité de jeu, source de performance. D’autant que par principe, un management participatif doit intégrer l’échec de certaines, mettant en péril la performance collective et donc le résultat. Pas si facile dans un monde où l’objectif fixé à un groupe est celui de la réussite, face à un autre qui s’y oppose.
Le football féminin est parti d’un décideur, le ou la coach. Il arrive vers les joueuses qui, graduellement, prennent le pouvoir.
Un autre pouvoir. L’alchimie n’est plus dans l’ordre -autoritaire, paternaliste, consultatif- du coach ; il est dans le désordre du ressenti individuel de chaque joueuse qui doit former un ordre. Le groupe devient un élément vivant, à l’écoute de la situation et dont la performance est de trouver la solution individuelle pour en former une collective. Les joueuses, des particules différentes, devenant l’ordre.
Avec sa part d’inconnus dont on doit accepter l’échec.
Un process qui tient dans un championnat sans descente comme celui de la NWSL. L’échec n’a pas de conséquences. Un process qui peut tenir quand les enjeux ne sont pas trop importants, notamment sur le plan économique, ce qui est le cas encore du football féminin. Quoi que, certaines limites existent. Rappelons qu’il est « d’usage » que pas loin de 25% (4) des coaches soient remerciées sur une saison. Là encore, les mots des joueuses ont leurs places.
Avec le pouvoir, il faut du contre-pouvoir.
Première interrogation, un pouvoir dont on doit chercher le contre-pouvoir, l’encadrement, le conducteur, présent souvent dans toute organisation humaine. Seconde interrogation, comment juger de la non-titularisation d’une joueuse au regard de la notion de harcèlement connue dans le monde du travail ? Le texte français est clair : il demande une sécurité ; la non-titularisation continue enferme, dans la cave sombre, des joueuses en difficulté pour des parcours devenus maintenant professionnels. Troisième interrogation, l’inconnue de la réussite ? Un tel management marchera ou ne marchera pas ? Les femmes aiment rarement cette interrogation quand elles ont une idée de victoire en tête.
Les réactions seront-elles idéales ? Les femmes sont-elles des idéales ? A chacun sa réponse.
Il y a là un super laboratoire social à faire émerger.
Le management de la bienveillance n’empêchera pas, pour autant, de penser à préparer ses valises.
A l’inverse, s’il réussit, il vous emmène très haut, au Ciel.
William Commegrain Lesfeminines.fr