Aujourd’hui, le football féminin commence à intéresser la presse écrite, sans que l’on n’ait à lui donner l’intérêt d’un football masculin tout en constatant qu’il a pour autant, sa raison d’être : double page du Parisien du 18 Juin 2016 sur le futur PSG féminin associé à un article sur la Ligue 2 et le travail partagé de Sonia Souid (agent de Rui Almeida du Red Star) et de Pauline Gamerre (DG du Red Star).
On est passé du stade « apartheid » à celui de la convivialité et c’est tant mieux.
Pour autant, il serait mensonger de proposer une quelconque égalité et la vérité se trouve plutôt dans ce qui est en train de se construire : aider à son développement, sans en promettre plus, sans en faire moins. Le « frère » et la « soeur » ne sont pas au même niveau.
Autant apporter un argument chiffré pour que de tels propos soient acceptés et acceptables par les contradicteurs. Le France Roumanie de l’ouverture de l’Euro a fait 14, 5 millions de spectateurs sur TF1 quand la performance maximale de l’équipe de France féminine a été de 4,1 millions de Téléspectateurs avec un pic à 5 millions 300 pour le France-Allemagne en quart de finale du dernier mondial (1-1, défaite 5 tab à 4) sur W9, établissant là, néanmoins un record, tout sport et genre confondu, pour la TNT. Ce qui n’est pas rien.
Un football féminin qui grandit avec ses 105.000 licenciés mais qui ne peut vivre dans la même économie que le football masculin, fort de ses 2 millions d’unités. Dans ce cadre, le mot « mercato » et celui de « transfert », source de l’actualité estivale, n’ont pas du tout le même sens ni le même esprit, qu’on soit un joueur masculin ou une joueuse féminine.
Les rachats de contrats sont très rares.
Les acteurs du football féminin salarié, sont l’Olympique Lyonnais, le Paris Saint Germain et Montpellier hsc pour la totalité de leur effectif ; quand pour les autres, on est soit avec un groupe totalement rémunéré mais de manière incomplète, en complément d’une autre activité pour une partie d’un groupe, à l’exemple de Juvisy, soit avec certains joueuses-cadres salariés pour les autres clubs, avec ce que l’on appelle un contrat fédéral, même base juridique que chez les masculins « amateurs mais rémunérés » encadrés par la fff et dont le plus haut niveau est le National.
Les seuls acteurs du mot « transfert », c’est à dire un rachat de contrat ne peuvent être, en France, que les trois grands clubs professionnels énoncés ci-dessus et le premier contrat médiatisé d’acheté a été celui de Marie-Laure Delie de Montpellier au PSG (50.000 €) depuis dépassé par celui de Griedge MBock (Guingamp) vers l’Olympique Lyonnais pour une somme supérieure à 100.000 €. Il s’agit là des contrats médiatisés, notamment par des agents qui ont eu besoin de se faire connaître et reconnaître, mais on évoque un transfert bien supérieur pour Shirley Cruz vers le Paris Saint Germain de 2012 qui lançait une section totalement professionnelle.
Si certes, l’idée d’une potentielle revente commence à germer dans l’esprit de certains à l’exemple du football masculin, pour l’instant elle n’est pas réalité et cela reste d’abord une dépense avant d’être une future recette ; alors « un sou reste un sou » surtout quand on en a peu et tout autant quand on en a beaucoup. De ce fait, les clubs qui peuvent et veulent payer un transfert se comptent sur les doigts d’une main. Et pas de deux.
Les plus-values de contrats « achetés » n’existent toujours pas. Un transfert payé ne sera pas un futur transfert encaissé. On achète un contrat pour utiliser la joueuse qui n’est pas libre, pas pour la revendre. On le voit avec Marie-Laure Delie qui ne trouverait certainement pas de club intéressé à payer une somme supérieure à son transfert initial, augmenté de son salaire, même si la règle de la rumeur a été actionnée avec l’Angleterre.
Pour le reste des clubs professionnels, il est difficile de dégager des moyens pour animer un marché, hors de les prélever sur un budget masculin qui est soumis à très forte concurrence et à un examen des actionnaires, exigeants et attentifs.
Logiquement, il n’y a pas d’économies des contrats. Les « transferts » du football féminin sont donc très calmes. Déjà, il faudrait qu’une économie des salaires finissent de s’installer dans tous les clubs ce qui signifierait qu’il y a une économie du sport féminin.
Les budgets sont serrés avec des recettes définies d’années en années.
Le football entre de plus en plus dans un débat économique dès lors que les fonds sont d’origine clarifiés et il est tout à fait normal d’entendre des Présidents dire : « chaque année, je mets 1 million d’euros de ma poche. Ce n’est pas rien et c’est bien suffisant ».
On a vu la réaction économique du Président du Nîmes Olympique qui a mis « en stand by » l’intégration du club féminin local : le Foot Féminin Nîmes Métropole Gard au 1er juillet 2018, le temps d’équilibrer un budget déficitaire de L2 d’un million cinq cent mille sur un total avoisinant les huit millions (Ligue 2).
Si on chiffre le budget de l’Olympique Lyonnais au féminin comme référence avec 7 millions d’euros financés en interne pour la totalité, ce qui correspond à un budget d’un club de Ligue 2 financé lui -il ne faut pas l’oublier- par des droits TV, le budget féminin ne fait pas encore, lui, de recettes significatives en la matière puisque les droits TV ont démarré avec 2.500 € pour proposer certainement -prochainement- environ 10.000 euros ; les collectivités territoriales sont donc les principaux financiers de ce sport, comme dans tous les sports dits amateurs.
Il ne peuvent cependant être les seuls et les autres clubs prélèvent sur un budget masculin quand il existe (Saint-Etienne) accompagné d’initiatives ponctuelles de sponsors dédiés au football féminin, comme aux Girondins de Bordeaux pour 100.000 euros sur plusieurs années, à l’Olympique Lyonnais pour 500.000 euros étalés dans le temps, et des partenariats locaux à hauteur d’environ 250.000 euros annuel pour le Fcf Juvisy-Essonne.
Les recettes n’ont donc pas lieu de beaucoup changer à moins d’augmenter le prix du maillot (sponsors) ; les dépenses sont donc nécessairement encadrées et sont condamnés à se bloquer, à un moment donné, contraintes par un goulot d’étranglement instauré entre le constat du montant sponsorisé par l’annonceur eu égard au potentiel de notoriété supplémentaire qu’il reçoit du football féminin. Aujourd’hui, européen pour l’Ol, national pour le PSG, Montpellier et Juvisy, régional pour les autres. Concurrencé par le football masculin pour tous, et quelques sports féminins pour certains.
Fort de ce constat, la première règle est de conserver ses joueuses.
C’est l’enjeu de chaque club féminin de l’élite qui travaille à cela en proposant des racines (appartement, travail ou formation, vie sociale) fortes permettant de compenser les arguments financiers d’un éventuel départ, qui lui est soumis à l’inconnu du futur, pour un salaire éventuel qui ne garantit rien de plus, sinon de vivre normalement, d’une activité ou d’un travail.
Proposer un futur statut d’internationale
Tous les clubs ont ensuite comme arguments, et ils le doivent pour beaucoup à Marlène Bouedec pour la France B qui m’avait développé le message en 2013, d’avoir la possibilité d’offrir un futur international à leurs joueuses, reprochant que les sélections touchaient essentiellement les clubs phares de la D1 : Ol, PSG, Montpellier et Juvisy. Trois ans après, dans chaque club, on ne compte plus les joueuses internationales, parties chaque semaine FIFA, pour tous les pays du monde, en U17, U19, U20, France B, France militaire, France Universitaire et France A.
Ainsi, en 2014, on avait vu sept joueuses de Guingamp faire le championnat du Monde des U20 au Canada et revenir avec une médaille de bronze.
Le PSG de Patrice Lair ne propose pas autre chose aux jeunes U19 en restant au PSG, que de leur donner un potentiel d’international à l’horizon de la Coupe du Monde 2019 organisée en France. Il en a été certainement de même pour Aminata Diallo qui est restée pour l’instant aux portes de l’équipe de France B, alors qu’elle avait fait une très belle Coupe du Monde 2014 en U20. Sarah Palacin, plus agée, venue de Saint-Etienne pour le PSG, est dans la même optique : développer son niveau pour entrer dans le groupe France.
C’est un message possible pour les quatre premiers clubs français qui ont investi dans un staff médical qui permet une évolution physique et physiologique de la joueuse, des horaires adaptés pour Juvisy ou un emploi du temps totalement consacré au sport (OL, Montpellier, PSG) qui va permettre à la joueuse qui a un potentiel de l’exprimer, et d’atteindre de nouveaux objectifs si elle en a les moyens physiques, psychiques et tactiques.
Les féminines partent pour un ensemble de choses qui ne sont pas que le sportif.
Pour autant, certaines changent de clubs. La règle est de leur proposer un ensemble de choses qui vont donner corps à l’envie première : améliorer son projet sportif. Elles partent, pour les plus prometteuses, dans le cadre de leur destination professionnelle ou scolaire, indissociable de leur projet sportif et rare sont les départs suscités par l’enjeu unique d’un contrat à signer, comme on en parle avec les hommes, et encore moins, pour un club, d’un futur contrat à revendre.
C’est le « mercato » de celles qui partent, répondant plus à l’esprit d’une nouvelle « aventure ». Souvent, encadrée par un appartement, une rémunération, une formation ou un emploi. Avec une seule idée en tête : s’améliorer sur le plan sportif. On est donc loin des questions de transfert pour un club et de salaire mirobolant pour une joueuse. Dans ce cadre, je peux citer l’exemple réussi de Théa Gréboval à Juvisy, venant d’Hénin-Beaumont (descendue en D2F), titulaire sur la gauche de la défense et capitaine des U19 françaises. On pourrait rappeler celui de Charlotte Bilbault, de Soyaux vers Juvisy, sous les conseils eclairés et avisés de Celine Deville qui a été une réussite mais les choses sont identiques ailleurs. Le double projet fonctionne dès lors que le travail ou la formation sont compatibles avec le niveau de l’équipe ou de la joueuse.
Enfin, si la recherche est celle des titres ; alors il n’y a qu’une seule solution. Le chemin de l’Olympique Lyonnais. Titulaires comme non titulaires. Avec comme bonus, un sacre potentiel européen dans un stade plein.
Reste qu’il y a quelques joueuses professionnelles qui mènent une carrière professionnelle.
Elles sont rares. La plupart étrangères, mais toutes de très haut niveau, habituées à aller de pays en pays pour les étrangères, et leurs décisions tiennent compte d’un contrat avec des engagements contractuels, qui plus tard, seront plus précis et déterminés. Aujourd’hui, l’arsenal juridique se bornant à signer un contrat type qui pourrait ne pas suffire si les choses évoluaient rapidement.
La plupart ont réussi dans ce chemin qui ressemble à celui du cavalier dans une partie d’échecs, et on ne peut pas dire qu’il y ait eu d’exemples négatifs de joueuses parties loin et chers qui n’aient pas réussi dans leur club d’arrivée. Je pense aisément à Ada Hegerberg, lyonnaise, meilleure joueuse de la D1 féminine selon la fédération française de football.
Sauf, au PSG où l’année dernière, certaines joueuses Stars comme Anjà Mittag, Marie-Laure Delie, Kosovare Asllani n’ont pas ou n’ont plus réussi à s’imposer. L’Olympique Lyonnais avec la japonaise Ohno avait connu la même chose. A l’inverse, Claire Lavogez, partie de Montpellier à l’OL a souvent été blessée, et on ne peut pas dire que ce transfert ait été un échec, d’autant plus qu’elle finit cette année avec trois titres : championnat, coupe de France, coupe d’Europe.
On verra donc ce que fera Amandine Henry, ballon d’Argent à la dernière Coupe du Monde, partie à Portland en NWSL ? On verra ce que feront Kheira Hamraoui, Kenza Dali, Caroline Seger, Jessica Houara D’Hommeaux à l’Olympique Lyonnais. On verra ce que fera Clarisse Le Bihan à Montpellier ?
Cela devrait être positif car on a vu ce qu’ont réussi, Shirley Cruz, Laura Georges, Griedge M’Bock à l’Ol. Pour l’instant que des réussites. Normal, la concurrence est rare. A l’inverse dès lors qu’elle s’intensifie, cela devient plus problématique. Le PSG de l’an dernier en a été un des exemples.
Les joueuses professionnelles viennent pour être titulaires.
Ces joueuses ont des salaires que très peu de clubs peuvent s’offrir obligeant les joueuses professionnelles à s’imposer dans ce nouveau club ; sinon, c’est le départ et des portes de sortie autant rémunérées sont rares. Elles viennent pour être titulaires car sinon leur future demande salariale sera moins entendue. Kosovare Asllani est partie en Angleterre, dans le cadre certainement d’un transfert non médiatisé, pour redevenir une joueuse internationale suédoise, statut qui était en train de lui échapper dans la saison 2015-2016 au PSG.
De leur côté, en offrant de bons salaires, les clubs sont certains de conserver les joueuses qu’ils désirent, avec très peu de chances de surenchère, à l’exception de cette année, entre l’Ol et le PSG qui a décidé, avec ou sans accord, de nettoyer la maison parisienne. Avec l’argument essentiel : les titres.
En France, le graal des titres se trouve exclusivement à l’Olympique Lyonnais.
Cela a été le problème du Paris Saint Germain. Les joueuses parisiennes en changeant de club nous l’ont fait comprendre : les titres, aujourd’hui c’est à l’Olympique Lyonnais. Dix titres de championnes de France de suite, cinq Coupe de France, maintenant Trois Coupes d’Europe et un groupe monté pour créer une série européenne gagnante.
Les ex-parisiennes, Jessica Houara D’Hommeaux, Kenza Dali, Kheira Hamraoui, Caroline Seger sont certainement parties pour cela.
Il se pourrait qu’un jour tout cela change et se rapproche de la notion pure de contrat. Pour cela, il faudrait en premier lieu changer « un truc » : le football féminin a besoin, en championnat, de spectateurs.
Un titre de l’équipe de France pourrait être le lanceur-développeur d’un public de championnat. Cela donnerait plus de candidats au sponsoring qui alimenterait la première base de la pyramide : c’est à dire une économie des salaires pour tous les clubs féminins.
En attendant les filles ne sont pas malheureuses. Elles peuvent percevoir une rémunération en primes, en faire pour certaines un revenu, voire pour les meilleures une profession. Elles jouent au football dans un championnat qui est homogène dans les deux dernier tiers et oblige à la compétition pour ne pas descendre et, pour les meilleures, elles sont maintenant, reconnues et pour quelques unes, si bien identifiées qu’elles vont faire des médias, leur future reconversion. Avec le risque d’un métier fugace qui subit la concurrence de l’âge et de la mode, comme des décisions éditoriales.
Aujourd’hui, tout cela passe aussi par un projet de compétence professionnelle.
William Commegrain lesfeminines.fr