Football féminin. Si le derby parisien de Dimanche aurait pu afficher ce slogan les années précédentes, avec le choix du « double projet » pour le Paris Fc contre celui du « double monnaie » pour le Paris SG, on s’aperçoit en discutant avec Pierre Ferracci, son Président, que le Paris FC a un vrai projet d’entrepreneur dans la région parisienne qui dépasse ce débat « joueuses professionnelles ou non », prochainement dépassé pour des clubs masculins financés par les droits TV et les sponsors nationaux, pour se situer dans celui de l’entreprise à réussir.
Pour le PFC, on pourrait le présenter ainsi : Un club qui est perçu différemment de son voisin parisien pour exister durablement dans le football professionnel en agrégeant (associant) les histoires des autres clubs franciliens pour remplir un espace parisien que personne ne peut occuper individuellement.
Discuter ou interviewer Pierre Ferracci, le Président du Paris FC, c’est autant parler à un entrepreneur, créateur de la société de Conseils « Alpha » spécialisée auprès des comités d’entreprise (1983) qu’à un homme qui a su participer aux arcanes de la nouvelle économie libérale française en s’associant à la démarche d’Attali « Commission pour la libération de la croissance » et dont toutes les réponses sont construites pour être cartésiennes et organisées.
Puis, dans cet homme de 65 ans, il y a le mot « passion » qui se réveille chaque week-end, et qu’il a traduit avec celui de « football », en ayant cependant, une vision stratégique d’entrepreneur qui ressort très rapidement au fil de la discussion.
Mari d’une artiste sculpteure, ce terrain d’émotion est certainement une des raisons qui fait que depuis 2006, l’homme passe ses week-ends autour d’un stade, à voir ses couleurs, s’opposer à d’autres. En y trouvant du plaisir.
Lesfeminines.fr Pierre Ferracci. Les gens du football féminin vous connaissent peu. Comment se fait-il que vous êtes dans le football depuis maintenant une dizaine d’années ?
Pierre Ferracci. Cela fait une dizaine d’années. Je suis devenu administrateur du Paris Fc en 2006-2007 et j’ai pris la Présidence de l’association en 2009. Je me suis d’abord occupé des jeunes du Paris FC. C’était l’époque où il y a eu une quinzaine de montées chez les jeunes au plus haut niveau avec les 17 et 19 ans. La réserve avait accédé à la CFA 2 et puis, j’ai pris la Présidence du Club en 2012 à la suite du départ de Guy Cotret (Futur Président d’Auxerre).
Et depuis j’ai réalisé deux montées en Ligue 2 et malheureusement, il y en a une qui s’est terminée par une relégation immédiate. On en a tiré les leçons, et je pense qu’on est mieux parti pour se maintenir.
Lesfeminines.fr Ce sont les aléas du football
Pierre Ferracci. A Paris c’est compliqué. Le Red Star le montre bien (Ligue 2 deux ans et maintenant National). Créteil également (Ligue 2 et National). Il y a deux ans, nous étions trois en Ligue 2 et cette année, on y est tout seul avec en plus un repêchage après le dépôt de bilan de Bastia qui nous a amené là où on est.
Même si certains nous voient plus haut que ce que nous sommes (6è après la défaite 0-1 face à Sochaux, 4è avant), notre objectif est le maintien car cela nous aménerait à avoir un centre de formation agrée ce qui est essentiel pour le modèle sportif et pour celui économique du club.
Lesfeminines.fr Je vous rejoins. De plus, on a besoin de savoir quel est le vrai niveau des clubs de la capitale après le PSG. Entre National et Ligue 2 ?
Pierre Ferracci. Il faut s’installer en Ligue 2 tranquillement. Il faut agréer le centre de formation et la réalisation d’infrastructures. Après un bon maintien en Ligue 2, on commencera à penser à l’échelon du dessus. L’enjeu du centre de formation est suffisamment important pour qu’on soit obsédé par le maintien, le maintien, le maintien. Il sera temps ensuite de regarder au-dessus, on le fera mais aujourd’hui on est pas du tout prêt pour la Ligue 1. Cela pourrait mettre en péril l’entreprise, on le voit avec des clubs qui sont montés pour être relégués ensuite jusqu’en DH.
Lesfeminines.fr Cette passion du football vient d’où ? Car cela fait le week-end football
Pierre Ferracci. J’aime le football comme beaucoup. Je l’ai pratiqué à un petit niveau (je l’ai vu toucher la balle à Charlety. Il a le toucher) mais je m’intéresse à la possibilité de faire émerger un club à Paris et je ne parle jamais de deuxième club parisien car il pourrait en y avoir trois ou quatre – ce que je préférerais pour avoir de bons derbys – car je pense qu’il y a un espace pour construire un autre club à côté du Paris Saint Germain.
Il a atteint un tel niveau stratosphérique qu’il y a un espace pour faire de la formation dans le bassin parisien et pour faire émerger un club qui bâtit sur la formation comme les clubs de province ont fait ou comme d’autres clubs à l’étranger. Pour un projet sportif mais aussi social, qu’il est possible de mettre en place à Paris car le PSG est peu seul alors que le bassin parisien est riche de beaucoup de clubs, à fortes identités mais bien plus bas.
Lesfeminines.fr On a le sentiment que c’est un projet d’entrepreneur
Pierre Ferracci. C’est clairement un projet d’entreprise. Je me sens animé de la même passion et de la même détermination que lorsque j’ai crée le groupe Alpha voilà 30 ans. Seulement c’est le football et la rationalité économique n’est pas toujours au RDV. C’est compliqué, sans doute plus à Paris qu’ailleurs, car le football francilien est très divisé et éclaté (football de villages à Paris) avec des clubs qui ont leurs identités et cela rend compliqué la concentration des moyens pour faire un projet économique et sportif qui tiennent la route.
C’est une difficulté que l’on ne retrouve pas dans les autres régions où les clubs arrivent à se frayer un passage en Ligue 1. Regarder la Bretagne et la Corse.
Oui, le Paris Fc est un projet entrepreneurial, et il faut avoir un cap stratégique bien clair pour le mener au bout pour ne pas revivre la descente de Ligue 2 qui a été une vraie catastrophe.
On a appris de nos erreurs et Pierre Dreossi qui a pris le management du club a continué en National à structurer le club. On a investi lourdement avec un manager qui avait plutôt fait sa carrière en Ligue 1 et on est en train d’en tirer le bénéfice.
La fusion avec Juvisy est une autre étape qui nous permet d’exister en Division 1 avec un budget total d’1 million cinq cent mille euros qui doit nous permettre d’être dans les quatre premières places. Et exister avec les femmes, c’est un vrai plaisir pour le Paris FC.
Lesfeminines.fr Justement pour moi, cette fusion est incongrue et en même temps elle est stratégique donc elle l’est moins. Que pensez-vous de l’avenir du double projet ?
Pierre Ferracci. Jusqu’à présent, même si elles ne l’ont pas trop mais elles l’ont quand même (le double projet), car il y a des aménagements et des facilités notamment pour les internationales sinon elles ne pourraient pas répondre aux demandes des équipes de France si elles avaient un double projet total des deux côtés, on est dans une phase qui va professionnaliser le football féminin dans la continuité des budgets de l’Ol et du PSG, mais sans être à leur niveau, car ils sont aussi imposants que des budgets de L2 masculine et supérieurs à ceux de National.
Pour moi, le football féminin monte en puissance. La Coupe du Monde qui arrive va donner plus de médiatisations et c’est symbolique pour nous. On rencontre le PSG, il y a quinze jours, c’était l’OL. On a rencontré l’OM et il y aura Montpellier que l’on va jouer à Charlety. Cela donne un impact sympathique qui est important pour nous mais aussi pour la marque du Paris FC.
On est un club mais demain on sera une marque et les féminines vont contribuer à nous apporter un supplément pour le club et pour la marque que l’on essaye de construire.
Lesfeminines.fr J’ai le sentiment de discuter avec un entrepreneur
Pierre Ferracci. Jean-Michel Aulas l’a bien montré. Même s’il est souvent critiqué et peut être critiquable. il l’a fait un vrai projet d’entreprise avec à l’actif, un stade des lumières qui est remarquable. il a affaire à une forte concurrence avec Monaco et le PSG mais il a réussi car il a un projet d’entreprise.
Je crois que l’on peut avoir un projet d’entreprise qui soit sportif, social et économique. Il faut avoir un cap stratégique et les moyens de le mettre en oeuvre car la stratégie sans les moyens, c’est forcément limité.
Les feminines.fr C’est le rêve. Vous le savez bien puisque c’est une artiste. Et sans rêve, il n’y a pas d’artiste.
Pierre Ferracci. Exact. J’ai une femme qui sculpte et qui peint et qui le fait avec beaucoup de talents. J’essaye de marier le rêve et le projet d’entreprise pour le rendre tout à fait possible.
Lesfeminines.fr. Qu’est-ce qui vous a plu et qui vous a déplu dans le football féminin. Vous êtes un homme qui maitrise sa communication donc je pense que le dernier point sera difficile à développer. Je pense que le (9-2) contre l’OL a fait mal mais je ne sais pas s’il a déplu.
Pierre Ferracci. Le (9-2) a fait mal d’autant que je les avais accompagné et déjeuné avant avec Jean-Michel Aulas. Mais cela fait partie des accidents car Lyon est très au-dessus de tout le monde, y compris le PSG et Montpellier. N’oubliez qu’il mette derrière (0-5) à Montpellier à domicile.
En même temps, le (9-2) on le mérite pas. Je pense que le choc de Bilbault qui n’a pas toujours repris et qui manquera demain car c’est une bonne joueuse. On a Tounkara derrière qui est toujours blessée et internationale.
Elles ont trouvé leurs places. C’est technique et bien organisé. Il y a des joueuses intelligentes et cela se voit sur le terrain. Je rajouterais une chose. Parfois il y a moins de simagrées que chez les hommes.
Pour ce qui m’a déplu, s’il n’y aurait pas eu la blessure de Charlotte Bilbault qui a été très inquiétante sur l’instant avec une perte totale de connaissance jusqu’à l’arrivée du Samu et qui a pu expliquer la lourde défaite, alors j’aurais pu dire que le (9-2) face à l’Olympique Lyonnais m’aurait déplu. Mais j’étais au bord du terrain et on a pensé qu’à la santé de la joueuse qui d’ailleurs nous a manqué dans ce match et nous manquera dans celui face au PSG.
Lesféminines.fr A une dernière question. Que pensez vous de la non-sélection de Gaetane Thiney et du transfert rare de Kadidiatou Diani ?
Pierre Ferracci. Pour Gaetane Thiney, c’est une joueuse exemplaire pour nous qui est leadeur dans le groupe. Elle a fait un très bon début de saison et sans entrer dans les choix de Corinne Diacre, je suis persuadé qu’elle fait « une revue d’effectif » et que Gaetane aura sa chance dans les prochains mois, qu’elle saura prendre même si une jeune concurrence est en train de s’installer. Pour Kadidiatou Diani, la joueuse a eu une proposition intéressante du PSG et nous ne voulions pas la bloquer pour son avenir et son développement personnel. Donc, nous avons accepté le transfert.
Lesféminines.fr Pour terminer, vous m’avez dit que vous sortiez du match des U19 face au PSG ?
Pierre Ferracci. Oui. On a fait match nul contre Elles (1-1) et on aurait même pu gagner. Espérons qu’il en soit ainsi demain à Bondoufle, face au PSG.
William Commegrain lesfeminines.fr