Rien de très surprenant de voir que les rencontres ont été aussi serrées dans ces quarts de finale. Quatre buts pour quatre rencontres. Pas un match qui n’ait dépassé le (1-1) et deux matches nuls qui ne se décideront qu’aux tirs au but (Bresil – Australie 7 tab à 6/USA – Suède 4 tab à 3) . Voilà le menu des quarts des Jeux 2016.
La France a joué la troisième rencontre. Au courant des deux précédentes, notamment de l’élimination américaine par la Suède (1-1, 4 tab à 3). Quatre médailles d’Or et une d’Argent qui vont au tapis, cela ne se fait pas silencieusement. Puis la Chine (12è Fifa) qui manque d’égaliser devant l’Allemagne (2è Fifa) à la toute fin du match.
Rien à dire, le contexte est bien au détail et à la gagne.
1°) Les moins bien classés FIFA l’emportent sur les mieux classés ou les mettent à mal.
Les résultats, connus de tous, le confirment : dans ces quatre quarts, les moins biens classés FIFA l’ont remporté sur les meilleurs classés, sauf la Chine qui a été à deux doigts de créer une surprise avec l’égalisation au bout du soulier de Wang Shuang (83′ pénalty).
- . La Suède (6è) sur les USA (1er) : 1-1 (4 tab à 3)
- . Le Canada (10è) sur la France (3è) : 1-0
- . Le Brésil (8è) sur l’Australie (5è) : 0-0 (7 tab à 6).
- . seule l’Allemagne (2è) l’emporte sur la Chine (12è) et sur la plus petite des marques (1-0).
Elles ont fait leurs performances.
2°) La France n’arrive pas à faire de performances.
Si la France d’avant 2013 a tant plu au plus grand nombre, ce n’est pas uniquement en raison du Mondial de 2010 où les français n’avaient pas voulu s’entraîner.
C’est tout simplement que l’équipe masculine ne faisait plus de résultats alors que l’équipe féminine était en train d’en faire. En 2010, l’équipe de France masculine avait terminé son mondial à la dernière place du groupe A, battue par l’Afrique du Sud (3e) avec aucune victoire, 1 match nul et 2 défaites. Un désastre, similaire à celui de 2002, pour une équipe qui avait une finale de Coupe du Monde en 2006.
a) la France était performante.
En face, l’équipe féminine se préparait une année 2011 de qualité avec en club, l’Olympique Lyonnais championne d’Europe (2011) et une 4ème place au mondial qualificative aux JO (2011), confirmée par une 4è place aux JO de Londres (2012) qui avait eu toutes les couleurs d’une médaille de bronze alors que l’OL renouvelait son bail avec le titre de Championne d’Europe (2012)
Aujourd’hui, elle ne l’est plus. Il y a eu l’accroc de 2013, quart de finale à l’Euro battue par le Danemark, traitée comme un séisme de honte sur un match perdu aux tab qui a fait débarquer Bruno Bini au motif qu’il ne faisait plus rêver le « Grand Rêve du Football Féminin » ? Suivi d’ailleurs ensuite, par les difficultés de l’OL en Coupe d’Europe (2014 et 2015), battu deux fois au stade des 1/8è de finale (Potsdam et le PSG), dans des matches où l’esprit de compétition était à chaque seconde, le moteur de la réussite ou de l’échec des équipes concernées. Tout s’était joué au détail.
b) mais depuis les performances ne sont plus au RDV.
En clubs, les choses ont avancé. Le Paris Saint Germain a fait une finale de Ligue des Champions en 2015 et l’Ol a repris son titre en 2016. En Equipe de France, ce n’est pas le cas.
Il faut dire que la barre est devenue encore plus difficile avec une 3è place FIFA gagnée en décembre 2014 alors que les françaises étaient plutôt classées 5è ou 6è.
Seule la victoire face aux USA (8/02/2015-2/0-Lorient 2015) et l’Allemagne (25 Octobre 2014 – 2/0 -Novembre 2014) sur les terres d’Offenbach sont au crédit de l’équipe de France. La France bloque. Elle semble être à son maximum.
c) le tournoi « ShebelievesCup » en 2016 sera un indicateur qui le confirmera.
En mars 2016, la France a participé à un super tournoi qui opposait les quatre des cinq meilleures nations mondiales. USA, l’Allemagne et l’Angleterre. Elle a subi deux défaites (USA 1-0 et Allemagne 1-0) et 1 match nul (Angleterre 0-0) pour finir 4è et dernière du tournoi qui opposait le 1er mondial (USA), le second (Allemagne) et le cinquième (Angleterre) devenue quatrième entre-temps, quand elle était à la 3ème place mondiale.
d) aujourd’hui la place de la France est un 1/4 de finale.
La réalité d’aujourd’hui est la suivante : 1/4 de finale 2013 avec l’Euro. 1/4 de finale du Mondial 2015. 1/4 de finale des JO 2016. La période de Bruno Bini (2010, 2011, 2012) était une période faste pour l’équipe de France.
Elle ne l’est plus ou moins. Il faut oublier tous les matches faciles. Il faut oublier tous les excellents contenus avec une défaite. Il ne faut retenir que les victoires même « à l’arrache ».
Pia Sundhage (Suède) à fort justement répondu à la phrase très juste d’Hope Solo (Usa) : « On a eu affaire à une équipe de trouillards ». La réponse de Pia, double championne olympique avec les Etats-Unis et qui connait bien la joueuse lui a répondu : « Nous on va en direction de Rio. Elle, elle rentre à la maison ».
3°) Philippe Bergerôo est en place depuis 2013. Un contrat de deux ans renouvelé une fois (fin 2017).
Le sélectionneur français a apporté à l’équipe de France une vision tactique et réfléchie du jeu quant elle était dans la verticalité avec l’expression collective « d’aller de l’avant » notamment face à des équipes mieux classées. La France était innovante. Aujourd’hui, elle est cartésienne.
Il a fait le reproche aux joueuses de n’avoir pas réussi à appliquer sa réflexion sur le jeu. « Surtout, après le but, on a déjoué. Il fallait continuer à jouer, garder notre lucidité » (extrait de l’Equipe). C’est pourtant bien lui qui donne les consignes sur le terrain. Qui les donnent aux remplaçantes qui sont entrées. Louisa Cadamuro (63′), Elodie Thomis (71′), Claire Lavogez (84′).
Il fait le reproche aux joueuses d’être bloqué « par un problème mental ». Il est à la tête de la sélection depuis trois ans. C’était le 54è match de l’équipe de France sous son ère. C’est la première fois où il se confie à la presse écrite en arguant de cette difficulté. Soit c’est une découverte, soit c’est un constat qu’il a largement eu le temps de gommer en mettant en place une politique spécifique ?
Philippe Bergerôo possède maintenant le passé de l’équipe de France, avec d’ailleurs un score correct (44V, 4N, 6D).
C’est à lui, dans sa sélection et dans son management de répondre à ces reproches. Cette situation, apres 54 matches, est de sa responsabilité.
La France bloque en quart. Pour quelles raisons ?
1. La non-sélection de Gaetane Thiney. Le choix du sélectionneur peut être interrogé sans être condamné. Il fait ses choix. Mais on peut remarquer que sur les six défaites de l’équipe de France depuis qu’il est sélectionneur :
- . USA – France (1-0) amical. Tournée aux USA 2015.
- . Allemagne – France (1-1). 1/4 de finale en CM 2015
- . France – Allemagne (0-1) amical 2016. SheBelievesCup (sans Gaetane Thiney)
- . USA – France (1-0) amical 2016. SheBelievesCup. (sans Gaetane Thiney)
- . USA – France (1-0) JO Rio 2016. Match de poule (sans Gaetane Thiney)
- . Canada – France (1-0) JO Rio 2016. 1/4 de finale JO. (sans Gaetane Thiney)
quatre sur six l’ont été sans la sélection de Gaetane Thiney et après le fameux France-Allemagne de 2015 où la joueuse a été mise au placard de la sélection. On connait la qualité de compétitrice individuelle et collective quand il s’agit de porter le résultat et il est à noter que lors du France-Allemagne qui a fait couler tellement d’encre, la française était entrée seulement au tout début de la prolongation. Choix quand même surprenant quand on compte sur une joueuse, alors que si un nouveau but avait été marqué par l’Allemagne dans le temps de jeu, nulle prolongation n’aurait eu lieu.
A l’inverse, elle était bien sur le quart de finale de l’Euro 2013 perdue sous l’ère Bruno Bini mais je peux vous dire que le tacle assassin qu’elle avait mis à la capitaine danoise quand elle a vu « que cela tournait carafe » est encore dans les mémoires de la joueuse danoise quatre ans plus tard.
2. Le mental français. Les joueuses françaises auraient le mental friable car elles ne rencontreraient pas assez d’équipes fortes qui les mettraient en difficulté. C’est certainement exact mais la situation de l’Olympique Lyonnais est encore plus prononcée et pourtant, elles ne ratent que très rarement leurs matches face à des grosses équipes. L’équipe de France étant faite pour les 3/4 de l’OL, je ne crois pas qu’il y ait un problème de mental par rapport à la compétition.
3. Les françaises sont plus des « filles’ que des sportives. Je crois à cet argument. Les françaises portent l’oriflamme de la féminisation du sport français, bien au-delà de la situation de sportive de haut niveau. C’est une politique qui a été mise en place depuis deux ans. Comme les footballeuses sont les plus médiatisées des sportives, elles interviennent en dehors de leur pratique sportive, plus en raison d’être des filles qu’en raison de leurs performances, qui quelques fois sont excessivement reprises et idéalisées. Une fille qui parle, actuellement, c’est tendance. Elles doivent intégrer un autre environnement, avec une stratégie individuelle, inhabituelle pour le sport féminin français, avec des enjeux de reconversion et d’image pas si facile à maitriser. Tout est nouveau. Est-ce que cela a un poids dans des matches aussi importants que face aux meilleures mondiaux. Cette dispersion imposée, sollicitée ou voulue ?
Je ne crois pas qu’à l’OL, il y ait la possibilité d’une telle situation. Les joueuses sont des joueuses de football professionnel et pas autre chose.
4. Les adversaires ont un « métro d’avance ». Dans ce domaine, les adversaires de l’équipe de France ont plus qu’un métro d’avance et c’est considérable. Elles se sont créées une expérience qui leur permettent de naviguer dans tous ces environnements sans se poser de questions. Sur le terrain, elles sont encore plus SHN que ce qui est possible. Elles sont sportives, agressives. Et pour le reste, elles s’en amusent ou vivent avec sans problème. Elles savent gérer cette bipolarité.
5. La personnalité. Hope Solo n’est pas une tendre. Elle n’a pas la langue dans sa poche. Elle s’est même faite « sortir » du groupe pendant 1 mois avant d’être reprise et devenir championne du monde 2015. Là, elle s’est faite « chambrer » pendant toute la compétition pour un de ses tweets. Elle a fini en disant « que la Suède avait joué comme des trouillardes ». Bon. Pour tout le monde normal, Pia Sundhage, lui a répondu, tranquillement : « nous allons vers Rio. tu rentres à la maison ». La joueuse a certainement raison et la coach aussi. Point barre. Terminé. Et on continue. Il faut aussi des joueuses qui expriment une personnalité chez les filles. Cela se ressent sur le terrain.
6. Le jeu fermé est un jeu difficile à renverser en football féminin. En football féminin quand on ferme le jeu. A niveau égal, les adversaires ont du mal à retourner la situation. La victoire demande une efficacité totale alors que le football féminin est souvent fait d’occasions manquées. Les différences faites dans un duel demandent une maitrise technique pour les valider que les joueuses ont moins que les hommes. Cela génère du déchet et laisse la porte ouverte à un but adverse inattendu, suffisant pour gagner le match.
La France joue un jeu ouvert et dominateur. La Coupe du Monde 2015 et les JO 2016 sont peut-être venus trop tôt. Le jeu français trouvera sa plénitude à l’Euro 2017 ?
7. Le championnat français et sa valeur ? Beaucoup de suédoises sont en France. Les américaines y sont venues jouer. Les allemandes aussi. Le championnat français est un championnat plutôt de qualité. Il est peut être surexposé et donc on en attend de trop sur le plan des mass médias. La course aux nombres de licenciés est peut être contre-productive en terme de positionnement dans la haute compétition ? Faut-il toujours médiatiser le football féminin ? C’est une question. Je n’ai pas de réponse.
Ce qui est sûr, c’est que la médiatisation donne une image. Aujourd’hui, l’image de l’EDF féminine est la suivante : « encore perdue » pour le football féminin. Pas simple.
Une proposition masculine (désolé du mot s’il vous choque ou vous énerve) : Médiatisons seulement les performances ? 100.000 c’est déjà pas mal.
Et préparons-nous à recevoir le Monde plutôt qu’à le gagner. On ne nous a pas donné la Coupe du Monde pour cela. Et laissons, les actuelles et donc vraies SHN, se préparer pour essayer de la gagner. Parlons sport et performance.
William Commegrain lesfeminines.fr