Shirley Cruz (30 ans) est une sportive de haut niveau. Elle joue au Paris Saint Germain depuis 2012 après avoir été la première sud-américaine à venir en France, armée de sa seule volonté, inconnue, pour être prise par l’Olympique Lyonnais de Farid Benstiti en 2006 et devenir certainement, une des meilleures joueuses du monde, sans palmarès avec son équipe costaricienne mais avec un palmarès éloquent obtenu avec l’Olympique Lyonnais.

Elle est six fois championne de France (2006 à 2012), deux fois vainqueur de la Coupe de France (2008 et 2012), deux fois vainqueur de la Ligue des Champions (UEFA, 2011 et 2012). Finaliste avec l’OL (2010) et le Paris Saint Germain (2014) de la Coupe de France. Finaliste de la Women’s Champions League en 2010 et 2015. Meilleure joueuse de D1 en 2012- 2013. Nominée par l’UNFP pour 2016.

Mais mieux, reconnue par ses pairs puisque Sandrine Soubeyrand, icône du football féminin français, avait juste dit lors de son dernier match de championnat après une longue carrière dans le football : « la meilleure joueuse que j’ai vu évoluer en football féminin, c’est Shirley Cruz ».

Shirley Cruz est, ce que l’on appelle, une référence.

Dans la zone mixte qui suit le match face à la Roche sur Yon, c’est elle qui se présente pour répondre aux questions après avoir eu les réactions de la jeune Anissa Lahmari, pressentie à un bel avenir.

Ses propos peuvent être sources de vérités quant aux attentes des sportives de haut niveau au regard des clubs où elles vont s’exprimer.

« L’objectif était de maintenir la seconde place du championnat. On a fait le nécessaire et il faut juste oublier. Il faut apprendre ce qu’il y a à apprendre de la demi-finale de la Ligue des Champions (7-0 et 0-1) face à l’Olympique Lyonnais et chacun doit se concentrer sur l’avenir pour l’année prochaine. »

Le moins que l’on puisse dire c’est que la réponse est pragmatique. Elle s’éloigne de l’affectif.

Sur les raisons de cette défaite ? « je ne sais pas si c’est les filles, la partie administrative, les entraîneurs ? Il y a pas mal de choses où il faut réfléchir. Je pense que le projet du club .. là maintenant, on ne sait pas qui va rester qui va partir ? Pour le moment on est dans l’incertitude donc, là, on a fait ce qu’il fallait. On a la deuxième place et maintenant chacune doit se concentrer sur son avenir. »

Les choses sont carrées. On peut noter que les sportives de haut niveau détestent l’incertitude. C’est de l’inconfort et à partir de là, elles vont chercher une solution pour avoir une vision claire et objective de leur avenir.

Le match face à Juvisy ? « cela reste un derby et il faut gagner. On sait que l’équipe de Juvisy quand elle joue contre Paris fait le match de sa vie donc on doit juste être présente. On a fait ce qu’il fallait. On a la deuxième place. Il faut rester concentrée et finir la saison pour que Lyon ne soit Champion qu’à la fin. »

Quel est ton sentiment sur ton parcours 2012-2016 ? « On a pas su finir les grosses échéances. On a raté les gros moments. Il faut juste apprendre cela et continuer vers l’avant ». L’OL n’est-il pas trop fort ? « C’est un projet qui a fonctionné. J’ai joué là-bas pendant six ans. L’équipe n’a pas beaucoup bougé. Nous, au PSG, à chaque fois, c’était différent. C’était très compliqué. On ne sait pas quel va être l’avenir des filles, du club, de l’entraîneur. Ca c’est la partie du PSG et on les laisse réfléchir. Nous de notre côté, il faut juste se re-motiver pour trouver de nouveaux objectifs. « 

Comment faire une synthèse de l’état d’esprit de ces championnes en football féminin ?

Tout d’abord, le projet est plus important que l’argent. Ce projet peut avoir une durée dans le temps mais il doit aboutir. Sinon, c’est un échec. Ensuite, si il y a un échec, alors chacun doit réfléchir et prendre une décision. En fonction de la proposition, la décision se prend. Pour un nouveau projet ou pour un autre projet.

Les filles adhèrent d’abord à un projet. Ce projet donne ensuite un salaire. Ce projet doit être une amélioration et pas un recul.

Le problème dans le football féminin, c’est que les destinations ne sont pas légions. Les championnats en interne, dans chaque pays, ne sont pas homogènes. Les champions des différents pays ne sont pas du même niveau quand ils se rencontrent au niveau européen. Les titres, nationaux comme européens, sont « blacklistés » souvent à l’avance. Il y a peu d’incertitude.

Changer de destination n’est donc pas obligatoirement fait pour améliorer la carte de visite à moins d’aller dans le Top four européen. Il y a alors une part d’affectif dans les décisions des joueuses qui va pouvoir s’exprimer.

Enfin, l’offre n’est pas pléthorique et l’inconnue reste important. Les filles ne pourront pas vivre, après le football, des revenus dégagés de leur pratique sportive. Il y a donc un aspect post-sportif qui intervient dans les décisions, en complément du sportif et de l’affectif.

Que me propose-t-on d’intéressant et de motivant pour après ? Car le plaisir n’est pas que sur le terrain. Après 30 ans, on peut trouver énormément d’épanouissement dans une activité professionnelle. C’est bien d’avoir alors, déjà, une destination et une fonction qui vous attend.

Voilà un facteur exogène et endogène à prendre en compte. Reste à se former, psychologiquement et techniquement, pour en posséder les compétences. Car le monde professionnel est, comme le disait le groupe Téléphone « Un autre Monde ».

William Commegrain lesfeminines.fr