William Commegrain. « Patrice Lair, en fait l’ambition, c’est aussi dans la structure comme au quotidien. Qu’en penses-tu ? »
Il y a toujours un objectif. Tu arrives à l’entraînement. Tu as un objectif. Il y a toujours quelque chose à aller chercher. Il faut se donner l’ambition. A Lyon, c’était comme cela. A Montpellier, c’est pareil.
Les filles sont contentes d’aller en équipe de France et je leur disais : c’est bien les filles, vous partez en équipe de France mais ce n’est pas pour faire des photos avec des anciennes. C’est pour gagner votre place. Il faut être titulaire et y retourner. Tu es sélectionné, c’est bien mais je dis que l’ambition, c’est d’aller aux JO.
Et si tout le monde a cette capacité à aller plus haut, il va y avoir une émulation terrible et cette émulation qui va t’amener à avoir un onze compétitif. Avoir les meilleures sur le terrain pour aller chercher des titres.
Il n’y a pas de mystères. C’est être compétiteur dans l’esprit et aller chercher sans arrêt la victoire. Il faut amener cela sans arrêt. avec des petits jeux, à la moindre chose. Une course, une accélération. On est quatre à partir, il faut finir premier.
C’est une culture. C’est fatiguant pour le staff, pour les joueuses. A un moment donné, ily avait peut être une usure avec cela et je pense que c’est bien de changer d’entraîneur. Ils l’ont fait à Lyon et je pense que c’est une bonne chose.
Après il faut autre chose, une autre bouffée d’oxygène mais tout en gardant cette exigence. On en parlait avec Gérard Prêcheur (coach de l’OL), il faut garder cette exigence.
C’est obligatoire, c’est la haute compétition. Quel est ton meilleur souvenir en terme d’ambition ? Quelque chose qui s’est passé d’exceptionnel. Pas nécessairement un titre, un moment.
Pour moi, c’est quand même un titre. C’est la MOBCAST CUP au Japon (Championnat du Monde officieux des clubs). C’était la mi-temps. On était très malmené. on a failli prendre le deuxième but. On était mené 1-0 et on joué le tout pour le tout en deuxième mi-temps. Je n’ai mis que des joueuses offensives. On a fait un 4-2-4. J’ai rarement joué aussi offensivement. On a tenté un coup de poker et dans les vestiaire à la mi-temps, j’ai essayé de remonter les filles au maximum. De leur dire qu’on allait gagner. Qu’on allait être championne du monde. Qu’on avait une chance inouïe ce jour là de pouvoir être championne du Monde des clubs, dans un pays où si tu es championne du Monde c’est incroyable et avec la majorité des joueuses qui étaient internationales et championnes du monde en face.
On s’est sublimé. On a égalisé. On est allé cherche ce pénalty de la victoire avec Sonia Bompastor. Non, vraiment, c’était plus fort que les Coupes d’Europe. C’était un truc sympa. Vraiment sympa. Tu vois. un truc qui m’a vraiment marqué. J’ai quitté mon groupe et je suis parti 5mns dans les vestiaires pleurer tout seul. J’étais super heureux de la réaction et du collectif. C’était un moment fabuleux. Plus fort qu’une finale de Ligue des Champions car on a fait un truc vraiment extra car on avait tellement été malmené en 1ère mi-temps que je voyais pas comment on pouvait s’en sortir .. C’était un coup de poker, j’en étais persuadé et j’ai réussi à faire comprendre à mon groupe, à renverser la vapeur et c’était vraiment bien. C’était .. On avait fait un truc génial, quoi. On avait été capable de se sublimer.
Mais tu vois, tu vis toujours de bons moments. L’autre jour, ce n’était pas facile. Contre Lyon (maintenant, il est conseiller à Montpellier). Tu dis bonjour aux joueuses que tu as eu pendant des années, tu as gagné beaucoup de titres avec elles, tu joues contre elles et tu dois faire abstraction. On s’est promené un petit peu à Grammont, j’ai vu les filles. J’ai essayé de les remonter comme des pendules, de faire un match extraordinaire contre Lyon. On l’a fait. J’étais heureux mais franchement, je n’ai pas voulu perdre .. mais d’un autre côté, .. je ne sais pas si j’aurais voulu vraiment gagner. Tu vois. Tu vois. Lyon restera un club qui me marquera à tout jamais, comme il y a eu Reims chez les garçons et Montpellier. Ce match nul était bien car il nous permettait de rester dans nos objectifs et on avait été capable de se mettre à la hauteur de Lyon. Lyon qui reste quand même la grosse cylindrée. C’était bien. il y avait du monde. C’était un bon match pour le football féminin. C’était intéressant, il faudrait que cela arrive plus souvent dans ce championnat et comme tu le dis, que l’on ne voit plus de 8 à 1, que cela soit plus homogène. Cela va venir. Cela va venir. Et de voir, comme hier à Rodez, 3000 spectateurs pour voir le PSG, je trouve que c’est chouette. c’est bien. Cela a avancé quand même. A un moment, il n’y avait que Lyon qui faisait cela. Paris le fait maintenant car ils ont quand même une équipe de haut niveau, de stars. Et le PSG, c’est cela. c’est un gros club. Il faudrait que l’on arrive à avoir ces audiences là pratiquement à tous les matches. On ferait plus que MONACO (rires). Cela serait chouette.
On avance car je vois l’avancée depuis 10 ans à Montpellier. Je vois des gens qui en avaient rien à foutre du football féminin et maintenant, ils suivent, ils viennent aux matches. Ils demandent les résultats. Cela avance doucement, il faut continuer.
Une fille qui t’a surpris. Que tu penses à une joueuse et tu te dis : « Wahoo, quand même ! ».
Shirley Cruz. Shirley Cruz, c’était pfttt !!! Quand je vois Shirley Cruz, à chaque fois je pense à une finale de la Ligue des Champions, la deuxième et déjà, la première c’était énorme avec Amandine Henry. Le match contre Frankfurt à Munich, elle volait ce jour là. Elle volait. Elle allait vite, elle percutait. Elle cherchait le pénalty. Elle tachait. Elle était exceptionnel. Quand tu vois le ballon qu’elle donne sur le but l’autre jour (face à Juvisy). Si Paris met 4-0 en deuxième mi-temps, c’est parce qu’elle s’est réveillée. C’est fabuleux. Quand elle est comme cela, personne ne peut lui piquer le ballon. Elle a cette vista, ce petit coup de pattes. J’en ai eu tellement à Lyon. Lotta Schelin, avec ses buts face à Arsenal comme face à Juvisy. Quand elle partait avec ses courses .. c’est quand même une des filles qui se déplaçait le mieux. C’est exceptionnel. Je peux en sortir beaucoup.
Aujourd’hui, celle qui m’impressionne le plus, c’est Ada Hegerberg. C’est fabuleux. C’est puissant, cela garde bien le ballon. La vista. cela ne lâche rien. C’est du haut niveau mais je ne te parles que des étrangères, mais tu as Amandine Henry qui as une puissance extraordinaire au milieu de terrain. Wendie Renard, je peux t’en dire beaucoup comme cela, et je te dis franchement j’espère qu’en équipe de France; on va revoir Gaetane Thiney car on va en avoir besoin.L’erreur tu l’as fait et tu payes. puis après, il n’y a pas mort d’hommes. Il faut mettre la meilleure équipe possible. je ne m’entendais pas avec toutes les joueuses mais quand je faisais mon équipe, j’essayais de mettre celle qui allais me faire gagner la compétition.
Je n’ai aucun écho mais je pense que c’est prévu qu’elle revienne. Il s’est passé certaines choses et je ne veux pas les connaître. je m’en fous royalement mais les grandes équipes ne s’entendent pas nécessairement et le principal c’est qu’elles s’entendent le jour, sur le terrain. Tu ne vas pas vivre ensemble sans arrêt, tu n’as pas nécessairement les amitiés mais le plus important, c’est d’être capable de jouer sur le terrain. C’est souvent ces filles là, qui sont pas faciles à gérer mais qui font la différence, même si on reproche de louper des gestes. Mais tout le monde loupe des gestes. L’erreur est humaine. Je pense qu’il y a un objectif précis à aller chercher et on a les moyens, car comme je le dis à chaque fois, je reste toujours persuadé qu’on a une très bonne équipe.
Je pense que pour Gaetane Thiney, il y a un rapport d’autorité et un rapport d’autorité demande toujours une sanction : un gagnant et un perdant mais au final, les jeunes qui arrivent en équipe de France sont talentueuses, mais elles n’amèneront pas le titre. Elles sont trop jeunes encore.
Tu sais aussi bien que moi qu’elles ne sont pas mûres. Elles le seront peut être en 2019. Aujourd’hui, il faut prendre des filles qui ont un certain bagage, une expérience. Et aujourd’hui, on ne peut pas se permettre, car on a pas un effectif de compétitrices de très haut niveau, d’en mettre de côté. Il faut toutes les rassembler et c’est pour cela que je pense et que j’espère qu’elle reviendra.
Après c’est le sélectionneur, Philippe Bergerôo qui décide, c’est son job. C’est à lui de voir après. C’est toujours la même chose, il faut essayer d’avoir les meilleurs talents. Philippe, cela se passe très très bien et c’est lui qui voit et je lui souhaite de tout mon coeur de ramener ce titre tant convoité en France.
Tout à fait. D’ailleurs, s’il n’est pas là, cela posera un problème. Non pas pour les gros clubs mais pour les autres. Lyon ne changera pas sa politique, Montpellier non plus, le PSG aussi. Mais pour les petits, cela va les étouffer. Ils en ont besoin.
Bien sûr. Ils ont besoin de cette avancée. Et cette reconnaissance. Il faut donner encore plus de moyens. De moyens pour pouvoir franchir un cap. C’est encore insuffisant.
J’ai tendance à dire qu’il faut rêver des fois. Je reprocherais à l’Equipe de France de ne plus rêver. L’ambition et le rêve, cela peut être fort. L’un sans l’autre, c’est possible. Cela dépend des individus. Mais le football, cela se joue à onze. Onze ambitieuses sur un terrain, c’est pas courant. Par contre, si tu associes l’un et l’autre et que cela fasse une bonne mayonnaise, c’est possible peut-être. Mais il y a des gens qui n’aiment pas rêver.
De rêver. Si, il faut toujours une part de rêve dans la vie pour pouvoir avancer. Il faut une part de rêves, moi aujourd’hui, je suis dans une position où je rêve de prendre un gros challenge …
William Commegrain lesfeminines.
- 1/5 Patrice Lair. Le football féminin s’améliore tactiquement. Il faut chercher à s’améliorer. Toujours chercher à s’améliorer.
- 2/5 Patrice Lair. A Montpellier, je leur dis : « Il faut que vous existiez ! ».
- 3/5 Patrice Lair. Puisque Lyon est devant. La 1ère place, c’est mission impossible. Mais comme Montpellier est second, alors, il faut aller chercher la 1ère place.
- 4/5 Patrice Lair. Un moment exceptionnel où j’ai pleuré : la MOBCAST. Une joueuse extraordinaire : Shirley Cruz.
- Patrice Lair 5/5. Retrouver le terrain pour de l’adrénaline et la force de se surpasser.