L’écran indique la 88′. Les commentateurs sur C8 pour ce direct, dont Sébastien Joseph, ex-coach de Soyaux, ne cherchent pas encore les références du passé. Il s’agit de l’Olympique Lyonnais. Pourtant le score affiché (2-2) est assez rare pour que, voix tremblotantes, émotions du fond de gorge, les quelques minutes restantes au compteur soient des heures de suspense.

Lyon peut-il ne pas gagner ?

Mais c’est l’Olympique Lyonnais et avec l’Olympique Lyonnais, la certitude de la victoire est si grande que le score le plus tenu peut, voire même doit, se retourner en leur faveur. Habité de cette vérité du football féminin français, notre regard est moins dans la performance de Montpellier que dans la force des lyonnaises, quatorze fois championnes de France de suite, sept fois championnes d’Europe, neuf coupes de France dans les dix dernières années. Elles devraient gagner.

A la manière dont les lyonnaises vont toutes courir vers la grande Wendie Renard, l’Everest du football féminin mondial avec ses 1,87 mètres sous la toise. Servie par Dzsenifer Marozsan, sur un corner de dernière minute, seule à cette hauteur, reprenant de la tête la balle offerte, pour un arrêt sur la ligne de Liza Schmitz que Griedge M’Bock pousse au fond des filets montpelliérain (2-3) ; les blanches lyonnaises y ont laissé leur cœur pour revenir dans cette partie que le sort leur refusait.

Montpellier leur a offert un vrai match. Avec les incertitudes qui vont avec. Les doutes, les incertitudes entre appliquer des schémas vus et revus, du taylorisme sportif qu’exige le sport de haut niveau -la répétition faisant l’erreur adverse- et l’envie d’aller chercher l’imprévu, le surprenant. Terriblement efficace quand le talent répond favorablement, source de défaite quand le contre, parti de loin, s’épanche dans les espaces offerts, pour marquer la victoire du plus faible et la défaite de l’ogre lyonnais.

Sonia Bompastor, sorte de déesse egyptienne quand elle coache. Un visage qui ne montre rien ou si peu, se méfie des armes encore sur le banc de Montpellier, dont elle sait que Yannick Chandioux, tel un César romain, ne manquera pas d’utiliser. La vitesse de Faustine Robert serait l’idéal pour remporter cette rencontre. Elle change son système à trois et place latérale gauche, Janice Cayman, meilleure joueuse belge 2021, prête à écrire un ouvrage en dix pages, pour autant de postes qu’elle a occupé dans sa carrière sur le terrain.

L’instant de la 18′

Néria Mondésir, 23 ans, haïtienne de son état, née ailleurs mais montpelliéraine de cœur depuis six saisons, bouillonne sur le flanc droit. Aucun match de terminé depuis le début de cette saison. La joueuse mange du ballon comme d’autres, s’empiffrent de shamallows. Elle a le combat en elle, l’impact. C’est elle qui bondit devant Janice Cayman, trop certaine de la passe qui lui était adressée, pour remonter ce terrain et délivrer une mouche de passe que Laura Petermann reprend dans un swing de golf si pur qu’il pourrait être le geste de 2022 (18′, 1-1).

La rencontre bascule sur cet instant. Les 17′ autres minutes ont été l’histoire habituelle d’une série lyonnaise dont Netflix ne voudrait pas tellement l’issue parait fatale. Le ballon et les joueuses vont continuellement vers le but montpelliérain, poussé par un vent inarrêtable, continuelle, persistant qui doit faire craquer l’adversaire. Griedge M’Bock a marqué sur un corner de Dzsenifer Marozsan, détourné par l’Everest Wendie Renard, et poussé au fond dans un espace vide où les lionnes du Rhône savent que c’est ici et pas ailleurs que le festin se fait (5′ 0-1).

Il y a comme un concert de musique classique dans cette aventure cathodique. Tout est installé comme il faut, de la manière dont il faut. Même les adversaires savent que ce sera la musique jouée.

Je me pose la question qu’il est temps de faire autre chose, la journée est bien remplie. Et puis la 18′ est passée par là. Montpellier échange son maillot d’équipe « qui a tout fait mais n’a rien pu faire » pour une équipe de « l’impossible qui devient possible ».

Montpellier fait rêver Montpellier

Entre l’habitude lyonnaise et la nouvelle force montpelliéraine, l’équilibre se fait. L’équipe du César de l’instant réussit ses jeux à trois, ses sorties de balles et on s’aperçoit que Lyon sait moins bien reculer que Montpellier. Des espaces s’ouvrent dans lesquels s’engouffrent la mentalité féminine. Pleine d’espoir et quand cet espoir est collectif, alors il y a chez les filles une force incroyable.

Les filles le savent. Ce n’est pas dans le jeu de regard. C’est dans l’attitude et le comportement. C’est dans la posture. C’est intuitif. Le onze Montpelliérain sent qu’il y a des faiblesses dans cette montagne. Elles jouent plus lentement, perdent des contacts, s’emmêlent dans des touchers. La fluidité n’est pas là.

Montpellier mord dans les fesses lyonnaises et n’a pas l’intention de lâcher.

Eugénie Le Sommer « speak english »

Ada Hegerberg rate des occasions rares. Une tête qui s’échappe dans des buts vides. Une fois, deux fois. C’est peu mais quand tu joues Lyon c’est beaucoup. Soudain, dans l’esprit du Sud, il y a comme un mur transparent qui protège leur cage. Un sentiment envoyé par les ondes positives du cerveau. La back line de Montpellier commence à monter plus haut. A pousser devant. Le ballon remonte. On s’exerce à des dribbles.

Eugénie Le Sommer, qui speak a fluent english now, comprend la situation. En bretonne bien qualifiée, elle pousse ses actions. Crée des brèches, fait reculer l’adversaire. L’exercice est habituel sauf qu’elle nous montrera qu’elle n’est pas revenue sans rien des states.

Eugénie Le Sommer qui marque, dos au but, en se retournant pour un (1-2, 42′) libérateur aux portes de la mi-temps. Il faudrait demander à celui qui s’endort sur les statistiques du football féminin, l’antériorité d’un exercice similaire ? C’est du domaine du rare, elle qui marque 99% de ses réalisations face au but.

La nouvelle américaine envoie l’OL au repos avec la gagne. L’Histoire pourrait s’arrêter là.

Montpellier speak émotions françaises

Le football n’en veut pas. Marion Torrent dont on ne sait jamais si elle ne pourrait pas se reconvertir au MMA tellement son jeu est fait d’engagements, de volontés et d’impacts. Voilà la capitaine montpelliéraine, arrière droite, un pied dans la surface, le ballon a l’extérieur, qui reçoit l’impact d’une Janice Cayman, cherchant le ballon trouvant la jambe droite du cœur de Montpellier.

Pénalty. Deux minutes se sont écoulées et le jeu dit à Montpellier d’y croire. Laura Petermann se souvient de la dernière fois où elle a eu peur. Elle s’introspecte pour se rappeler à quel point, deux heures plus tard, la peur lui avait semblé inutile. Sa raison envoie sur Mars cette pensée négative et d’un tir puissant, elle égalise pour Montpellier. (2-2, 44′).

Deux buts de marqués à l’OL. Les vestiaires lyonnais se préparent à l’engueulade ; ceux de Montpellier savent qu’ils vont mixer entre joie et concentration. L’impossible est vraiment devenu possible.

La seconde mi-temps sera l’application d’un combat lyonnais pour déstabiliser un onze montpelliérain qui lui dit, à chaque instant. « Cours toujours ma belle, on ne lâchera rien ».

Griedge M’Bock signe un avenant de joueuse offensive avec Aulas

Griedge M’Bock, née un matin de 1995, défenseuse centrale, envoie une pensée positive à son avocat conseil, déjà sur le départ pour signer un avenant d’attaquante offensive à Jean-Michel Aulas, après une reprise demi-volée qui aurait fait le tour des réseaux, si Lisa Schmitz, ne l’avait pas sorti d’une claquette affirmative. Une notoriété que les fans lyonnais aurait aimé lui donner quand une faute lui est reprochée par Emeline Rochebilière, pour charge sur la gardienne, refusant le but marqué.

Une joueuse qui placée, exceptionnellement en six, aurait pu marquer quatre buts dans cette rencontre. Deux à la marque, un refusé, un arrêté. Pas mal après une année sans jouer pour une opération du tendon d’Achille.

A mon avis, elle vient de trouver une nouvelle place en Bleue pour quelques années.

Au bilan, Montpellier aura joué une rencontre de football face à l’OL et c’est déjà assez rare pour le soulever. Montpellier aura fait un vrai match de compétition face à l’OL et c’est super rare pour le relever. Montpellier n’aurait pas pu gagner cette rencontre, c’est une évidence mais dans un monde où le collectif est une force, Montpellier aura montré à quel point, sur ce terrain, elles ont le droit d’avoir le plus grand des sourires.

D’une rencontre qui avait tout d’un rien après une défaite (5-0) à l’aller, elles en ont fait un tout qui n’a pas manqué de goût, d’intérêts et de vivants.

Lyon repart avec la banane. Gagner dans les dernières minutes. Quand tu es sportif, il n’y a rien de mieux comme médecine.

William Commegrain Lesfeminines.fr

Samedi :

  • Soyaux – Paris Fc (1-3)
  • Montpellier – Olympique Lyonnais (2-3)
  • Bordeaux – Stade de Reims (3-1)
  • GPSO Issy 92 – EA Guingamp (0-2)

Dimanche

  • Saint-Etienne – Paris Saint Germain
  • Dijon – Fleury 91