Les filles ont dû sortir du stade d’Ormano, frustrées. Le bruit des 18.112 spectateurs encore dans les oreilles.

Les cris de ces gamines qui résonnent et tonnent quand les Bleues sont à l’attaque, après ce 2e but de Clara Matéo (89′, 2-2) qui sonne la charge des espoirs et du rêve d’être là, où l’histoire bascule.

Puis ce cri d’effroi face au contre meurtrier de la 90’+5, où on aperçoit deux allemandes seules face à la tunique bleue de Clara Matéo, encore pleine d’envie et d’ambition, après son entrée à la 63′, remontée comme en quatorze, à l’image de ces grognards des lignes de la guerre de 14-18, attaquante, devenue on ne sait pourquoi, seule défenseure, et qui, d’un geste inattendu, subtilise la dernière passe pour éviter le duel d’un (2-3) allemand dévastateur !

Prête à repartir, à aller de l’avant quand la balle meurtrière des ambitions impossibles, tirée par l’arbitre danoise, plutôt adepte des contacts, siffle la fin du match, les deux mains solennellement tendues vers le centre du terrain.

Fin du match. Fin du game.

Le coach allemand, Christian Wück, souffle d’aise dans les bras de ses adjointes. L’Allemagne est en finale d’une rencontre « aller-retour » qu’elles ont gagné, non sans avoir craint le pire, la prolongation et tous les plats épicés que la France avait été obligé de digérer depuis leurs nombreuses confrontations, encore sur l’estomac, prête à les faire subir à cette Mannschaft 2025.

Avec une prolongation, les spécialistes du football que sont l’Equipe du Soir auraient dû, changer leur commentaire. Acceptant que le football féminin soit imparfait. Un football qui se joue avec des erreurs.

Les occasions des Bleues

Là, dans les travées des émotions de Caen, le film du souvenir des occasions françaises a dû occuper plus d’un siège de bus, plus d’une voiture sur l e chemin du retour.

Le besoin humain simple d’exprimer les raisons pour lesquelles le cœur a chaviré même s’il n’est pas arrivé à bon port.

Tout d’abord, Selma Bacha, placé en mode « pile électrique » qui aurait tant plu à Bernard Tapie et sa Wonder, obtient le premier coup franc. Elle touche la balle de la main, lance le jeu sur Sandy Baltimore, hypnotisée par la détermination de la lyonnaise, la sert dans la foulée, elle qui aime tant la toucher du pied droit et puis du gauche.

Les 1,61 de la française continue sur le côté, s’infiltre devant une forme blanche, 10 cms plus haute qu’elle et des kilos allemands en plus, pour servir, juste avant la ligne, d’un gauche fait de puissance et de certitude, Melvine Malard, tout juste titulaire après la blessure de Marie-Antoinette Katoto, qui place une tête à l’anglaise. Prise devant sa défenseur et cadrée en coin opposé. (1-0, 2′). Les deux équipes sont à égalité.

Le commentateur de W9, Xavier Domergue, fils d’un international français des années 80, ayant entendu le traumatisme de Séville en 82, pressent que l’histoire et l’émotion vont frapper à la porte de ce match.

Anyomi fait exploser le rêve français

L’émotion négative est la première de la partie. Celle qui s’appelle la raison.

Elle nous renvoie au match nul en contenu des françaises à l’aller, dont on ne sait quel Dieu a bien voulu laisser le score allemand sur la plus petite des marques (1-0).

Nicole Anyomi, d’origine togolaise et ghanéenne, guerrière de l’intégration allemande dans une Allemagne qui lave toujours plus blanc que blanc, reçoit un ballon dos au but, s’enroule sur le manque de compétence de Maëlle Lakrar, pour faire un demi-tour et placer un gauche puissant qui trouve la lucarne (1-1, 12′).

Un but encaissé qui nous renvoie à la réalité.

On commence à craindre Klara Bühl, accusée d’avoir fait exploser le côté droit français à l’aller mais Elisa De Almeida, bousculée au premier match, prend le dessus sur l’allemande, sécurisant le choix de Laurent Bonadei de la confirmer, à un poste où elle avait pris la tasse et l’eau.

Le quart d’heure américain des Bleues

Les deux équipes s’opposent mais la France s’impose plus qu’elle ne subit.

L’égalisation a eu un effet revigorant plus que dramatique. Les yeux français voient Sakina Karchaoui multiplier les appels et les passes, allant jusqu’à tacler la latérale Kette, juste pour le plaisir de lui faire mordre la poussière et de taper ces bas blancs au liseré noir qui la condamne à l’ombre (le PSG ayant pris un 4-0 en WCL face à Wolfsburg) alors qu’elle désire tant la lumière.

Sakina Karchaoui, à deux doigts de marquer sur la première mi-temps.

La parisienne file le long de la ligne de défense allemande, part à la limite avec ses petits appuis transformés en mobylette de l’espoir, en phase pour un duel, voyant Stina Johannes sortir devant elle, à la limite d’une Schumacher, pour bloquer son attaque sans contrarier son envie.

La balle s’égare, cherche une propriétaire et le pied de la française s’impose, malheureusement sans trouver le cadre (21′).

Selma Bacha nous crée des lignes droites quasi horizontales inattendues, partant de son côté gauche pour aller vers le droit, emportée par une balle qu’elle ne veut pas voir dans les pieds allemands, cherchant à chaque fois une partenaire quand son cerveau lui ordonne de continuer à chaque fois qu’elle voir un espace qui s’ouvre devant elle.

Certainement la joueuse de la première mi-temps qui pourra donner un cinq étoiles ou pas au jardinier caennais.

Du côté offensif allemand, on note sur le premier acte, juste une belle tentative allemande que Pauline Peyraud Magnin (28′) capte avec certitude sur le flanc.Un arrêt qui lancera d’ailleurs les quinze minutes de folie française.

Delphine Cascarino, jamais servie à droite, joue l’axe et sert Melvine Malard (32′), bien concentrée sur un rôle sans hors-jeu. La mancunienne envoie une mine cadrée que la gardienne allemande pare à la manière d’une handballeuse, les deux bras fermes, au-dessus de sa tête, pour reconstruire le mur de Berlin.

Un tir de la réunionnaise qui a dû faire exploser son compteur émotion et compétition.

Frustration qu’elle va faire exploser en se promenant au niveau de la surface de réparation pour tenter un tir excentré (34′) que sa fin de geste obligera à finir extérieur quand, des adducteurs plus puissants, lui auraient permis un intérieur gagnant.

L’autre attaquante, Delphine Cascarino, enfin lancée dans l’espace libre d’une défense haute allemande, envoie un cinquante mètres chrono qui fait exploser sa défenseure centrale pour finir par un « ouistiti » de bonheur pour le second but français et l’égalisation sur les deux matches (37′). Refusé par la Var pour hors jeu.

Klara Bühl semble se réveiller. Comme une Ourse sortie de l’hiver. On commence à s’inquiéter quand elle envoie son pied droit en direction des buts français, bien bloqué par Elisa De Almeida.

A la pause, tout est à refaire mais rien n’est à défaire.

On sourit en se disant que comparé au match aller, les commentateurs ont « du biscuit » pour espérer une qualification, surtout qu’à la 43′, Delphine Cascarino trouvait encore Stina Johannes, autrice d’une excellente partie et que Sakina Karchaoui, voyait son occasion sortir de peu.

De quoi prendre un thé bien chaud avec de l’espoir.

Pourquoi les allemandes sont allemandes ?

L’Allemagne « Liebe dich Frankreich » (J’aime la France ou la France, j’aime !)

Les joueuses outre-rhin le chantent depuis pas mal de générations. Notamment une qui se nomme Klara Bühl. Meilleure joueuse du match aller. Des cuisses qui ont toutes de la largeur d’une poitrine. Puissantes, fermes, dynamiques. Une Mercedes de puissance.

Klara Bühl nous fait un pas de danse. Je me lance. Je m’arrête. Je me lance. Je m’arrête. Je me lance. A la troisième tentative, L’espace s’est ouvert. Elle envoie le missile qui tutoie la barre transversale et l’Allemagne mène (1-2, 50′) à l’extérieur, soit un score cumulé de (1-3).

Klara Bühl aura mis deux buts dans cette double confrontation et 1/2 F de la LDN 2025

Le game est terminé. Rangez les manettes. Enfermez vos rêves. Cadenassez votre coeur. Et n’oubliez pas d’aller mettre un cierge à Notre Dame quand deux centimètres du pied de même joueuse condamne son action brésilienne pour servir Nicole Anyomi, buteuse d’un troisième but allemand, refusé sur hors-jeu (67′), ce qui aurait porté le tout à un (1-4) sur les deux matches.

Une bérézina.

Les Bleues entrent. Pour une fois, les remplaçantes activent le combat.

Clara Matéo, entrée à la 63′, est en verve. La finesse française trouve sa place, remontée comme une pendule sur le banc, bien décidée à mettre de côté cette image que les bas-fonds des réseaux lui colle. Pas au niveau de marquer face à des grosses équipes.

Ce soir, elle a décidé de promener son ambition sur le tapis rouge du Ballon d’Or qu’elle a connue. Comme Kadidiatou Diani, entrée au même moment (63′), qu’on a rarement vu à un tel niveau d’implication. Un combat de cuisses face à Klara Bühl ? La val-de-marnaise n’aimant pas qu’on la dénature quand on la compare.

Bien que Celina Cerci trouve la transversale sur un coup de moins bien, les françaises sont pieds au plancher depuis le refus cinématographique du (1-3, 67′) et le font savoir aux allemandes, qui commencent à l’entendre à force de se faire taper dessus.

Il y a eu de la folie à D’Ornano

Kadidiatou Diani, idéalement servie, se fait contrer par Stina Johannes, la gardienne en Or ce soir, et on se dit que si la lyonnaise accepte de faire les comptes, ce qui n’est pas simple pour une ancienne STMG, cela fait deux occasions en or, avec l’aller, qui lui passent sous le nez !

Pourtant, elle ne se départit pas de sa volonté et dans le temps suivant, la voilà qui sert Clara Matéo, isolée au deuxième poteau, pour une tête vainqueur que la joueuse, ingénieure de métier, maîtrisera, du début à fin. Comme la dernière pierre d’un pont impossible qui rend le passage du rêve possible. (2-2, 90′).

Il reste sept minutes à jouer. Et un seul but envoie les deux équipes en prolongation.

Sept minutes c’est beaucoup, surtout quand 18.112 spectateurs crient.

Christian Wück ne veut pas de ce troisième but français devant un peu plus de 5 millions de téléspectateurs allemands (5,17 sur ZDF) pour 1,25 millions de français (W9).

C’était un match entre deux très bonnes équipes, de force égale. Christian Wück (source DFB).

En attendant, il s’égosille sur son banc quand celui des français se lève à chaque action des Bleues. Prêtes à exploser de bonheur.

Ne cherchez pas pas dans ces sept minutes, il n’y a eu que le sport au menu. Celui qui décide du vainqueur. le combat de l’un contre la défense de l’autre.

Stina Johaness aura un dernier arrêt. Clara Matéo est remontée. Elle est dans la surface. A gauche, il y a du monde et des défenseurs. la française n’est pas la joueuse à envoyer une mine. Ses cuisses font la moitié de celle de Klara Bühl et de Kadidiatou Diani. Elle a une tête.

Et sa tête lui dit de fermer son geste. Un tir nerveux, comme une claque sèche qui part. La gardienne semble partie à droite. Mais cette soirée est aussi la sienne. Elle trouve la force d’un coup de reins, pour basculer sur la gauche. La balle est dans ses mains. A dix centimètres de la ligne. Pas plus, pas moins (90’+1).

À chaud, il y a beaucoup de frustration. On a eu beaucoup d’occasions, on prend des buts alors qu’on est dans des temps forts, on n’a pas su prendre l’avantage et ça a été dur de toujours courir après le score sur la double confrontation. Griedge M’Bock, capitaine de l’Equipe de France.

Le match se terminera sur cette dernière opportunité. La France n’ira pas en finale, ce qu’elle avait fait avec Hervé Renard pour la première édition. Elle prend RDV pour la 3e et 4e place face à la Suède, fin novembre et début décembre, et regardera l’Allemagne contester l’Espagne, vainqueur du titre l’édition précédente.

Clara Matéo sauve de la médiatisation

Avec le sauvetage qu’elle fait en toute fin de rencontre, on pourra dire que Clara Matéo a sauvé Laurent Bonadei et les Bleues d’une méchante médiatisation si le score était resté à (1-2) pour l’Allemagne, voire un (1-3) en toute fin de match.

Avec un (2-2) final, on peut même dire qu’elle évite aux Bleues une leçon qu’elles auraient certainement pris contre l’Espagne en finale, vainqueur de la Suède (5-0) sur les deux matches.

C’est une bonne base de travail. Quand on voit ce qu’on a été capable de faire, forcément, on a des regrets sur le premier match. L’équipe de France est à son niveau. Je pense qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire. On a montré qu’on était capable de rivaliser avec une grande nation européenne, mais on est aussi une grande nation. Il n’y a pas de doute là-dessus. Cela se joue encore une fois à des détails. » Clara Mateo sur l’Equipe.

La France est revenue de la 11e place à la 6e. Elle n’a pas les moyens de postuler à mieux. Les journalistes en sont maintenant convaincus.

Donc on lui pardonne. A tort, cela fait un bout de temps qu’on pardonne.

En écrivant, j’ai pensé aux gens qui étaient venus. Ils avaient pris du plaisir à l’évidence. Content de ce qu’ils avaient vécu.

En fait, si la France est belle en émotions. C’est plus facile de pardonner.

C’est un peu l’ADN des Bleues depuis 2013.

Ligue des Nations – Demi-finale retour
Mardi 28 octobre 2025 – 21h10 (Diffusé sur W9)
FRNACE – ALLEMAGNE : 2-2 (1-1) (score cumulé : 2-3)
Caen (Stade Michel-d’Ornano) – 18 112 spectateurs
Temps partiellement couvert (10°C) – Terrain excellent
Arbitres : Frida Klarlund (Danemark) assistée de Fie Bruun (Danemark) et Katrine Stensholm (Danemark). 4e arbitre : Caroline Lanssens (Belgique). Arbitres VAR : Sandi Putros (Danemark) assistée de Sian Massey-Ellis (Angleterre)

Buts
1-0 Melvine MALARD 3′ (Bacha accélère côté gauche joue en appui sur Baltimore qui lui remet dans la profondeur. Elle avance jusqu’au cordeau puis centre en retrait pour trouver Malard à 6 m au premier poteau qui décroise sa reprise de la tête)
1-1 Nicole ANYOMI 12′ (Brand avance dans l’axe et trouve Anyomi à 20 m dos au but en duel avec Lakrar. Elle se retourne et s’avance à 16 m à gauche dans la surface pour déclencher une frappe du cou du pied gauche qui se loge dans la lucarne droite de Peyraud-Magnin)
1-2 Klara BÜHL 50′ (Action depuis la droite de Senß qui joue dans l’axe sur Nüsken qui décale Bühl à gauche qui s’avance dans la surface en duel avec De Almeida et prend le dessus avant de placer jusqu’avant l’angle des 5,5 m une frappe tendue du gauche qui heurte le dessous de la barre au premier poteau avant d’entrer dans le but)
2-2 Clara MATEO 89′ (Longue transversale du milieu de terrain de X pour trouver Diani à l’angle de la surface côté droit qui contrôle puis élimine Gwinn en s’avançant dans la surface et délivre un centre pour trouver la tête de Mateo

Avertissements : Selma Bacha 27′, Oriane Jean-François 54′ pour la France ; Giulia Gwinn 90+4′ pour l’Allemagne

France
16-Pauline Peyraud-Magnin ; 5-Elisa De Almeida (3-Thiniba Samoura 83′), 2-Maëlle Lakrar, 19-Griedge Mbock Bathy (cap.), 13-Selma Bacha (22-Kessya Bussy 90+1′) ; 7-Sakina Karchaoui, 6-Oriane Jean-François, 8-Grace Geyoro ; 20-Delphine Cascarino (11-Kadidiatou Diani 63′), 9-Melvine Malard (10-Clara Matéo 63′), 17-Sandy Baltimore (14-Naomie Feller 83′). Entr.: Laurent Bonadei
Non utilisées : 1-Mylène Chavas (G), 21-Constance Picaud (G), 4-Alice Sombath, 12-Wassa Sangaré, 15-Kelly Gago, 18-Inès Benyahia, 23-Lou Bogaert

Allemagne
1-Stina Johannes ; 7-Giulia Gwinn (cap.), 5-Janina Minge, 23-Camilla Küver (3-Kathrin Hendrich 58′), 17-Franziska Kett (15-Selina Cerci 58′) ; 20-Elisa Senß (8-Sydney Lohmann 77′), 9-Sjöke Nüsken ; 13-Camilla Wamser, 22-Jule Brand (10-Laura Freigang 90+5′), 19-Klara Bühl ; 16-Nicole Anyomi (11-Lea Schüller 77′). Entr.: Christian Wück
Non utilisées : 12-Laura-Johanna Dick (G), 21-Rafaela Borggräfe (G), 2-Alara Sehitler, 4-Bibiane Schulze, 14-Cora Zicai, 18-Shekiera Martinez