La question de la maturité du football féminin se pose encore sur les lèvres des acteurs qui le regarde ponctuellement, entre deux événements majeurs, lesquels sont espacés au minimum d’une saison, voire pour les plus nobles, de quatre.

Le traitement médiatique de l’affaire qui oppose Amandine Henry, ex-capitaine de l’Equipe de France et vice-capitaine de l’OL à son club historique est l’illustration que le football féminin est définitivement passé de l’ombre à la lumière.

Amandine Henry, c’est celle qui en 2015 (Mondial au Canada), a explosé son compteur de notoriété avec un but lointain pleine lucarne quand le football féminin cherchait des gestes extraordinaires pour exister. C’est toujours celle qui qualifie les Bleues au Mondial 2019, pour les 1/4 de finale, avec un but en prolongation face au Brésil. C’est surtout celle qui, d’une frappe titanesque, marque un but canon face au FC Barcelona, pour le titre européen de l’OL sur un sévère (4-0) lyonnais.

Amandine Henry, c’est « quelqu’un », ou plutôt « quelqu’une » et c’est loin d’être « quelconque » en France.

Amandine Henry et son espoir des Bleues

Visiblement l’histoire est la suivante : Amandine Henry, 33 ans, 93 sélections, bloquée ou interdite depuis deux saisons (2020) en Équipe de France suite à une prise de parole médiatique sur la sélectionneuse Corinne Diacre, voit une fenêtre grande ouverte avec l’arrivée d’Hervé Renard, à la tête des Bleues, lequel n’a pas caché avoir discuté avec la joueuse lui laissant espérer une sélection pour la Coupe du Monde 2023 à venir, alors que le dernier match amical avant la liste s’était tenu en avril, face au Canada.

Elle, s’empressant logiquement d’ailleurs, de venir voir la rencontre bien qu’en convalescence.

Là-dessus, l’opportunité a attisé le regard de la milieue de terrain sauf que, blessée juste après la 15e journée quasiment à l’annonce du changement de sélectionneur, ledit milieu de terrain de l’OL, déjà fourni avec des joueuses stabilisées, toutes internationales, Damaris Egurolla, Lindsey Horan, Dzsenifer Marozsan, Danielle Van de Donk, a laissé peu de chance à la Nordiste, d’espérer démarrer les quelques matches restants.

D’autant qu’il en reste peu ! Puisque le championnat vient de jouer la 19e journée sur vingt-deux et que malheureusement pour l’OL, depuis les quarts de l’Europe joués, plus rien ne s’annonce à l’horizon, vu que l’OL a chuté devant Chelsea aux tirs au but (0-1/2-1).

Obligée de chercher une solution, déjà connue aux USA pour avoir joué et gagné un titre en NWSL (2017) avec Portland Thorns, aidée par son agent Sonia Souid qui connait bien le milieu féminin, elle a réussi à avoir une fenêtre qui s’ouvre dans le nouveau club d’Angel City (Los Angeles), pour un championnat qui vient de démarrer (3e journée).

Elle demande à être libérée.

L’Ol et son obligation de titres.

Sauf que l’OL regarde sa poche intérieure avec intérêt et ne peut pas se permettre de perdre les deux titres encore en cours. La finale de la Coupe de France contre le PSG pour le 13 mai et le titre 2023, pour les trois dernières journées à jouer, notamment avec un duel contre les parisiennes prévu le 20 mai, à un point de l’OL !

Une équipe tout à fait capable de les bouger comme de les inquiéter.

Donc le ton monte entre les deux intérêts.

Cinq ans auparavant, cela se serait cantonné au vestiaire lyonnais et aux messages whatsapp ou snapchat qui font l’univers des joueuses féminines. Peut-être même, deux ans auparavant !

Les médias savent ce qu’il faut dire, redire, contredire et écrire.

Là, l’univers du football féminin a fait des lignes avec la situation de Corinne Diacre, le mouvement des joueuses et l’arrivée d’Hervé Renard. Tout le monde a vu, lu, entendu, commenté la situation.

D’anecdotique, le football féminin est passé dans la lumière des médias car, tout simplement, le relevé des compteurs a montré que les lecteurs et auditeurs étaient au RDV de ces informations épicées.

Face au problème Henry, dans la foulée, la structure de l’OL a joué de son expérience médiatique pour contacter Le Progrès et faire une interview à charge contre la joueuse, disant qu’elle voulait se mettre en retrait, par un arrêt maladie, du football lyonnais, rajoutant « qu’elle ne voulait pas se blesser, au vu de ses objectifs ! » (dans l’esprit)

Le fait que les médias se soient bien gardés d’avoir une analyse critique de la situation, alors qu’un arrêt maladie est surtout un document médical demandé par un médecin ! … est très bon signe. Ils nous disent que le football féminin est passé dans l’univers du quotidien et non plus de l’information. Avec ses anecdotes croustillantes, suffocantes, explosives pour que le lendemain, le « calumet de la paix » devienne la signature de l’objectivité, et que dans la foulée, s’annoncent de nouvelles news épicées.

D’ailleurs, à la distance entre les deux foulées, se mesurera la notoriété du football féminin.

Amandine Henry a démenti .. avec un bouquet de compliments donnés à l’OL.

Le droit est passé totalement à la trappe, ce qui aurait donné des sueurs froides à tout DRH qui se respecte, risquant une procédure contentieuse pour harcèlement et diffamation. Au vu du salaire comme de sa fin de carrière (risque limité), après avoir entendu l’indemnité de 870.000 € de Corinne Diacre, … c’est une carte à réfléchir.

Au final, la joueuse a démenti. Avec un bouquet de compliments envers son club. L’explication peut en être très simple. Tout le monde s’est remis sur la table de la négociation et chacun espère le consensus qui délivrera les coeurs. Chacun ayant son ticket gagnant.

D’ailleurs, cet arrêt maladie n’est pas à son avantage ! Dans un sport où la reprise demande une perfection physique et mentale la coach, Sonia Bompastor, aurait une autoroute pour justifier du retrait ponctuel de la joueuse comme de ses entrées parcimonieuses. Difficile de lui en faire le reproche sur le peu de matches restant à jouer.

Sur le plan du droit, Amandine Henry a un contrat avec ses avantages et inconvénients. Elle peut rappeler les conséquences négatives d’une mauvaise publicité à son club avec l’affaire des salaires de l’islandaise Gunarsdottir, mais soyons réaliste, le problème d’Amandine Henry, n’est pas aujourd’hui, celui de l’Equipe de France. Il ne le sera qu’en cas de faillite avérée fin Août 2023.

Tout cela montre que chacun gère ses intérêts. On est bien dans du football professionnel.

Il est fini le temps des amitiés profondes. L’ami d’un jour peut être, à tout moment, l’ennemi de Demain.

Visiblement, le football féminin entre dans une ère stratégique, « ère » comme période, « aire » comme espace comme « air » à respirer.

William Commegrain Lesfeminines.fr