Tu viens de sortir d’une brasserie après une salade avocat, crevettes, une huile d’olive à mourir pour elle, et le futur voyage de ma fille, pour un petit tour de la planète, en tête. Une marche parisienne tranquille, coupant les tables de restaurant bondées que le quartier chinois de Paris aime à étaler, pour lui donner un air asiatique particulier.
Trois kilomètres à discuter et là, dans une échoppe tout juste illuminée, l’écran télévisé qui montre le vert d’une pelouse et surtout, ce score de (1-0) pour l’Autriche à la 86′ !
Les gens sont ailleurs, personne n’y porte le moindre regard. Je m’arrête estomaqué.
Ma fille, indifférente au football, a appris à distinguer le football normal qui l’ennuie de celui qui peut être exceptionnel si je m’y arrête.
« La Norvège » éliminée !?? »
Ce sont les premiers mots qui sortent, sans savoir si je les ai dit, tellement la surprise est énorme !
Une femme, quarantaine amusée, fume sa cigarette, un grand sourire aux lèvres. Elle croit voir, en cet instant, un passionné de football qui privilégie sa passion à l’instant présent. Elle a un sourire envers ma fille. La pauvre.
Je la regarde. « La Norvège éliminée ! ».
Le point d’interrogation s’est enlevé. Il reste quelques minutes à jouer mais il s’est transformé automatiquement en point d’exclamation.
Je fais un pas en arrière pour être certain d’avoir bien vu. Elle sent qu’il y a autre chose. L’instant sonne vrai.
Je ne veux même pas la convaincre que le football n’est pas spécialement une passion. Avant c’était bien, c’était rare. Aujourd’hui, c’est du football. Juste une rencontre, surtout quand il est joué par les hommes.
Je le comprends plutôt bien, c’est tout et c’est déjà beaucoup.
J’aime le regarder autrement, différemment. Le sortir de l’ennui qui s’annonce, excusé par les futurs euros et dollars sillonnant son futur chemin, sous le sourire épanoui de la communauté LBGT++. Avoir fait comme les hommes.
Je suis tout à ma surprise, et comme j’ai du respect pour les autres, je lui fait comprendre : « La Norvège, en football féminin, ce n’est pas rien ! » Le ton est ferme. La signification est claire : « ne m’emmerdez pas ! Fume ta cigarette et lâche moi ! ».
Je suis en train d’imaginer la douleur de ces joueuses. Il y avait du talent dans cette équipe. De quoi faire rêver. Et au final, il n’y a rien.
Et puis nous continuons nos pas. Ma fille doit se demander si je vais entamer une explication qu’elle redoute. Vu que mes explications sont souvent longues ! Et que son football s’arrête à Zidane et s’actualise avec M’Bappé, en tentant de jouer ponctuellement à la chance télévisuelle de gagner un chèque de ….€ en répondant 1 ou 2 par SMS. On ne crache pas sur les euros quand on construit son budget voyage.
Non, l’idée m’est passée. On continue « notre boutique à souvenirs », tranquillement, prenant les moments les uns après les autres, pour que cet instant, en soit un autre. Il nous reste deux bons kilomètres à faire.
Comme d’habitude, on a des choses à se dire, des « télévisions » de mémoire à rallumer en « replay ». Des choses à entendre sur ce voyage qui la fait rêver.
Voilà la meilleure manière d’illustrer cette élimination de la Norvège.
La défaite norvégienne n’a été qu’un instant, mais quel instant !
Pour les norvégiennes, certainement une brûlure d’orgueil qui restera longtemps.
Pour les autrichiennes, moins connues, la réputation prouvée de faire des choses que les autres ne font pas dans les rares compétitions où elles sont qualifiées : à l’Euro 2017, première devant la France ; en 2022, seconde en éliminant la Norvège. Ces filles seront redoutables si elles se qualifient pour le Mondial 2023 en tant que meilleure seconde.
Du côté norvégien, il faudra qu’elles intègrent qu’elles n’ont été qu’un moment de la vie des autres ; même si en Norvège, cela mettra un temps certain.
Puis à titre personnel, qu’elles calment cette douleur liée au besoin premier qui fait maintenant l’objectif humain d’une joueuse : après être bien payée -ce qui est largement le cas des norvégiennes si on arrête de vouloir qu’elle soit au salaire des hommes ce que leur niveau et intérêt ne justifient absolument pas- ..
.. Être inspirantes auprès des jeunes joueuses du futur.
Pour ce dernier point, c’est totalement raté. Le fiasco total. Après un (0-8) pris face à l’Angleterre, aucun but de marqué contre l’Autriche, classée 21e FIFA, heureusement qu’il y avait l’Irlande du Nord pour compenser (4-1, 47e fifa).
A l’évidence, le coach suédois va sauter. Justement, pour n’avoir pas réussi à gérer l’Angleterre comme pour la rencontre d’hier soir, perdue dans le plus grand déshonneur footballistique.
Rien que d’écrire, j’ai un goût amer dans la bouche. Cela mettra un bout de temps à être gommé.
Du côté étranger : calmement on est déçu, on espérait mieux. Du côté norvégien : on est totalement humilié. Du côté autrichien : on est superbement enjoué !
Du côté des médias, la Norvège est coulée.
William Commegrain Lesfeminines.fr
Groupe A : qualifiées en quart : Angleterre / Autriche.
Les autrichiennes fêtent leur victoire en zone mixte devant les norvégiennes.