Avec une défaite, la fédération, le public, les médias anglais auraient fermé leur package de bonnes intentions pour continuer à se mettre au travail. Ayant en tête, la leur et celles de leurs adversaires, qu’il y a un monde à franchir entre les intentions et la réalité.

Avec la victoire, le chemin n’a rien à voir. Bien plus près des étoiles.

It’s coming home !

Avec le titre européen, le slogan chanté, porté, affiché par les joueuses du groupe de Sarina Wiegman, « It’s coming home » en référence au seul trophée de la fédération anglaise gagné après deux tentatives (finales 1984 et 2009) et la réaction, à brûle pourpoint de la capitaine anglaise, Leah Williamson, ordonnant sans concession, au public de venir voir les matches du championnat anglais, on a les ingrédients de la motivation interne poussée au plus haut niveau.

Quand déjà, ceux de la motivation externe sont plus que mis en place, avec un sponsor qui investit sur l’ensemble du football féminin, bases amateurs comprises. Une fédération qui à l’idée de choisir, précisément, une coach non-disponible en 2020, en acceptant l’intégralité de ses conditions et confirmant le tout par une lettre d’intention unique dans cette pratique, lui laissant gérer la performances des Pays-Bas aux Jo 2021 (quart de finale), respectée au final.

L’évolution structurelle du championnat anglais :

  • 2017-2018. Changement du calendrier anglais féminin dit d’été, avant calé sur celui nordique, maintenant de septembre à juin dit d’hiver.
  • 2018-2019 Création d’un championnat d’élite professionnel (attention contrat minimum de 16 heures par semaine au début), prévu initialement sur un système de franchise, organisé ensuite avec montées et descentes.
  • Budget minimum initial des clubs assez bas pour y postuler (500.000 £)
  • Places prises par les clubs masculins professionnels comme en Allemagne, Espagne, Italie et France.
  • 2019. Sponsor Barclay’s qui s’engage sur un montant important (10 millions de livres annuel) mais pour l’ensemble du football féminin (amateur et professionnel)
  • 2020 Diffusion d’une grande partie des matches de TV sur la chaîne gratuite de la fédération.
  • 2020. Démission Phil Neville. Choix d’un coach emblématique, vainqueur Euro 2017 et finaliste Coupe du Monde 2019, avec Sarina Wiegman (Pays-Bas), spécialisé football féminin. Entrée en fonction septembre 2021.

L’autoroute a été tracée, à la manière, dans le passé des grandes voies de la colonisation anglaise vers l’Inde. La fameuse Route de la Soie ! Aujourd’hui « The road to Women’s Soccer ! »

Mettre les grandes lignes en place est une chose, les occuper en est une seconde.

Apprendre à gagner et à être leader

En 2021, l’Angleterre, sous la tutelle de Sarina Wiegman fait des performances, certes inutiles compte tenu que les qualifications à la Coupe du Monde 2023 sont faciles pour les leaders européens, mais elles ont l’avantage de créer un lien avec les joueuses qui gagnent, les médias qui aiment voir les joueuses gagner et le public qui aime avant tout voir son équipe gagner.

Un exemple ? Au lendemain de la performance belge inattendue d’établir le record de buts marqués face à une équipe adverse (19-0 face à l’Arménie le 25 novembre), elle réalise un match contre la Lettonie, le 30 novembre en leur passant 20 buts (20-0). Nouveau record !

Deux dates si proches qu’on peut penser qu’il y avait de l’idée en l’air de la part de la coach d’habituer cette équipe à prendre l’habitude d’un leadership. Un petit peu nécessaire car lorsque la néerlandaise arrive, l’Angleterre vient de perdre contre la France (1-3) en avril 2021 et le Canada (0-1). A un an de son Euro, c’est un petit peu compliqué.

Avec Sarina Wiegman, cela déroule. Sans rencontrer de grosses nations mais pour le plaisir de dérouler. Les qualifications pour la Coupe du monde en sont les moyens les plus faciles. En quatre matches, et deux mois, octobre et novembre 2021, l’Angleterre aura marqué trente deux buts pour aucun d’encaissé (Macédoine du Nord, Luxembourg, Lettonie, Irlande du Nord).

Les leaders mondiaux restent une difficulté, Espagne (0-0) et Canada (1-1) mais au fil de la saison 2022, les Top 10 et 20 sont devenues une proie : victoire sur les Pays-Bas (5-1), sur la Suisse (4-0) quand l’Autriche n’avait faibli, en 2021, que sur le score de (1-0).

A l’aube de son Euro, l’Angleterre croit en elle quand elle démarre cette compétition à la maison et l’environnement anglais croit en elles.

Le plafond de verre des anglaises

Depuis les dix dernières années, si la performances des clubs anglais n’est pas encore au niveau de celles des clubs allemands, français et espagnols ; l’équipe nationale « Les lionesses » bute, elle, sur des demi-finales qui ne donnaient rien !

3e du Mondial 2015, demi-finaliste à l’Euro 2017, 4e du mondial 2019. Quart de finale aux JO 2021.

Avec cet Euro, le plafond de verre a explosé.

Avec le gain de l’Euro 2022, l’Angleterre, équipe nationale, occupe cette nouvelle autoroute de la soie.

La question est : y restera-t-elle à ce niveau ?

Le championnat anglais est comme celui des autres championnats européens. Il n’est pas homogène. Les américaines qui y sont allées ont très rarement brillé. Plutôt de l’ordre des piges. Les suédoises, adeptes, retournent en Suède. Ce qui donne, remarquez, une chance supplémentaire aux joueuses anglaises d’évoluer.

Les conditions y sont meilleures (environnement, salaires) mais la performance n’est pas meilleure.

Peu de françaises y ont réussi en gagnant leur place dans l’équipe nationale. Plusieurs s’y sont essayées, en sont revenues. Léa Le Garrec a buté assez près à mon avis, Kenza Dali est dans le groupe des vingt trois mais pas comme titulaire, Hawa Cissoko, de la même manière. Je ne vois pas de joueuses étrangères ayant explosé dans ce championnat, à l’exception de Vivianne Miedema (Pays-Bas) à Arsenal depuis 2017 et qui déjà était une arme. J’ai oublié Pauline Peyraud Magnin qui a gagné ses galons en Angleterre (Arsenal).

Il y a eu plus de réussites de joueuses françaises en Espagne, à comparer : Kheira Hamraoui (Barcelone 2018-2022), Aissatou Tounkara (Atletico Madrid depuis 2018), Sandie Toletti (Levante depuis 2020, Real Madrid en 2023), Aurélie Kaci (2017-2022) partie au Mexique pour 2023.

Les clubs anglais qualifiés en Women’s Champions League : Chelsea, Arsenal et Manchester City, sans titre pour l’instant, ont réalisé une faible présence au haut niveau avec pourtant l’apport de nombreuses étrangères dans les équipes leaders (américaines, joueuses des pays du nord, allemandes et françaises).

Les Blues au féminin ont atteint la finale 2021, demi en 2019, quart en 2018, Manchester City (1/2 en 2018), Arsenal (1/4 en 2020) quand l’Allemagne aligne au minimum sept titres et sept finales, la France huit titres avec l’Ol et deux finales chacun pour le PSG et l’OL ; et très récemment, un titre pour l’Espagne (2021) et une finale en 2022.

Bordeaux avait fait une très bonne campagne 2022, stoppé par Wolfsburg et ses affaires internes. Si on veut comparer en 2023, pour sortir des leaders OL et PSG, le parcours européen du Paris Fc (3e de la D1FArkema), composé essentiellement de joueuses françaises avec peu d’internationales A (deux) sera un bon indicateur de la valeur de notre championnat.

LA VAR, outil d’arbitrage sur et en-dehors du terrain ?

Circule sur le net une photo qui pose un problème sur cette finale. Sur un cafouillage en première mi-temps, les allemandes sont à deux doigts d’ouvrir le score. Tout cela est passé inaperçu, sauf qu’une photo montre que la VAR, des fois utilisés pour rien, aurait pu faire mieux son travail !

Cela demande interrogation car autant une erreur d’arbitre est normale, pris dans le feu de l’action. Autant un silence de la VAR est suspect puisque leur métier est de checker les omissions arbitrales sur le terrain.

C’est clair qu’avec un but en plus dans le temps réglementaire, l’Allemagne remporte cet euro. C’est aussi clair que le neuvième titre allemand n’a pas le même impact que le premier titre anglais, à la maison, dans un pays qui se veut leader des investissements dans le football féminin.

Si vous rajoutez cela à la faute demandée par Irène Paredes, la capitaine espagnole, à deux doigts d’éliminer l’Angleterre en quart et qui est empêché de sauter par Alessia Russo, permettant à l’Angleterre d’égaliser à la 86′ (1-1) quand l’Espagne lui avait ouvert la porte de l’élimination à la 56′. Vous vous interrogez.

Un but validé directement par Stéphanie Frappart, sans demander la VAR mais surtout sans intervention directe de celle-ci, comme elle l’a fait très souvent dans d’autres occasions, pas loin de lui intimer l’ordre de valider à la photo, vous êtes en droit de vous poser des questions stratégiques, remettant à 2023 et le Mondial en Australie et Nouvelle-Zélande, pour déterminer la force potentielle des anglaises.

L’année 2023 en dira plus et mieux

Personne en Angleterre ne peut douter que les Lionesses ont le droit de postuler au titre mondial en 2023 et les adversaires, connaissant la confiance anglaise, ne peuvent douter qu’elles seront un adversaire redoutable.

La confiance étant plus que là.

Sauf qu’il va ya voir un gros obstacle à passer pour les équipes européennes. C’est le système de qualification aux JO de Paris. Il n’y aura que deux équipes européennes à s’y qualifier lors de ce mondial et la compétition comporte onze équipes européennes partantes, au minimum.

En sachant que l’Europe, c’est au minimum six équipes dans le Top dix mondial et dix équipes dans le Top 20 ; toutes auront le mors au dent pour ne pas être éliminées et mettre l’autre dehors. L’Autriche, 21e mondial a montré des qualités. La Belgique, 19e mondial a lutté.

Là, en 2023, on saura vraiment si l’Angleterre veut et, surtout, va coloniser le football féminin

William Commegrain Lesfeminines.fr