Un duo amoureux de la même chose
Dans le duo qui anime notre championnat entre l’Olympique Lyonnais et le Paris Saint Germain depuis bientôt dix saisons, il y a un peu de ces scénarios interpellants, humains, nombreux, qui nous proposent, au fil des générations, deux bandes opposées dans un même village, un même quartier, luttant pour une domination.
Rappelez vous de West Side Story (1962) résumé ainsi : « Depuis longtemps, les Sharks, jeunes latinos, emmenés par Bernardo, s’oppose aux Jets, blancs des beaux quartiers, dont le leader est Tony. Un jour, Tony tombe follement amoureux de Maria, la sœur de Bernardo« .
L’amour, là, à tout d’un titre de championnat, d’une Coupe de France, d’une Coupe d’Europe.
Les deux les désirent, les regardent, se l’approprie, la perde, la récupère. Les veulent. A tout prix.
Si on regarde tout cela avec un autre œil, il y a comme de l’Amour dans cette relation de bientôt dix ans. Remplie de tout ce qui va avec. Les changements de clubs vécus comme des « trahisons », les réussites, des déceptions, les bonheurs et toujours la force de la bande, opposée à l’autre.
Avec une priorité donnée à l’Olympique Lyonnais (quatorze titres, neuf Coupes de France, sept Coupes d’Europe) quand le Paris Saint Germain ne compte qu’un titre de championnat, deux Coupes de France, neuf places de second en championnat mais des victoires face à l’OL en Coupe dans des « face à face » qui ont un goût plus fort que les derbys.
Dans ces deux bandes, il y a une rivalité qui en fait une Histoire.
C’est pourquoi il serait une erreur d’essayer de condamner, à tout prix, ce championnat d’inintéressant. Car à l’évidence, il est fait de leaders inaccessibles.
D’autant qu’à espérer et surtout attendre qu’il y ait d’autres équipes de même niveau, Les féminines y perdraient le goût de l’inattendu, de la surprise et devraient apprendre à aimer, apprécier, d’autres bandes donc d’autres clubs, tout en sachant que le niveau imposé par les deux clubs professionnels est difficilement atteignable par d’autres.
Certains s’y sont essayés, ils s’y sont cassés le nez. On l’a vu avec l’ex-Juvisy dans les années 2010-2013 devenu le Paris FC, on l’a vu avec Montpellier, toujours finaliste de la Coupe de France jusqu’en 2016, qui a arrêté de courir depuis plusieurs saisons (4e, 7e et 5e).
On l’a vu récemment avec Bordeaux (3e), nouveau leader en 2021, qui a explosé en vol (6e) ne pouvant tenir le train d’enfer imposé par leurs matches européens et un club en pleine mouvance, dans cette période financière où la Covid a montré les limites des clubs professionnels français masculins.
Dans le (8-0) de l’Olympique Lyonnais à Soyaux, club exclusivement féminin, il peut y avoir de la critique envers une telle différence. Légitime. Dans le (5-0) du Paris Saint Germain face à Dijon Côte d’Or, club de L2 masculine, il y a un monde avec des joueuses internationales payées dans une zone, parisienne comme lyonnaise, de 10.000 à 30.000 € mensuels quand leurs adversaires notent qu’en multipliant une rémunération à 2.000 € par douze mois, elles ne trouvent que 24.000 annuel.
Une différence de salaire qui n’est qu’une différence réelle de talents.
Oui, il existe bien deux mondes.
Le sport émotion est souvent fait de duos et de duels.
Mais à bien regarder, les autres championnats sont aussi faits de duos ou trios qui se battent pour une place. Tous limités par des moyens financiers à moins d’avoir les moyens anglais liés aux droits TV masculins, ou l’appétence à la dette des clubs espagnols.
Peut-être est-ce la solution inflationniste à suivre ? Peut-être, pour autant la décision ne se fera qu’avec l’agrément et l’argent des clubs. En attendant ou en espérant, dans la bagarre entre ces deux clubs français, il y a une véritable histoire qui vaut bien un intérêt et un résultat.
Je suis né bien plus tard que certains et certaines et à chaque fois qu’une émotion sportive m’est restée, c’est lorsqu’il y avait un duo, un duel entre le possible et l’impossible.
J’ai revu l’image d’un match entre l’Italie et la France en 1978. L’Italie, bien plus forte que la France, plus de quarante ans après, je me suis souvenu « du jour et de l’heure » de la remontada des Bleus de l’époque face à ces seigneurs italiens (2-2). Et pourtant j’étais jeune. La France sortait juste d’une période où elle craignait ses qualifications face à l’Irlande du Nord, quand l’Italie avait déjà deux étoiles au maillot et leurs clubs, sans étranger, dominaient l’Europe.
Cela m’a fait rappeler ensuite le but de Bernard Lacombe sur un débordement de Didier Six, lors de la Coupe du Monde en Argentine (1978), réalisé quelques mois plus tard. Le match se jouait à deux heures du matin. On était peu à le regarder. L’habitude du moment faisait que les programmes TV s’arrêtaient à minuit. Ecran blanc. La France avait l’habitude de se coucher à 22h30 après le film de la soirée. L’Italie, seigneur, avait failli tomber face à la France, nouvelle jeune. Un deuxième duel et duo entre les deux équipes. Pour le but le plus rapide de l’Histoire (30′) pendant quelques mondiaux. Il était français.
Pour finir, je crois en 1982, sur un match amical, Michel Platini, d’origine italienne, face à la même Italie, au Parc des Princes, avait obtenu un 10/10 de l’Equipe, rarissime, pour un match extraordinaire face à ces seigneurs, alors qu’il portait le maillot de la Juventus à qui il avait donné quelques étoiles de plus. A cette époque, pour marquer la qualité d’un joueur, les feuilles de match de l’Equipe écrivaient tout le nom du joueur en LETTRE CAPITALE.
Dans d’autres sports, rapidement, j’ai dans ma mémoire la plus lointaine, les combats entre Carlos Monzon (champion du monde des poids moyens) et Jean Claude Bouttier (français, champion d’Europe) en 1972 et 1973. Gamin, j’avais compris la force du duel. L’émotion m’est restée.
Le Monde du sport est rempli de ces histoires à deux.
En football féminin, j’ai deux mémoires émotives qui surgissent : le match du 13 février 2013 face à l’Allemagne à Strasbourg. On est mené à la 12′, Louisa Necib plante deux buts. Marie-Laure Delie écrase le 3e et sort de la boite à jeu allemand, l’extraordinaire Nadine Kessler. Elle en marque un pour réduite le score (3-2) et donne le 3e à Huth (3-3). Un duel avec l’Allemagne. Un remake, chez les filles, de Seville en 1982.
Le second c’est la première victoire du PSG à l’OL en 2014. (0-1) à Gerland. Inattendu, extraordinaire. Je m’en souviens, un 18 janvier, c’était « pile-poil » le jour des 20 ans de mon fils. Je ne l’ai pas vu. Mais un duel.
Oui, le monde du sport est rempli de ces duels. Il serait une erreur de s’en priver et d’oublier de les apprécier.
William Commegrain Lesfeminines.fr