Wolfsburg, au chaud en Allemagne
La table est bien dressée en ce samedi soir familial. Tommy Stroot, tout juste trentenaire, revenu à la maison, aspire à ce moment de quiétude que procure les maisons allemandes, bien ordonnées, alignées. Il se demande si son dernier modèle Volkswagen, déposée par la marque au coach de l’équipe féminine de Wolfsburg est bien mis sous alarme. Un soupçon d’inquiétude vite oubliée.
« Oublier une sécurité en Allemagne ? ». Il en sourit le jeune néerlandais, tout juste arrivé de Twente. La sécurité en Allemagne, elle est quasiment marquée sur le fronton des mairies, si puisement inscrit dans la pensée des hommes et femmes de Goethe.
Là, étendu sur son canapé, seule concession à l’ordre, laissant sa jeunesse s’exprimer sereinement, dans l’intimité de sa maison bourgeoise, il respire ce (0-2) obtenu face au Werder de Breme. Satisfait.
Eduqué au pragmatisme comme le sont les flamands belges, luxembourgeois et allemands, il ne laisse à aucun moment l’émotion négative de ce (0-0) continu dont ses joueuses n’arrivaient pas à se défaire pendant les trois quart de la rencontre. Un premier but à la 78′ d’Hendrich, venue de derrière, ce qui est souvent la mesure d’une difficulté. Le second libérateur, uniquement à la 90′, par sa petite perle polonaise, Ewa Pajor. Tout cela était bien tardif, à quelques jours du retour face à Bordeaux, après un résultat mitigé, (3-2) à domicile.
« A chaque problème, regarder l’axe positif et travailler à l’étendre constamment pour l’améliorer définitivement ». Voilà les maximes qu’il a entendu depuis la nuit des temps. Une culture venue des pays qui, ne possédant rien ou si peu, savent que seul l’effort permet de survivre.
Alors, Tommy Stroot, allongé sur son canapé, dans sa belle maison allemande, s’approprie avec bonheur le fait de n’avoir pas encaissé de buts dans cette rencontre. Se disant, heureux, même souriant, qu’avec un « clean-sheet », le Vfl Wolfsburg, sortira vainqueur de ce 2e tour européen délicat face à Bordeaux, pour reprendre sa place dans le Top quatre européen ! Un bel objectif qui plairait bien à sa maman, lui qui avec Twente, avait pris un sévère (7-0) en 1/8e de finale de la compétition européenne (2020) par … Wolfsburg.
La journée est au final positive. Ses « Louves » sont seconde en Bundesliga, derrière le Bayern de Munich, moins prolifique face au SC Sand (0-3) que sur le (0-8) de la première journée. Un rythme offensif accessible, elles en ont mis trois à Bordeaux. D’autant plus que la victoire du Vfl Wolfsburg (3-0) contre le Turbine Potsdam de la première journée prend un plus bel éclat, compte tenu de la performance réalisée (5-0) par Potsdam, ex-champion de l’histoire européenne des clubs, face au Carl Zeiss Iena.
Il fallait pouvoir les gagner (3-0). Le seul souci qui pourrait barrer son visage juvénile de premier de la classe se résume à ses deux buts encaissés contre Bordeaux. (3-2) alors qu’il menait (3-1). Un (3-1) qu’il aurait bien vu se transformer en (4-1). « Ach ! » Il se laisse aller à cette pensée bienveillante. Une douce chaleur l’envahit. La sensation l’habite, elle en devient quasiment réalité. Il se laisse aller à rêver. Un truc quasiment interdit dans ces pays du Nord de l’Europe.
Il est tranquille chez lui, alors il en profite.
C’est le moment où il se décide à regarder les résultats de la D1F Arkema française.
Le truc qu’il ne fallait pas faire !
Bordeaux atomise Soyaux (6-0)
Bordeaux atomise Soyaux, dans un derby de région, sur un (6-0) perlé tout au long de la rencontre !
L’homme s’est redressé. Il est maintenant assis. Une barre frontale montre l’intensité de sa réflexion. Le pragmatisme s’impose.
D’un œil professionnel, il analyse la performance pour en déduire les difficultés. Une série de buts (2′, 29′, 36′, 43′, 79′, 81′) imposant l’idée d’une domination continue. Un but à la 2′ montrant des qualités de dynamisme et de motivation d’une équipe mordant, à pleine dents, toutes les minutes de jeu.
Il cherche les buteuses. Aucune identique (Folkertsma, Berkely, Lardez, Gomez, Cardia, Snoeijs), la force est donc collective. « Dammed ! », il ne trouve pas Vanessa Gilles, celle qui marchait sur l’eau avec sa médaille d’Or à Tokyo. Très forte face à eux lors du match aller.
Voilà que l’équipe du petit français, Patrice Lair, coach bordelais, brille. Le Napoléon européen qui confond le terrain de football avec une scène de concert de hard rock. Vociférant, encourageant, augmentant les décibels ! Lui, Tommy, si loin de cette musique des hommes, sensible à l’harmonie réfléchie, organisée, d’un livret de Berlioz !
Ses doigts fracassent l’écran de son Ipad. Google est sollicité comme un moteur de Formule 1. Il veut du détail, le cherche, le trouve.
Snoeijs qui touche la balle, qui la donne, qui la cajole, qui la remet. Katja Snoeijs, partout, en haut, en bas, devant, derrière. . Une joueuse au profil oublié de numéro dix. Fine, en mouvement. 1m73, la taille un peu plus grande que la moyenne, pas assez pour être unique. Snoeijs, hollandaise. Compatriote, seul réconfort. Les hollandais du football féminin ont toujours le cœur Oranje. Un tel bonheur d’être au plus haut niveau européen avec ses trois compétitions internationales qui les ont fait exploser au Nirvana du classement FIFA (2e mondial, parti 12e). L’Euro, la Coupe du Monde, les JO.
(6-0) de Bordeaux quand il lui faut encaisser aucun but à Libourne, mercredi à venir.
Cela complique l’exercice.
Un résultat inquiétant pour Wolfsburg !
Un émotionnel chercherait la réponse positive dans la faiblesse de l’adversaire. Soyaux, en Allemagne, c’est l’inconnue totale. Il a raison. Soyaux, avec ses neuf années continues en D1F et son passé d’élite n’est pas faible. Les faibles tombent rapidement en D2F. Soyaux est juste limité par les moyens mais ce n’est pas une équipe faible.
On vous le dit, l’homme est pragmatique.
A table, sa pensée est ailleurs. Il se demande si le passé du français, Patrice Lair, a une telle importance dans la performance adverse. Il est jeune. Comme tous les jeunes, le passé des autres est un ennemi que ne deviendra un ami qu’avec le temps qui passe.
Patrice Lair, 60 ans, double champion d’Europe avec la meilleure équipe européenne en 2011 et 2012, l’Olympique Lyonnais, rien de surprenant à cela. Dans un football qui balbutiait et démarrait. Le fait de le réussir quand son prédécesseur n’y arrivait pas (Farid Benstiti, 2010) est plutôt une performance. De le renouveler, avec une équipe nouvelle du PSG (2017), ne butant qu’en finale face à l’OL, est quasiment une garantie. Que les clubs français prennent le leadership européen aux allemands pendant dix ans ne peut pas se négliger.
Le message s’inscrit clairement dans son esprit.
« Das wird schwierig ! »
Voilà exactement ce qu’il va inscrire sur le tableau blanc des vestiaires féminins du Vfl Wolfsburg. « Ce sera difficile ! » Traduit, en allemand, polonais, néerlandais, danois, suédois. La maxime sera confirmée par Pauline Bremer, ex-olympique Lyonnais et Katarzyna Kiedrzynek, ex-PSG se dit-il.
L’homme est satisfait. Son bras s’étend pour prendre la bouteille de vin rouge posée sur la table. Heureux, d’avoir trouvé une solution. Homme de principes, il cherche l’étiquette salvatrice qui va lui donner la confirmation de ce nectar qu’il a porté précédemment à ses lèvres. Un léger rictus se dessine sur son visage. Le silence s’installe à table. Nous sommes en Allemagne, tout se comprend en silence. Sa femme avait espéré que, sur un malentendu, cela passe. Méticuleusement, elle avait négligemment tourné l’étiquette à l’opposé de son mari.
Son geste avait été plus prompt. Amical, voulant servir la table.
Le vin était bordelais.
En bordelais, dans le Libourne, Patrice Lair s’agite. Il sent que cette équipe est capable de tout, de plonger, de revenir, de sauter, d’exploser.
Elle fait un (1-1) face au club montant de D2F, Saint-Etienne. Elle en met six au club le plus ancien de la D1F. Elle marque un but européen, se fait égaliser à la 92′, en met un deuxième à la 93′, laissant ses adversaires suédoises pleurer de désespoir ! Elle en prend un à Wolfsburg. Dans la minute suivante, elle égalise. Elle est menée (3-1) ; cinq minutes plus tard, elle revient à (3-2). Elle n’a aucun passé européen, elle empêche le champion d’Europe 2013 et 2014, finaliste 2016, 2018 et 2020, à ne pas marquer pendant les vingt dernières minutes de la rencontre, les laissant sur le doute d’un risque conséquent au retour.
Il a une cocotte-minute d’émotions dans cette team.
Le nouveau coach bordelais, n’ira pas chercher de message sur google traduction.
Il a déjà prévu sa maxime.
« C’est possible ! ».
Et, n’étant pas contre un petit peu d’humour. Il signe « Napoléon ! »
William Commegrain Lesfeminines.fr
- 2e journée :
- Bordeaux (6-0) Soyaux Charente
- Stade de Reims (0-0) EAG Guingamp
- GPSO Issy 92 (0-2) Dijon
- Olympique Lyonnais – AS Saint-Etienne (dimanche soir).