Meeting de Paris. Charlety. 29/08/2021. Les occasions sont rares de voir Charlety plein quasiment comme un œuf. Le stade, à la capacité de 20.000 places assises, a failli compter un nouveau record avec les 14.448 spectateurs comptés par la Fédération d’Athlétisme, au siège social jouxtant le stade, avec le CNOSF.

Seul, le Paris Fc jouant pour une montée en Ligue 1 face au RC Lens avait fait mieux (15.000). La précédente marque provenant du football féminin avec le France-Japon (2-0) de Bruno Bini, préparatoire aux Jo de Londres 2012.

Les habitués de Charlety avaient plutôt l’habitude de parler à demi-voix, le silence du stade donnant à chaque propos de journaliste, un écho. Il se disait même que les joueurs sur le terrain entendaient les réflexions critiques de la presse. Un stade difficile quand le vent et le froid s’y mettent, s’engouffrant par le boulevard extérieur, tournicotant, pour ressortir heureux de son office. Laissant les marques de la fraîcheur sur les stylos gelés.

Qu’est-ce qu’il est beau ce stade quand il fait beau !

Un éclat de lumière, réellement. Il semble ouvert au monde, ouvert aux autres. Le tram déverse à ses pieds des spectateurs heureux de tant d’attention. La vie est belle dans cette longue file d’attente pour passe sanitaire. Les gens venus sont loin des critiques sur la pratique. La foule est pacifique, faite de familles. Famille-famiglia comme familles sportives. Les habitués ont un sac à dos. Vite compris, quand un meeting dure plusieurs heures. Cela papote tranquillement. Les vendeurs à la sauvette ne trouvent pas preneurs. La plupart ont leurs billets, les autres préfèrent l’acheter. Ils ne sont pas demandeur d’une réduction promise.

C’est une foule tranquille et apaisée. Trois militaires, mitraillettes en bandoulière, se demandent ce qu’ils font là. Le service d’ordre est fait de bénévoles. Cheveux blancs et organisation rivée au corps. On vous demande votre nom avant de lire le passe. Madame demande fermement et libère avec le sourire, dans l’attente d’un nouveau passage.

La place est essentielle.

Les concours sont au quatre coins du stade. On verra vite le côté de la perche occupé, rempli au milieu du concours, débordant quand Duplantis s’essayera au record du monde (6.19), après le gain de meeting sur la marque de 6.01.

28/08/2021. Ligue des Diamant 2021. Public du côté de la perche. Stade Charlety.

L’Athlétisme, le sport roi de l’Olympisme

Ce qui marque dans un meeting, c’est que vous voyez la réalité du qualificatif olympique attribué à l’athlétisme : « le sport roi ! ». En effet, au même endroit, au même moment, vous avez la conjugaison du « plus haut » avec la hauteur ; du « plus vite » avec le sprint et le demi-fond ; du « plus fort » avec le javelot et le disque.  La maxime de Pierre de Coubertin, celle qui a bercée votre enfance et animée votre passion, vous éclate aux yeux !

Ce qui vous surprend, c’est l’indifférence du genre. La question ne se pose même pas. Je ne sais même pas si elle effleure le moindre spectateur ou spectatrice. Les gens suivent un concours qu’il soit féminin ou masculin. Avec le même regard. Un regard positif. Jamais critique.

Ce qui étonne, c’est le positivisme des spectateurs de l’athlétisme. Pas une fois, dans les travées de Charlety, je n’ai entendu la moindre réflexion négative sur une performance. J’ai même en mémoire, une course qui réunissait les comités de jeunes des sept départements de l’Ile de France : Paris, 91, 92, 93, 94, 95 et 77. Un relais mixte fait de garçons et de jeunes filles sur 200 mètres à faire chacun et chacunes. Des différences de courses incroyables entre les pratiquantes sélectionnées. Le relais s’est même terminée sur une différence de 300 mètres entre les premiers et derniers. Les encouragements ont été les mêmes.

Qu’a-t-on vu et entendu ? Des cris quand l’un était à deux doigts de rattraper l’autre. Quelque soit la place. Des « allez, allez ! » qui sortaient de partout. Là, j’ai compris que la course, ce n’est pas uniquement gagner, mais c’est aussi « rattraper ». Quelque soit l’âge, l’athlète veut rattraper celui qui est devant. Rattraper, passer devant. J’ai vu des Tom pouces de 90 cms et d’autres d’1.50. Le visage tordu par l’effort. « Rattraper ! Rattraper ! »

Autre mémoire émotionnelle. Le mot « Athlète ». Le speaker, à ces enfants, donnaient le qualificatif d’Athlète ! Quand tu as douze ans, dix ans, quatorze ans, et que devant une foule incroyable, tu entends le mot « Athlète » pour te qualifier ! Que tu sois premier ou dernier, plutôt mourir que de lâcher ! Les gamins sont « au bout de leur vie » quand ils courent, mais ils y sont bien !

La foulée d’une course dans sa splendeur. Ligue de Diamant 2021. Stade Charlety. 28/08/2021

Les compétitions, la préparation

En athlétisme, la préparation est essentielle. Face au saut en hauteur féminin, tu t’aperçois que la routine est la base même de la performance.

Ces sportives de haut niveau s’appliquent à chaque geste, chaque mouvement. Il y a du swing dans la recherche de la maitrise du détail. Très grande, fine, basculement du corps en arrière, jambe opposée avancé, pied ferme sur le sol, pointe relevé. Elles regardent la barre. Se l’approprie mentalement. Imagine leur course, le saut, la réussite. Et puis d’un coup ferme, rapide, définitif, se lance. Accélère à quelques mètres de l’obstacle et s’enroule, dos à la barre, sans rien savoir de la réussite ou de l’échec. Attendant la sanction ou la gloire de la réussite. C’est cette routine qui fera la performance et le record personnel, le record national, le record mondial pour les meilleures. Un sport physique et mental.

Une préparation qui dure une bonne heure. Chacune se met dans sa bulle. Rien n’est collectif. Tout est individuel. L’une américaine, bien plus petite que les autres, jouera de cette différence. Elle pose son sac, son monde et ses affaires, seule, à l’opposé des chaises, du groupe. Des autres. A 34 ans, elle sait ce qui lui va et ce qui ne lui va pas. Pourtant elle sortira la première. Pour autant, jamais elle ne concédera quoi que ce soit sur sa routine. Elle veut être seule quand les autres sont ensemble. C’est ainsi.

A chaque saut, la sauteuse regarde l’écran et pour les françaises qui ont la chance d’avoir leur coach avec elles, l’entretien avec ce dernier ou cette dernière. La recherche du détail.

Le saut en hauteur, c’est une musique.

Yuliya Levchenko, Ukraine, record 2.02 (2019)

La compétition est rapide, imprévisible.

La compétition est rapide. Frustrante. Incompréhensible. Imprévisible. C’est une certitude. Personne ne peut signer à l’avance une performance.

La championne olympique du saut en hauteur, Lasitskene Mariya, terminera seconde, bloquée à 2.01 devant l’australienne Nicola MacDermott, toujours à noter ses émotions après chaque saut, à deux doigts de son record personnel (2.02).

Les 50’’12 de la Dominicaine Marileidy Paulino sur 400 m prendront le meilleur sur Allyson Felix, 3e en 50’’47. On la verra rattraper la plus médaillée des athlètes féminines de l’histoire aux JO. D’abord première, puis rattrapée, et rattrapée. Eliane Thompson-Herah fera un chrono de 10″72, loin de ses 10″54 et 10″63 de ses dernières courses.

Au disque féminin,  Sandra Perkovic, prendra le meilleur à son dernier jet devant Valarie Allman (USA). Un jet en finale moins bon que celui de l’américaine, dans sa qualification. Qui pouvait prévoir que Renaud Lavillenie sorte à 5.30 quand son record est de 6.05 ?

En Athlétisme, tu n’es jamais certain.

L’état d’esprit des athlètes. 

Les athlètes sont totalement open. Rien ne les sépare des spectateurs et spectatrices. Dans le couloir qui mène au sautoir. Chacun vient checker une main qui se présente. Les enfants sont aux anges. Les selfies sont constants. Il n’y a rien comme distance. Ces athlètes se promènent sans état d’âme individuel. Ils ne portent pas le monde sur les épaules. Il et elles sont elles-mêmes. En liberté.

Duplantis, comme les autres, star de la perche, vingt deux ans, checkera toutes les mains qui se présenteront. Même avant de tenter les 6.19 du world record. Melina Robert-Michon, lanceuse de disque au féminin, française, 43 ans, quatrième du concours, mettra vingt minutes à avancer pas à pas, pour faire le quart de rond qui la ramènera dans les entraves de Charlety. Autographe, selfie, autographe, selfie, autographe, selfie.

Dès la compétition terminée, ce sont des camarades et non pas des adversaires. Rien ne les oppose. A part leurs différences, mais rien qui ne soit lié à la compétition. Souvent même, dans le saut, ils ou elles s’encouragent. L’adversaire a de la valeur, il donne de la valeur à leur performance.

J’avais trouvé exactement la même chose avec le football féminin dans les années 2011 à 2014. Une liberté totale.

Bilan

Sur un meeting, il faut choisir un camp. Impossible de tout voir dans un stade. Il faut venir en connaissant les performances pour mieux les apprécier. Il faut encourager et changer de place si possible. A chaque place, une nouvelle émotion. L’impressionnant ? La foulée des athlètes en course ! Le pied posé ! La force du javelot à 90 mètres, l’envolée du disque dans les airs, haut ! La taille des perchistes, entre petits et grands. Disponibles. La préparation, la technique du saut, enroulant la barre. Elles sont incroyablement grandes et fines.

Et les spectateurs, incroyablement positifs.

William Commegrain Lesfeminines.fr