Le 1er février au soir, Le sourire réconfortant de Jean-Michel Aulas (Président de l’OL), à la sortie de la réception des nouveaux candidats aux droits TV de la Ligue 1 et 2, en tant que membre de la commission de pilotage créée par Vincent Labrune pour juger de la qualité des nouveaux candidats, m’a interpellé.

Trois acteurs s’étaient présentés : Amazon, Dazn, Discovery, pour des offres inférieures au prix de réserve obligeant Vincent Labrune a un communiqué lapidaire, assez proche d’un diagnostic médical « pronostic vital engagé », informant sans s’engager : « Les prix de réserve n’ayant pas été atteints, les consultations sont déclarées infructueuses. La LFP se laisse désormais 48 heures pour définir les prochaines étapes de la commercialisation de ses droits. »

Le gag de deux jeunes fans de football, entrant « costume-cravate », au 6 rue Leo Delibes pour déposer au nom « d’une association « International Kikadi Fédération », en hommage au jeu emblématique du Super Moscato Show (le Kikadi) » nous dit RMC Sport, une proposition à 156 € n’aide pas à la construction d’une image stable et sécurisante. Passant le barrage de la sécurité, filant devant le bureau du Président Labrune, pour se faire valider par un huissier de justice à la dénomination sociale sortie d’un film des Tuches « ABC Justice » … on est loin d’une sérénité.

On sent un bateau bien bousculé dans une mer plus que formée : droits TV en berne pour les quatre saisons à venir, recettes actuelles sur les matches à 0, sponsoring tenu sous respiration artificielle et ligne de financement prise par la LFP (400 millions d’euros) pour aider à la réalisation de transferts pendant le mercato d’hiver non utilisée par les clubs malgré le rappel de Loïc Fery (Président du FC Lorient) lors de l’assemblée générale du 10 décembre 2020.

Argent, où es-tu ?

Le Président lyonnais est pour moi, un très grand stratège dans le milieu du football, et il semble être comme un « poisson dans l’eau » dans un univers bouillonnant.

Adepte depuis longtemps de la création d’une société commerciale au lieu et place de la forme juridique associative (Association loi 1901) qui encadre le football professionnel ; l’idée d’un dépôt de bilan de la LFP a traversé mon esprit.

Quelle est la situation financière de la LFP ?

Un prêt garanti par l’Etat de 224,5 millions d’euros pris pour compenser la fin de saison 2020 sans match et billeterie en compensation de la négociation aboutie par Canal+ et Bein de ne payer que les matches joués et diffusés, avant l’arrêt de la saison soit un peu plus de 40 millions € au lieu de 152 attendu. Une situation ayant crée un premier trou. Là, gérable.

Une nouvelle avance de trésorerie de 120 millions avec une fenêtre ouverte pour 180 millions supplémentaires à rembourser en trois fois (16 février, 16 avril, 15 juin 2021), nantie sur les futurs droits TV à recevoir (?) qui, au soir du 1er février, sont devenus inexistants faute d’avoir trouvés preneurs. Là, cela commence à être tendu.

D’autant qu’en recettes, c’est le néant. Un premier versement par Mediapro de l’indemnité (100 millions) négociée de rupture contractuelle de 64 millions d’€ HT déjà encaissé et réparti pour un solde de 36 millions HT à recevoir, … seulement fin juin 2021. Avec des fonds propres négatifs et les derniers millions (50) que la Ligue avait de côté, parti et ajoutés pour permettre aux clubs d’avoir ce qu’ils avaient besoin de recevoir fin 2020.

A court terme, le compte banque n’est pas bien. La LFP n’est pas loin de répondre aux exigences du dépôt de bilan devant le Tribunal de Commerce. Faute d’avoir en trésorerie les moyens d’assurer ses créances.

Un dépôt de bilan pas si dramatique.

Sur le plan financier. Les 120 millions pèsent à très court terme. Que se passerait-il en cas de dépôt de bilan ? Le nantissement pris par la banque donne un droit de suite et un droit préférentiel à l’organisme financier (Loi Dailly). La banque serait donc garantie dès lors qu’une structure nouvelle aurait à gérer les droits TV du football professionnel. Une garantie qu’elle a fixé à quatre fois le montant prêté sur la valeur des droits TV de 2022 à 2024.

Son seul risque ? Une valeur de droit rendue inexistante puisque personne ne veut les acquérir. Un scénario invraisemblable. Il suffit à la LFP nouvelle de mettre un prix de réserve inférieur à celui qu’elle s’obstine à mettre. Contrainte par son engagement financier à respecter.

La charge des 224,5 millions de la saison 2020 ? L’idée même du prêt garanti par l’Etat est d’intervenir en substitution d’une structure incapable de respecter son engagement. La charge des 224 millions d’euros reviendrait à l’Etat.

Sur le plan juridique, gérer du football professionnel à hauteur d’encaissement et d’engagement proche du milliard d’euros, se prête mal aux règles de l’association loi 1901, cadre actuel de la LFP. A l’évidence, une structure commerciale est plus adaptée, notamment dans le cadre des initiatives européennes des clubs significatifs de l’UEFA, en créant leur propre compétition. On passe à un environnement estimé à 4 milliards d’euros pour une seule compétition. Des sommes et des enjeux qui auront une conséquence sur le football professionnel masculin français.

Sur celui de l’image, la LFP est déjà bien écornée depuis plusieurs années. Un dépôt de bilan, surtout s’il est justifié par la situation actuelle, ne serait que la conséquence logique d’une situation compliquée pour tous. L’actualité en ferait vite un souvenir et le football professionnel repartirait avec une feuille blanche. Bien nécessaire par les temps qui courent.

Sur le plan de l’idée. On le sait, une proposition structurelle met toujours du temps à s’appliquer. Elle bouge des enjeux et des intérêts divergents. Seul le temps permet de gommer les arêtes les plus significatives. Les événements donnant la fluidité nécessaire pour qu’elle devienne la solution. Jean-Michel Aulas qui ne manque pas de vision a certainement lancé l’idée « d’un football Netflix » un peu trop tôt pour qu’elle arrive à maturité en début 2021 mais celle d’organiser le football professionnel autour d’une société commerciale à créer et juste ce qu’il faut « quinze minutes en avance » pas plus.

Une structure déjà envisagée.

On en voit les prémices lors du dernier conseil d’administration du 10 décembre 2020, consultable sur le site de la LFP.

La disposition suivante ayant été soumis au vote accepté du football français. « La possibilité pour la LFP de créer une filiale commerciale ; la LFP ayant désormais compétence « pour effectuer, directement ou indirectement, le cas échéant par le biais de structures tierces desquelles elle pourrait être membre ou associée, toutes opérations juridiques, financières ou commerciales en rapport avec son objet. »

La LFP, dépôt ou pas ? 

Que feriez-vous ?

La LFP ancienne doit rembourser non pas un prêt mais une avance de trésorerie de 120 millions d’euros (loi Dailly, majorée d’un taux d’intérêt de 5,5%) sur des droits à venir, sans recettes à court terme. Première échéance le 16 février pour 1/3, ensuite 16/04 et 16 Juin. Elle doit donc encaisser un peu plus de 40 millions d’€ au lendemain de la Saint Valentin …. Amoureux à se déclarer rapidement. Il ne reste que 13 jours.

Une LFP ancienne sans fonds propres. L’AGE du 10 décembre, publiée sur le site officiel de la LFP, nous fait constater une perte officielle de (-206,3 millions €) pour la saison 2019-2020 sans fonds propres pouvant compenser. Le cabinet comptable et l’Assemblée du 10 décembre 2020 les ayant officiellement entérinés à (-183 millions d’€).

Un montant futur de droits qui devra être important car il sera amputé de 55,9 millions d’euros par saison pour reconstitution de fonds propres. Les derniers 50 millions d’euros d’économies de la LFP ayant servi à compléter l’avance de trésorerie d’Octobre 2020 (120 millions) devant la défaillance de Médiapro pour les premiers 172, 5 millions.

Les chiffres excessifs de la LFP ont rendu leur verdict (se mettre au niveau de l’engagement de Mediapro à 800 millions €). La position de Canal + « dite orale » à hauteur de 590 millions € annuel et un variable fixé à 100 millions met les droits à hauteur de ceux avant Mediapro (672 millions). Même s’ils finissent inférieurs pour donner un gage de confiance au diffuseur « oublié aves excès » lors de la tornade Mediapro, une société commerciale bien gérée devrait pouvoir trouver des revenus compensatoires.

Garder la LFP ? La question est : on a les moyens ou pas de rembourser le prêt garanti par l’Etat ? Tout cela dépendra de l’importance de la baisse des droits et du lien affectif comme de négociation entre « Etat et football professionnel ».

Le sourire de Jean-Michel Aulas

L’Olympique Lyonnais n’a jamais été aussi haut dans le championnat depuis longtemps, mettant au rang de l’anecdote sa non-qualification européenne de la saison 2021. Dans la situation actuelle, il voit ses concurrents s’affaiblir pour aujourd’hui et demain, soumis à une dépendance très conséquente aux droits TV qui ne peuvent que baisser ; ce qui n’est pas la situation de l’OL. Tony Parker, nouvel associé et administrateur, commençant à y déceler un avenir prometteur après la fin du remboursement du stade. C’est plutôt bon signe. Enfin, son idée de société commerciale trouve son terrain porteur avec la Covid, les droits TV et les clubs européens en mouvement.

Elle est plus une solution qu’un problème pour une LFP soumis à des règles de majorité spécifiques. Un projet qui pourrait être voté.

Il lui reste à obtenir l’agrément des forces non-officielles. Noël Le Graet, membre consultatif de droit du CA de la LFP est candidat à sa réélection comme Président de la FFF pour un 4e mandat. Jean-Michel Aulas fait partie du Comex (Comité Executif) de la FFF depuis le dernier mandat. Il est directement impliqué dans la réélection du Président.

Je vois bien quelque chose se faire courant Juin, après la réélection du 13 mars 2021 du Président Le Graet. A mon sens, une nouvelle LFP commerciale va se créer. Soit en complément de l’association qui disparaîtra avec le temps, soit en substitution si gros problèmes.

JM Aulas et Noël Le Graet sont agiles.

William Commegrain Lesfeminines.fr

PS : je viens de relire. Quelques corrections. Une de mémoire me revient : j’ai oublié la volonté de l’OL de demander réparation du préjudice subi par l’arrêt de la saison 2020. Si c’est toujours d’actualité, c’est la balle de trop pour la LFP. Il parlait de 100 millions d’€, de mémoire.