Le Paris Saint Germain, sans dirigeant présent, a pris les trois points qu’il fallait dans un Camp des Loges frigorifié(1-0, 43′). Ce qui a contenté tous les acteurs et actrices de cette rencontre, sauf les spectateurs, inexistants en raison du huis clos habituel sur les terrains de France.
Paris gagne et conserve la tête du championnat de France. Bordeaux perd sur un score court mais profite de la défaite de Montpellier (4-1) pour être toujours seul à jouer la 3e place européenne (+4). Une situation qui convient aux dirigeants bordelais certainement. L’Europe sans avoir à rajouter un penny à un budget qui ne peut que se maîtriser par les finances manquantes de Mediapro.
Par les temps qui courent, où chacun a appris à se contenter de moins de choses avec les transformations que nous imposent la COVID-19. « Everyone is happy ! ».
L’observation du match : « Défend, tu gagneras ! ».
Tactiquement, les deux équipes avaient décidé d’être très présentes pour ne pas prendre de buts. Elles ont réussi leur challenge comme le résultat le montre (1-0).
Pedro Martinez Losa, en conférence de presse, disait « la performance de ses joueuses à terminer le match sur un simple 1-0 face à une des meilleures équipes du monde » … Un qualificatif assez surprenant pour le PSG qui montre que les compliments sont les premiers défauts de ce football féminin. Quand Olivier Echouafni, plus habitué à répondre positivement à des questions montrant des points faibles, a mis en avant une statistique simple mais vraie « nous continuons à ne pas prendre de buts ».
Dans cette défense à quatre, Bordeaux, qui a une équipe faite de joueuses impressionnantes sur le plan physique dans sa colonne verticale (Moorhouse, Vanessa Gilles, Charlotte Bilbault, Khadija Shaw), j’ai particulièrement trouvé que la jeune Julie Thibaud (22 ans), nouvelle appelée en équipe de France, a montré de la vivacité et une envie supérieure à ses partenaires. Sortant un peu trop de sa zone de travail. Le manque d’expérience peut-être, emportée par une nouvelle dynamique en Bleue.
Sa coéquipière bordelaise, Eve Perisset, parisienne la saison dernière et quelques fois capitaine, joueuse du groupe des 23 de Corinne Diacre, n’a pas raté son match tout en utilisant un peu trop de « ficelles » d’expérience face à la jeune Baltimore (20 ans), montrant ainsi les limites du 3e du championnat face au Paris SG et celles de sa prestation pour une équipe qui venait pour se frotter au leader.
Une chose qui n’est pas arrivée à la défense parisienne. Irène Paredes (30 ans, internationale espagnole), capitaine parisienne s’est imposée physiquement et mentalement à Khadija Shaw (14 buts, meilleure buteuse du championnat) dans les duels aériens, tout comme Paulina Dudek. Perle Morroni a fait un match de titulaire en Equipe de France comme de leader du championnat, ne voulant pas subir les montées du côté droit de Bordeaux par la jeune Dufour, plutôt rapide, comme les dédoublements de Perisset, là trop peu nombreux sur cette rencontre. De plus, elle a même voulu montrer le dos de son numéro, obligeant ses adversaires, à la suivre comme à subir ses montées offensives.
C’est d’ailleurs elle qui chipe à Dufour, une balle qui fera but, soumise à une pression excessive du coach bordelais, jouant sur le côté droit et à proximité du banc. Pedro Martinez Losa est, à mon sens, bien trop présent dans sa stratégie verbale.
Lui-même, en réponse à cette question dira « qu’il est fan » de son équipe. Sauf que dans un environnement silencieux par le manque de public, tout s’entend et la jeune Dufour aura un temps de réaction « à blanc » dans sa décision pour protéger une balle, dont Perle Morroni profitera. Cela déstabilisera la défense bordelaise, passe en retrait qui finira par un gauche de souris, de Sara Däbritz, à 3 cms du poteau droit dans une nuée de joueuses (1-0, 43′).
Le football de haut niveau est fait de détails. Pedro Martinez Losa devra mesurer l’impact de ses mots sur de jeunes joueuses. C’est un avis.
Si, sur cette rencontre, Bordeaux « désirait jouer la gagne » ; dans le jeu, l’équipe de Bordeaux n’a pas montré qu’elle en avait la capacité si elle en avait l’envie. Khadija Shaw essayant de se mettre plusieurs fois en position mais dont les tirs sont tous restés dans « sa chaussette ». Faute de puissance. Une situation identique pour Marie-Antoinette Katoto, Diani et Dudek du côté parisien.
Le froid intense et le vent latéral sont les explications des gens d’expérience et de compétences. Tous ceux qui ont joué dans ces conditions savent à quel point le cerveau, en position de repli et de protection, doit être sollicité quand on lui demande un effort sec alors que la température est négative (ressentie comme réelle). D’ailleurs les tirs au-dessus de la transversale l’ont été en étant arrêtés (Diani et Däbritz). Il faut beaucoup d’entraînements pour passer ce cap. Les hommes l’ont, les femmes pas encore.
Dans la même ligne, les passes longues offensives ont connu beaucoup de déchets. Le PSG a connu moins de déchets car elles ont su jouer courts. Accentuant leur présence et domination dans le camp bordelais. De son côté, Bordeaux a perdu beaucoup de ballons sur son jeu long.
Sans surprise, ce match a donc été une réussite défensive dans lequel, Formiga a explosé en qualité. L’internationale brésilienne, 42 ans, est montée d’un cran dans la partie. Elle a mangé ses adversaires en impact, avec son petit mètre soixante. Ses partenaires ont senti sa force, souvent servie. Dans la dernière 1/2 heure, elle a été la patronne parisienne qui a fait baisser mentalement la tête aux bordelaises, subissant ses relais sans pouvoir l’empêcher.
L’offensive, bloqué par le froid
A cet égard, Pedro Martinez Losa a manqué de justesse tactique.
Goutia Karchouni est une excellente joueuse de ballon. Elle joue vite et juste des deux pieds. Sauf que tactiquement, elle n’a jamais empêché Formiga, en six, de relancer et ainsi stabiliser le jeu parisien. Six mètres la séparait de la joueuse brésilienne dans les transitions parisiennes défensives. Rendant inutile le pressing haut et contre-pressing des bordelaises.
Bordeaux a donc montré un jeu cohérent mais des limites qui les empêchent de postuler à une meilleure place que la 3e du championnat de France.
Ce qui correspond visiblement à la vision structurelle de Bordeaux. Alain Roche et Ulrich Ramé, présents au Camp des Loges, sont sortis satisfaits de la rencontre. Bordeaux, avec la défaite de Montpellier, est toujours seul 3e avec une avance de 4 points sur l’équipe de Laurent Nicollin. Une place européenne sans avoir à faire des investissements lourds pour la défendre et sans pression aucune pour aller chercher une meilleure place. Dans le cadre d’un football masculin mis sous pression financièrement par l’affaire Mediapro, le rapport « budget-efficacité » est optimal. Bordeaux est parti du Camp des Loges, « happy ».
De son côté, le PSG poursuit en solo son aventure. Sur un match comme celui-là (le 3e s’opposant au PSG, 1er récent), il y aurait pu avoir du monde décisionnel avec Leonardo. Cela n’a pas été le cas. Un fait qui ne dérange pas le coach, Olivier Echouafni, qui répond face à la comparaison lyonnaise dont on sait que le Président Aulas est très présent « on fait notre truc dans notre coin, tranquillement, et cela nous va très bien ».
L’observation, qui n’était pas sur l’absence des dirigeants quand j’ai posé ma question, m’est venue le lendemain matin, à l’aube lors de l’écriture. Elle montre aussi, l’état d’esprit du PSG féminin. Un groupe à très forte cohésion qui vit très bien en interne. Si bien d’ailleurs que la question d’un recrutement pendant le mercato est plus une question d’intégration que de besoin.
Une aventure collective qui pourrait très bien se finir avec un titre. Sara Däbritz, internationale allemande et vice-capitaine de la Mannschaft, le pense comme une vérité.
Le plus important, en football, c’est quand les joueuses le pensent et le veulent. Vendredi soir, le PSG a montré qu’elles le voulaient.
Pour le reste, sur le plan offensif, des joueuses doivent monter en pression. Olivier Echouafni disant que Huitema n’était pas spécialement partante au mercato, mais positive au Covid le 25 décembre et donc en manque d’entraînements avec la quatorzaine qui s’est imposée. La rumeur de son départ est donc certainement un jeu d’agent pour repositionner sa joueuse.
Diani a été inexistante ; l’avantage c’est qu’elle le sait. Avec ses qualités, elle est une force redoutable du PSG. Katoto a joué collectif mais a manqué d’impact sur le jeu, par le froid. Baltimore a montré des qualités mais avec des centres sans puissance facilitant la prise de mains de la gardienne bordelaise. Däbritz a joué comme une souris, dans les espaces courts.
Côté Bordeaux, Shaw a réussi trois verticalités sans puissance. Le froid. Présente défensivement mais battue dans les duels offensifs par la défense parisienne. Dufour a des appuis très courts, toniques. Trop sollicitée pour son âge. Snoeijs n’a pas trouvé de ballons pour jouer de sa qualité « cruyff » qui lui donne de la force en verticalité. Karchouni a un jeu court qui tisse une toile rapide dans un jeu rapide ; faut-il qu’il y ait du monde devant. Ce qui n’a pas été le cas avec un Bordeaux bas.
Les milieux des deux équipes ont joué un match intense en course sans impact différentiel qui aurait nettement imposé une équipe sur l’autre. Il a manqué un Platini, Giresse, une Necib, Abily aux deux équipes pour faire cette différence.
C’est là où je me pose la question. Claire Lavogez sur le banc aurait-elle pu ou dû rentrer ? Cette joueuse, brillante, a été mangée depuis quatre ans, par la tendance des coaches masculins sur le jeu féminin, à refuser la verticalité et ses risques, déstabilisant les autres par des dribbles déroutants et dont la qualité de base est de pouvoir jouer en « neuf 1/2 ». Passeuse et buteuse.
Si j’étais le PSG, je réfléchirais à faire une offre à Bordeaux pendant ce mercato en mesurant bien l’intégration d’une nouvelle joueuse. Une joueuse à fort potentiel -qui reste cependant à retrouver- d’un côté et de l’autre, la volonté de maintenir un équilibre, par l’apport d’une joueuse dans un effectif qui se connait. Olivier Echouafni a les qualités pour bien évaluer le pour et le contre, ayant l’avantage de l’avoir connu et utilisé dans sa période de sélectionneur des Bleues (2017).
Enfin, j’ai été très surpris que le coach bordelais réponde favorablement à une question entendue en conférence de presse d’après match, typée très « compliment », « sur le fait de penser à postuler « à la sélection française ?! ». Sa réponse a donc été affirmative. A-t-il compris la question en anglais ?
D’ailleurs, ce football féminin est toujours incroyablement sensible « aux compliments » faits par d’autres, « volontairement choisis » d’après match ; ne correspondant pas à la réalité entendue pendant la rencontre.
William Commegrain Lesfeminines.fr
- PSG-Bordeaux (1-0)
- OL – Stade de Reims (3-0)
- EA Guingamp – Montpellier (4-1)
Vendredi 15 janvier 2021 – 18h45 (Canal + Sport)
PSG – BORDEAUX : 1-0 (1-0)
Saint-Germain-en-Laye (Stade Georges Lefèvre)
Arbitres : Victoria Beyer assistée de Solenne Bartnik et Bérengère Jourdain
1-0 Sara DÄBRITZ 43′ (Morroni récupère sur la gauche une relance bordelaise puis centre en retrait pour Däbritz juste à l’entrée de la surface qui reprend de l’intérieur du gauche et croise sa reprise pour placer le ballon sur la gauche de la gardienne à ras de terre)
Avertissements : Däbritz 40′, Morroni 61′
PSG
Endler ; Lawrence, Dudek, Paredes (c), Morroni ; Geyoro, Formiga ; Däbritz ; Diani (Bachmann 75′), Katoto, Baltimore (Bruun 82′)
Banc : Voll (G), Simon, Bachmann, Nadim, Fazer, Bruun, Le Guilly
Suspendue en cas de prochain avertissement : néant
BORDEAUX
Moorhouse ; Périsset, Gilles, Thibaud, Cascarino ; Dufour (Garbino 58′), Bilbault (c), Jaurena (Jenkins 82′), Karchouni ; Snoeijs, Shaw (Cardia 77′)
Banc : Bruneau (G), Lavogez, Cardia, Garbino, Palis, Lardez, Jenkins
Suspendue en cas de prochain avertissement : Garbino (Bordeaux)