Aujourd’hui je me réveille, je m’appelle Grace Geyoro. J’ai 21 ans, et je me réveille « happy ». En fait, j’en ai 23 ans, déjà 32 sélections et je viens de planter un doublé hier soir. Trois ou quatre ans qu’on me bassine avec mes qualités offensives que je mets de côté, faute d’une pensée trop collective. Trois ou quatre ans que j’enfile les fins d’entraînements avec des duels face à notre gardienne parisienne. Pour la mettre au fond, comme ils disent.
Au début, je n’avais pas de sensations à voir ce ballon dépasser les limites du terrain. Sérieusement, il n’y avait rien de comparable à la qualité d’une passe qui demande du physique, de la technique et surtout une bonne tête pour doser, aux millimètres, la passe qui fera mal et donnera du bonheur aux autres. Là, j’étais essentielle, unique.
Et puis à force de temps, les filets qui tremblent, cela a commencé à me faire rêver. Une autre sensation purement individuelle. Comme une fille qui courent sur un 400 mètres. Le tir, c’est un long moment d’inconnu. On a physiquement tout donné et les quelques secondes en suspens avant la décision, dedans ou pas, semblent durer une éternité. Quelle explosion quand cela entre.
Aujourd’hui, je suis « happy ». J’en ai mis deux. Vive la vie.
Aujourd’hui je me réveille. Je m’appelle Pauline Peyraud Magnin. Je suis une 92. J’ai 29 ans. Je me réveille, un peu énervée. Insatisfaite. Vivement qu’on s’entraîne. Pendant 1h30, je me suis fait ….. grave. Pas une action, rien à se mettre sous la dent. Rien de rien. Le néant. Elles n’ont jamais dépassé le milieu de terrain. Un enfer à vivre. Remontée à bloc à l’intérieur et rien pour lâcher cette énergie cumulée. Vivement l’entraînement. Vivement des balles tapées dures. Vivement des gueulantes pour me forcer. Vivement quelque chose de fort à se mettre sous la dent.
Aujourd’hui je me réveille. Je rêve. Si, je rêve. Pas la peine de me faire croire autre chose. Je rêve. Je m’appelle Elisa de Almeida, une 98. Je n’ai que quatre sélections en EDF A. Ne me dîtes comment je suis venue là ? Je ne sais pas. J’ai tellement été obligée, chez les U19, de décommander. J’ai été appelée en pleine guerre des grandes ; pour une fois, pas de souci. Présente. J’ai fait ma valise. Je suis venue. J’ai vu. J’ai marqué. J’en suis à deux buts en quatre matches seulement. Des buts, que je te pousse ça au fond des filets. Des buts décidés d’en haut. C’est pas possible. C’est trop bon.
Ma place ? Latérale ou centrale. Non, c’est clair, je rêve ! Laissez-moi encore rêver ! C’est décidé, je ne me lève pas. C’est trop bon cette histoire !
La France n’y est pas allée avec le dos de la cuillière avec cette Macédoine du Nord. Quatre buts d’Eugènie Le Sommer. 173 sélections. 86 buts. C’est une 89. Eugènie ne cherche pas à rêver. C’est un truc qu’elle n’a plus depuis longtemps. Le football n’est pas un rêve, cela lui évitera d’être un cauchemar. Le football est un métier, une histoire. Un moment de sa vie.
Eugènie est levée. Il y a un truc qui lui vient au cerveau. C’est un petit peu répétitif. Présent. 100-86 = 14. Personne n’a marqué 100 buts pour une Equipe de France, Eugènie se regarde. Se juge. Elle peut le faire. Elle va le faire. Elle monte un peu en pression. 14 buts. C’est jouable. 200 sélections est un chiffre que personne n’a encore atteint pour une Equipe de France. 200-173 = 17. Deux saisons à moitié pleine. Pile poil pour l’Euro 2022.
Aujourd’hui, Eugènie ne rêve pas. Elle sait pourquoi elle est là. Deux lumières se sont allumées. Eugènie, comme toutes les sportives de haut niveau est égoïste. Ni plus, ni moins. Eugènie ne rêve pas. Elle sait pourquoi elle sera là.
Un rencontre qui a permis aux Bleues d’être en tête de leur groupe avec un meilleur goal average que l’Autriche, 27e mondial, qu’elle rencontre Mardi pour un match aller en Autriche.
La Macédoine du Nord devrait signer un accord avec la FFF. Qu’au moins cinq joueuses A soient intégrées en formation dans un club de D2F, frais de formation remboursés par la FFF. Aujourd’hui, 18 joueuses macédoniennes ont fini de rêver. Elles rentrent à la maison. Elles ont joué au football. Pendant un instant, privilégiées. Pour dans la vie suivante, revenir à du moins beau, moins fort, plus difficile. La vie en Macédoine.
Maxime Le Forestier avait chanté « Né quelque part » pour marquer l’injustice d’une naissance entre deux êtres humains. Ce serait bien d’aider les plus faibles à être un peu plus fort. On appelle cela l’ascenseur social.
William Commegrain Lesfeminines.fr
- prochain match face à l’Autriche, mardi 27 Octobre, 21h, extérieur. En direct sur W9.
LES BUTS
►1-0 – Gauvin (1e) : sur le coup d’envoi, Bilbault alerte De Almeida d’un long ballon sur la droite. La Montpelliéraine déborde et ajuste un centre parfait pour Gauvin qui surgit au premier poteau pour placer une tête plongeante imparable.
►2-0 – Le Sommer (5e) : nouvelle action côté droit, Diani combine avec De Almeida dans la surface et centre devant le but où se trouve Le Sommer dont la tête fait mouche.
►3-0 – Le Sommer (21e) : nouveau centre de Diani de la droite, repris par Geyoro face au but. Son tir contré revient sur Le Sommer dont la frappe en force croisée du gauche trouve les filets adverses.
►4-0 – De Almeida (39e) : Karchaoui élimine sa vis-à-vis sur la gauche et a tout le temps d’adresser un bon centre aux six-mètres. Le ballon arrive sur De Almeida qui marque du haut de la cuisse.
►5-0 – Diani (45e) : long ballon de Bilbault à destination de Gauvin dans la surface. La tête de la Tricolore échoue sur la transversale et revient vers Diani qui n’a plus qu’à pousser le ballon dans les filets.
►6-0 – Asseyi (55e) : Diani, toute en technique, se joue de la défense nord-macédonienne sur la droite de la surface. Son centre est repris acrobatiquement par Asseyi qui trompe Panchurova.
►7-0 – Geyoro (60e) : cette fois le centre de la droite vient de Delphine Cascarino, qui sert Geyoro en retrait aux vingt mètres. Sa frappe instantanée et enroulée du droit s’engouffre sous la transversale.
►8-0 – Geyoro (63e) : bis repetita. Geyoro s’offre un doublé d’une reprise de volée imparable sur un centre de la droite Delphine Cascarino.
►9-0 – Le Sommer (74e) : encore une action et un centre de la droite signé De Almeida. Démarquée face à la cage, Le Sommer s’offre un triplé d’une reprise de volée sans opposition.
►10-0 – D. Cascarino (76e) : Delphine Cascarino enchaîne dribble, accélération et tir du gauche à l’entrée de la surface. Le ballon peu appuyé mais rasant surprend la gardienne.
►11-0 – Le Sommer (78e) : centre de la gauche de Perle Morroni. Au point de penalty, Le Sommer place une reprise avec rebond synonyme de quadruplé.