Le constat est clair. Avec les ligaments croisés d’Ada Hegerberg, le club de Jean-Michel Aulas comptabilise cinq ruptures de ligaments croisés, hommes et femmes confondus. Le tout en l’espace de deux mois.
Ramené à l’obligation de résultat qui est faite à toute employeur en France de mettre en sécurité physique et psychologique tout salarié quel qu’il soit, il y a de quoi se poser la question : en premier lieu, l’employeur a-t-il tout fait pour que cela n’arrive pas ? Au bout de là 5e fois, la logique voudrait qu’on constate que cela n’a pas été le cas ; pour qu’en second lieu on n’ait même pas à s’interroger sur le non-respect de l’obligation de résultat. Cinq fois dépassés.
Maitre Thierry Granturco, avocat spécialisé dans le domaine du sport, inscrit au Barreau de Bruxelles et Paris, avait eu l’amabilité de nous écrire une chronique juridique en 2017, après les croisés de Sofia Jakobson (Montpellier) et ceux de Delphine Cascarino qui avait d’ailleurs mis en colère le Président Aulas, occasionnés lors d’un stage de l’équipe de France. L’homme du droit nous avait rappelé la jurisprudence de l’acceptation du risque par le joueur. Clairement énoncée mais dont on ne serait exempter le club dès lors où, le défaut répèté, entraînerait à accepter que le joueur ou la joueuse salarié.e, soit comme un esclave des temps modernes : aligné.e et utilisé.e jusqu’à plus soif.
A un moment donné, le monde du sport ne pourra pas invoquer ses propres règles, tirés de sa spécificité, sans les intégrer dans celles protectrices du droit du travail. L’Arrêt européen Bosman avait botté les fesses aux réglements des fédérations. La génération Z avec ses réseaux sociaux et minorités actives prendra sans souci le drapeau de la protection face à des clubs qui, par essence, ramènent le salarié au temps passé des Gladiateurs.
L’investigation demandée par Rudi Garcia pour en connaître les causes, dans une optique de management prévisionnel pourrait très bien avoir pour source future celle d’une défaillance juridique de l’employeur dans un futur a venir.
La porte de la réparation du dommage subi par le ou la joueuse n’est pas loin. Un dommage qui oblige à remettre l’autre dans l’état où il était avant. Une situation qui pourrait coûter cher avec des internationaux et internationales d’une grande valeur à l’OL. Une situation qui pourrait tout autant exister même si la perte immédiate est nulle (même salaire) puisque le droit français a accepté l’indemnisation d’une perte future, là perte de performance, perte de valeur sur le marché, perte de revenus potentiels.
Heureusement, ce type de blessure se guérit assez bien. Elle n’a pas empêché l’évolution de Delphine Cascarino et encore moins celle de Sofia Jakobson, auteure d’une excellente Coupe du Monde 2019 avec la Suède (3e mondial) ; mais dans le cas contraire où la carrière vienne à prendre un coup dans l’aile, aucun doute qu’on ne trouve pas une joueuse qui ne vienne pas réclamer la réparation de son dommage devant les tribunaux, pour défaut de respect de son obligation de résultat de la part de l’employeur.
Viendra un temps où comme pour les salariés qui ne peuvent dépasser 10 heures par jour de travail, on écrira contractuellement que les joueurs ou joueuses ne peuvent pas jouer plus de x matches continus, sans avoir une période de repos obligatoire. Pour sa santé mais aussi pour l’équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée.
William commegrain les féminines.fr