Dimanche matin, sur le replay de l’émission « On n’est pas Couché » qui frise le million de TV spectateurs en seconde partie de soirée, Wendie Renard présentait son autobiographie sous la plume de Syanie Dalmat et Yann Hautbois, journalistes de l’Equipe, intitulée « Mon étoile ».
Un livre où les rapports avec Corinne Diacre sont présentés réellement.
Une interview qui pourrait se présenter comme un premier fait d’armes tant le ressenti de la capitaine lyonnaise à l’égard de la sélectionneuse de l’Equipe de France, Corinne Diacre, est plus sur le terrain de l’adversité et de la guerre que de celui de rapports difficiles entre une joueuse et une sélectionneuse.
A l’évidence, il y a un cap qui a été franchi et, à la manière de la culture antillaise, quand « le Rubicon est passé », rien ne pourra faire revenir en arrière, l’ex-capitaine de l’Equipe de France (2013-2017), quant à ses rapports avec Corinne Diacre.
Wendie Renard, encore en Bleue ?
Un sentiment tellement évident à percevoir que Laurent Ruquier, bras en bandoulière, fort de ses 465 émissions passées, lui pose la question inévitable « de sa présence passée en Equipe de France »; Faute de suivre le football féminin, laissant à d’autres plus versé dans le domaine, l’interrogation de l’éventualité « de sa présence future ».
Une question qui s’est posée en 2017 pour la joueuse, telle qu’elle le dit au micro de Sylvain Charley de RTL. Elle avait pensé arrêter avec les Bleues.
Une question qui ne se posera qu’en février 2020, quand Corinne Diacre annoncera la prochaine sélection française pour la première du Tournoi de France, organisé à Valenciennes et Calais, opposant les Bleues (1/4 de finale Mondial 2019) au Brésil (championnes d’Amérique du Sud) et Canada, éliminées en 1/8e de finale de la récente Coupe du Monde, avec les Pays-Bas, finaliste de la compétition et championnes d’Europe en titre (2017).
Le rappel des situations vécues, l’envie marquée de les restituer comme ressenties, pose même l’interrogation de la volonté de Wendie Renard, en « mettant les pieds dans le plat » de pousser la situation à un paroxysme : dire les choses clairement sans passer à autre chose ou attendre la décision de la sélectionneuse de ne plus la prendre.
Corinne Diacre dispose en interne de solutions avec Aissatou Tounkara (Atletico Madrid) qui, après deux saisons dans le club champion d’Espagne, a gagné sa place de titulaire en Espagne. Un Atletico Madrid qualifié en 1/4 de la WCL 2019 après avoir éliminé par deux fois Manchester City.
La carte de visite est bien moins remplie que celle de Wendie (118 matches), six fois championne d’Europe, 13 titres nationaux et huit Coupe de France et surtout 24 buts en Bleue dont le statut de meilleure buteuse de l’Equipe de France du Mondial 2019 avec 4 buts pour une défenseure, … mais elle n’est pas négligeable du côté de l’ex du Paris FC, partie se mettre « hors de sa zone de confort », pour une aventure plutôt réussie avec un renouvellement de contrat acquit. D’autant qu’elle représente l’avenir. Et que l’avenir doit se former s’il veut avoir des forces pour le présent à venir.
Une interrogation présente avec le management passé de Corinne Diacre, autoritaire dans ses choix. En imposant Gaetane Thiney, Elise Bussaglia, Valérie Gauvin dans son onze de titulaires au Mondial, discutées par les journalistes professionnels (Equipe, radio, TV) lors du Mondial 2019. Montrant un passé qui laisse envisager qu’elle peut difficilement passer outre les ressentis restitués par celle, qui occupe d’ailleurs, la même place de Libéro qu’elle avait en Equipe de France.
Les mots doux ?
Les rapports sont difficiles depuis le début. Un capitanat retiré à son intronisation en 2017, créant une violence médiatique locale. Des mots durs en interne rappelés par Wendie Renard « Tu es une joueuse comme une autre, tu n’as même pas le niveau international ». Une bise souhaitée par Corinne Diacre qui se transforme en « une main serrée » par Wendie Renard lors d’une réunion. Un sourire perçu par Wendie Renard sur le premier csc de son parcours lors du Mondial. Sans compter ce qui s’est certainement passé et qui n’est pas officiellement restitué. Une autre réponse claire au jeu des questions sur Téléfoot précisant que « Wendie Renard n’est pas la meilleure défenseure du monde ». Pas de langue de bois pour certains pour celle qui est sa sélectionneuse, une langue d’amertume pour d’autres.
Des moments de détails à qualifier « d’anodins », pourtant rappelés volontairement par Wendie Renard, -ce qu’elle exprime avant de les resituer ou de les confirmer- montre que la blessure a été vive et qu’elle brûle encore.
Un livre est par essence même, quelque chose qui a une durée de vie étendue dans le temps. Les sportifs de haut niveau dise que cette pratique exclusive est faite de « détails ». Il va falloir argumenter longtemps pour se dire que ce livre n’aura aucune incidence alors. A moins qu’il n’y ait pas d’argumentation à faire.
Corinne Diacre a des mots sur les lyonnaises
Si on sort de cette situation, on pourrait faire sourire en rappelant que les rapports de Corinne Diacre avec les joueuses de l’Olympique Lyonnais peuvent être compliquées auprès de certaines. Des mots forts de reproche à Eugènie Le Sommer sur sa prestation au Mondial 2019. La situation avec Wendie Renard.
Pourtant, à la sortie de son BEPF (2014), elle avait été une des candidates au remplacement de Patrice Lair (2014) à la tête de l’Olympique Lyonnais. Le poste avait été pris par Gérard Prêcheur. Adjointe de Bruno Bini depuis 2007, elle pensait avoir assez de connaissances pour être choisie. Le choix s’était fait autrement.
Certainement déçue d’être refusée à l’OL. Elle est partie à Clermont, pour une première historique.
Des deux côtés, ce ne sont donc pas des paroles en l’air.
Les deux ont des compétences reconnues, l’une première femme diplômée sur formation initiale d’un diplôme « très masculin », le BEPF qui a fait un travail correct à Clermont, pour une première mondiale chez les hommes. Sans excès cependant, mais sans défaillance. Montrant qu’elle avait le niveau de sa fonction. Là, coach de Ligue 2 masculine.
L’autre, excellente compétitrice mais chez les filles. Qui a sauvé plus d’une fois, l’Equipe de France et son club. Seule joueuse à pouvoir dire qu’elle possède tous les titres de l’OL. Dans les dix du Ballon d’Or 2019.
Le football féminin marche un petit peu sur la tête.
L’évolution d’une pratique sportive à une pratique médiatisée fait marcher le football féminin sur la tête. Plus préoccupé par la vente de son produit que par le contenu qui va avec.
Une remarque m’interpelle. Comment la FFF a pu faire croire aux publics et aux annonceurs que la France avait une chance de gagner le titre Mondial avec une telle situation qu’elle ne pouvait que connaître ? Quand vous avez une joueuse essentielle comme Wendie Renard dans le jeu, comment imaginer qu’un tel rapport de forces ne fasse pas faire des accrocs au groupe, opposé à un adversaire qui donnera le meilleur de lui-même, sans souci de cohésion aussi fort entre joueuse et staff.
A mon sens, le football féminin français marche sur la tête depuis que son quotidien est repris par tous les médias.
A moins que l’animosité soit un des ingrédients sollicités de la réussite.
En attendant, cela n’a pas fonctionné. Le jeu des Bleues au Mondial 2019, pour moi et pour de nombreux habitués de cette pratique, n’a pas été de qualité. Une nouvelle élimination en 1/4. Les 200.000 pratiquantes, objectif annoncé ne sont pas au rendez-vous après ce mondial (187.000). Et les obligations contractuelles des clubs masculins amateurs à avoir une section féminine pour monter de division en sont plus les raisons qu’une attraction particulière des gamines à vouloir jouer au football en le regardant à la télévision. Les stades du Mondial se sont remplis comme habituellement quand la FIFA propose un Mondial féminin.
Le championnat français se joue, comme les années précédentes devant 500 spectateurs au stade. Il faut être totalement passionné pour s’abonner à Foot+. L’audience TV des Bleue m’a surpris (10 millions), comme pour d’autres. Je m’en méfie. Les Bleues après mondial font 800.000 comme habituellement et les stades sont remplis par les jeunes issus des ligues et districts.
Ce qui s’est nettement amélioré, ce sont les salaires de joueuses et le nombre de consultantes sur un plateau TV ou sur un match. Et c’est tant mieux pour elles. Et la position de certaines, boulevard de Grenelle. Salaires et ambitions avec.
Qu’est-ce qui va se passer ?
Peut-être que tout cela passera par « profits et pertes », reprenant le stéréotype habituel. Quand il y a des filles ensemble, il faut toujours s’attendre à gérer des problèmes.
Les Bleues n’ayant pas besoin d’un cohésion totale pour gagner un titre auquel elles courent depuis sa demi-finale au Mondial 2011. Pourtant bloquées continuellement depuis en 1/4 (2013, 2015, 2016, 2017, 2019).
Peut-être que d’ailleurs, ce n’est pas dans la tactique, physique et technique que la France pêche par rapports aux autres nations du Top Ten mondial. La seule à être, d’ailleurs, sans aucune médaille internationale (Continent, JO, Mondial). Pas même un bronze quelque part. Mais dans la gestion des conflits internes. Il faudra alors améliorer ce point.
Et peut-être que les chaînes se fichent de payer des droits maintenant significatifs pour des courses au titre qui de par un jeu collectif, doivent trouver d’autres ingrédients, à défaut d’une cohésion idéale, qu’elles n’ont cependant jamais réussi à avoir.
Peut-être que non et ce qui est « une affaire de famille » dans le silence médiatique devient un ingrédient problématique à la lumière des attentes médiatiques. Il y a l’attente des uns de voir les filles partager un terrain, mais tout cela n’a pas de pérennité dans le temps. Il y a surtout l’attente sportive des résultats pour donner un sens à tout cela.
Les quarts successifs (2013, 2015, 2016, 2017, 2019) posent des problèmes.
Le football féminin, en confirmant son quotidien, risque-t-il de brûler devant tant de lumières ?
William Commegrain Lesfeminines.fr
Livre : Wendie Renard, sortie le 4 décembre 2019. Mon Etoile.