Le slogan de la Coupe du Monde 2019 « Dare to shine » ou « le moment de briller » convient très bien aux joueuses qui brillent. Sofia Jakobsson, depuis quatre ans à Montpellier a un jeu brillant. Elle fait partie de ces aventurières internationales suédoises (Oqvist auparavant, Linda Sembrant, Stena Blackstenius) que Jean-Louis Saez, le coach de Montpellier, a réussi à convaincre pour poser leurs valises sur les terrains ensoleillés du Sud Est de la France.
A 27 ans, elle fait partie de ces joueuses qui sont dans l’âge de produire leur meilleur football. Si sa qualité de vitesse est connue de tous, son envie incroyable d’avoir ce jeu vers l’avant montre un état d’esprit personnel particulier. Différent. Original. Intéressant. Lorsque je lui ai proposé cet interview, elle l’a accepté en précisant qu’elle préférait l’écrit. Au vue de mes questions, sa première réponse a été « ce sont des questions très personnelles ! ». Quinze jours après, quelques échanges et la réponse arrive : « Je vais essayer de répondre aussi bien que je peux ».
Sofia Jakobsson m’interpelle. Je me suis intéressé à sa philosophie d’être. « I try to see everything in life positive ».
La saison dernière elle avait littéralement explosé tous les compteurs de la D1F avec une première place au classement des buteuses qui laissait présager un potentiel titre pour Montpellier. La meilleure buteuse à mi-saison donnant souvent le titre à son club. Un rien à lire pour ceux qui ne suivent pas le football féminin. Un exploit énorme en France pour les autres alors que le titre est estampillé OL depuis dix années.
Une méchante blessure lors d’un simple entraînement anéantira l’exploit. Les ligaments croisés. Un instagram publié dans l’instant. L’émotion est flagrante. Cette joueuse a voué le football à sa vie. Dans l’instant, elle a le sentiment de ne plus exister. La fin d’un rêve, de son rêve.
Pourtant, elle verra sa meilleure saison s’envoler en fumée. A son meilleur âge, l’Euro 2017 (tous les quatre ans) des suédoises se fera sans elle et il ne lui restera plus qu’à travailler pour regagner sa place quand Valérie Gauvin et consorts avaient si bien terminé l’ouvrage avec une seconde place européenne à la place de l’habituel PSG (quatre saisons de suite). Montpellier aurait pu être champion avec Sofia Jakobsson. L’OL sera champion pour une onzième fois.
Qui a déjà interviewé des suédoises en zone mixte comprendra ce qui va suivre. Ces jeunes femmes sont totalement concentrées dans leur match puis, dès la coup de sifflet final, sortent avec un sourire incroyable. Rient. Totalement décontractées. Eloignées du résultat s’il est mauvais. Non pas pour l’oublier, mais déjà. C’est du passé. Sofia Jakobsson est comme cela. Elle porte en Elle une culture suédoise dont elle en a fait son interprétation. Ce qu’elle est dans le jeu. Sa réponse a été claire : « J’ai toujours apprécié la vie et je veux toujours l’apprécier et la vivre de manière positive sans jamais oublier de vivre ma vie ».
Lorsque je lui résume ses réponses par message privé : « 100% positive ». Elle me répond immédiatement en deux mots : « Oui, c’est exactement cela ».
Si vous la voyez partir vers l’avant et que vous restez bouche bée par tant d’allant, aucun doute. C’est simplement et totalement Elle. Elle aurait pu être une coureuse de 400 avec ses enjambées à la Marie José Pérec. « Quand j’étais jeune, j’ai fait plusieurs sports dont l’athlétisme, le floorball et le football ». Mais quand il fallait choisir et que « les plannings de croisaient », dans ces pays où l’automne dépose son manteau de neige, elle a toujours choisi le football.
Gamine, rêver à un impossible rêve mais rêver quand même !
Ce sera donc le football. Il faut dire que les performances suédoises sont au top dans ce moment là. Uméa a été deux fois championne d’Europe (2003 et 2004) d’une compétition qui se lance sur le plan européen (2002). La Suède est finaliste de la Coupe du Monde (2003) et a déjà un passé dans ce sport féminin. Est-on ce que l’on est sans héros ? Quelle est la part d’inné ou d’acquit dans une carrière sportive ? Sofia répondra comme toute sportive de haut niveau qu’elle est d’abord ce qu’elle est mais que « les performances incroyables de Marta (cinq fois meilleure joueuse FIFA, meilleure buteuse d’Uméa avec 111 buts) et de Hanna Ljungberg (internationale suédoise, joueuse d’Uméa ayant eu un timbre à son effigie) l’ont interpellé à voir que ces joueuses faisaient des choses que nulle autre féminine ne faisait. »
Porter le maillot de son équipe nationale peut être un objectif. Il est surtout une réalité : être sélectionnée parmi les meilleures de son pays. Demandez autour de vous. Personne ne parlera de la même manière d’une sportive, entre une joueuse sélectionnée en A, estampillée « equipe de .. », d’une bonne joueuse de championnat. « Dès mon plus jeune âge, je disais à mon entourage que mon rêve serait d’être professionnelle et de joueur pour l’équipe nationale de Suède. »
Sa première sélection se fera à 21 ans pour la Coupe du Monde en Allemagne, après trois saisons de formation passées à jouer à Uméa IK (2008-2011, 58 matches, 18 buts), en ayant croisé Marta (2004-2008) la seule brésilienne à avoir la double nationalité suédoise.
100% positives. Les suédoises ont l’esprit d’aventures.
A 21 ans, elle part pour les lointaines steppes russes de Rossiyanka (2011-2°13) sous les ordres de Farid Benstiti qui lui, décolle immédiatement après pour le PSG (2012). Il se souvient très bien de la joueuse. « Elle avait déjà toutes ses qualités incroyables ». Deux saisons après, c’est l’Angleterre et Chelsea pour un court passage (2013). Un séjour en Allemagne à Cloppenburg (2013-2014) mais là où elle va exploser, c’est à Montpellier (2014), en contrat jusqu’à 2019.
Partir si jeune en Russie ? Il en faut du courage ou de la folie. « Non, comme je le disais. J’adore les nouveaux challenges et je suis une personne qui adore voir et apprendre de nouvelles choses. Je me souviens m’être dit : si cela ne marche pas, je peux toujours revenir à la maison en Suède. »
Lorsque je lui dis que les suédoises ne se « prennent pas la tête ». Elle me répond surprise que nous puissions les voir comme cela. Pourtant, son choix sur Montpellier s’est fait au feeling : « Quand le club m’a appelé, j’avais fait beaucoup de pays et j’étais sur le point de revenir en Suède. Mais j’ai senti un vrai feeling. J’étais toujours prête pour de nouveaux challenges et quand je regarde en arrière, j’ai pris la meilleure décision de ma carrière ! ». Si Philippe Saurel, le Maire de Montpellier cherche une nouvelle ambassadrice bilingue, il en a une sous la main : « Ma première impression sur Montpellier a été ce magnifique soleil et le temps magnifique. J’ai rapidement adoré la ville et les gens. Mon club et mes partenaires. Cela m’a donné le sentiment très rapide que je serais très bien ici. Et j’en suis à ma quatrième saison ! »
La flèche Sofia en 2018 ? Direction un titre.
Elle a une telle vitesse d’exécution que lorsqu’elle l’associe à la confiance des grandes, en deux touches de balle, la défenseuse française comme internationale possède le mètre de retard qui devient double ou triple mètres au moment de la frappe. Frappe. Confiance. Lucarne. Salut, « Au revoir ».
Qui a vu son but en finale de Coupe de France face à Saki Kumagai ne peut que donner du crédit à cette description. Elle part à tombeau ouvert dans un coin de la surface. double accélération. Un mètre d’avance. En coin. Tir. On cherche la balle. Elle est dans les filets. Passée sous la barre. Montpellier mène 1-0 face à Lyon. Un but incroyable.
Actuellement, personne en Europe, n’est capable d’aller aussi vite devant..
« Je suis de retour de ma blessure. Je sais que cela va prendre encore du temps pour revenir au niveau où j’étais avant. Je n’en suis pas loin, mais il faut encore du travail. Par contre, je sais que lorsque je serais totalement revenue, je serais encore bien plus forte qu’avant. »
Sofia Jakobsson est capable, à elle seule, de faire cette différence que l’équipe ne fait pas. De faire descendre une latérale si bas que l’alignement de la défense n’est plus horizontal mais ressemble à une forme sans forme qui se déforme au fil de la vitesse de la numéro dix suédoise. Avec une Stina Blackstenius, un format proche de celui d’Ada Hegerberg, Montpellier a la possibilité d’aller loin en Women’s Champions League et pourquoi pas, de la remporter en sacrant cette joueuse de 27 ans, meilleure joueuse d’Europe 2018.
« Pour gagner des titres, vous devez faire une bonne année sur le plan personnel et il faut que l’équipe le fasse aussi. J’espère vraiment qu’avec Montpellier et l’équipe nationale suédoise, on puisse gagner ensemble un grand tournoi et rendre le rêve réel. »
Montpellier est l’équipe qui peut faire cette performance. Toujours sur le fil dans le résultat mais avec un tel feu dans les jambes qu’elles marqueront le but « de plus » qui fera la victoire. Il y a dans cette équipe du Sud de la France le mental, la tactique et la technique suffisante pour s’imposer -sans être la meilleure équipe d’Europe-. Dans un football féminin qui fait des erreurs, il y a la place pour, même si en face, Montpellier jouera les quarts face à Chelsea en mars 2018.
Ma blessure m’a rendu plus forte !
2017 aurait pu être l’année d’une consécration française et pourquoi pas européenne. « 2017 a été une année difficile avec cette blessure -ligaments croisés- qui m’a tenu écarté de l’Euro 2017 et du championnat. Mon dernier tournoi est celui des Jeux Olympiques de Rio en 2016. Quand j’y repense, je ne peux qu’avoir un grand sourire avec cette médaille d’argent. »
Face à l’Allemagne est un jeu féminin en construction, les deux équipes n’avaient pas remporté tous les suffrages. Loin s’en faut. Mais elles avaient pris le meilleur sur les américaines comme sur les brésiliennes, qui recevaient la compétition. Cela donne des vérités et de la motivation. Qui se souvient de Caroline Seger (capitaine suédoise), jouer à table avec une boulette de pain et une fourchette pour propulser la boulette dans un verre avec des éclats de rire de toute l’équipe suédoise avant leur match face aux americaines, sait ce que ce peut signifier « le way of life suédois ».
Alors mon rêve est simple et clair : « quand je me concentre sur mon football, jouer mon meilleur niveau sans blessure« . Et si on parle récompense individuelle ou collective, Sofia a le raisonnement des sportives de haut niveau : « la réussite est collective. Si une joueuse est forte c’est grâce à son équipe. Nous allons travailler dur pour cela et nous verrons ce que 2018 nous donnera.
2018. C’est juste devant nous ! ».
Toutes les joueuses internationales ont le regard sur 2019 et la Coupe du Monde en France. Le slogan choisi par le comité d’organisation local est réellement international. Il leur correspond. « Dare to shine » ou « le moment de briller » voire « Oser briller ».
Sofia Jakobsson, 27 ans, internationale suédoise. Joueuse de Montpellier Hsc jusqu’en 2019. le slogan « Le moment de briller » ou « Dare to shine » lui va bien.
William Commegrain lesfeminines.fr