Pour rendre compte de cette première historique après trois échecs des Rafettes à ce stade de la compétition, dont le dernier face à Saint-Etienne aux tirs au but ; j’ai proposé à Solène Barbance, milieu de Rodez, de nous refaire vivre l’aventure, à la manière d’une caméra GoPro, en nous relatant chaque moment important de cette qualification, lors de l’avant-match, sa vision pendant le match et l’après match.
Rentrez dans ce quart de finale, telle qui a été vécue Samedi 27 février 2016, trois heures au plus tôt avant le match. Solène Barbance, 24 ans, Rodez (2006-2009), Toulouse (2009-2011), PSG (2011-2012), Albi (2013-2014), Toulouse (2014-2015), Rodez (2015-2016). L’accent rocailleux du Sud de la France et ses valeurs.
Q. Déjà, la causerie d’avant-match. Comment cela s’est passé ?
C’est le coach qui a trouvé les bon mots. Il a fait passer une vidéo de motivation. Je ne sais pas si vous voyez, mais c’est une vidéo où l’on voit des jeunes qui sont en difficulté et qui arrivent à se dépasser, au-delà d’eux-même, pour arriver à réaliser des exploits.
Pendant la causerie, il y avait des filles qui avaient les larmes aux yeux car en terme de motivation … c’est difficile de faire mieux. Il a dit que « c’était un moment historique pour le club, qu’il fallait passer ces quarts de finale, qu’il fallait passer ce cap. Trois fois que l’on échouait là. L’année dernière aux pénalties. C’était important de ne pas prendre de buts d’entrée, comme l’an dernier (rires, elles ont été menées 0-2 au bout de 16′) et puis qu’il fallait continuer à jouer notre jeu, que l’on était en confiance et réitérer notre match contre Juvisy (1-1 après avoir été menées) et aller chercher la victoire. «
Q. La causerie s’est passée longtemps avant le début du match ?
Elle a été coupée en deux parties puisque l’on a été réuni au Château de Vabre vers 11h 1/2. On a mangé, et vers midi 1/2 et treize heures, il a fait une première partie de causerie. Après on été allé au stade de Paul Lignon (match à 15 heures) ; et là, il nous a montré la vidéo de motivation. Juste avant le match. Voilà ..!
Q. Et alors dans les vestiaires, à quel moment avez-vous senti quelque chose de particulier qui pouvait se mettre en place ? Quand on s’habille, quand on met les chaussures, .. ? Vous avez senti quelque chose de particulier à ce moment là, où tout le monde était déjà dans sa bulle ?
Tout le monde était dans son monde. On a rien changé à notre préparation. On savait toutes que c’était un quart de finale et que l’an dernier, il y avait eu un échec (2-2 face à Saint-Etienne. Perdu aux tirs au but). L’enjeu était fort avec une première demi-finale à aller chercher, ce que les Rafettes n’avaient pas réussi à faire jusqu’à aujourd’hui.
On se préparait individuellement et même collectivement avec des petits mots, en se soutenant. Ce genre de petites choses..
Q. Un peu, ambiance rugby ?
« L’ambiance Rafette », c’est un petit peu particulier. C’est quoi ? Sans rentrer dans la confidentialité. Ca chambre, ca rigole ? Il y a de tout. C’est un mélange de concentration, de détentes, de chants, de blagues. Il y a de tout. C’est cela qui fait la magie de cette équipe. On est capable du pire comme du meilleur.
Q. Après, on va s’échauffer. On est dans la compétition et dans l’habitude. Comment vous êtes-vous senti pendant cet échauffement ?
Ca se passait bien. On était dans notre match avec un échauffement habituel. On voyait qu’il y avait de plus en plus de monde qui arrivait. On était contente de se dire que le public suivait. On savait que l’on allait avoir un gros Guingamp car même si elles ont une saison difficile, il y a de très bonnes joueuses en face et qu’elles allaient nous imposer un défi physique qui allait être difficile.
Q. D’habitude les filles se connaissent beaucoup. C’est le cas entre Guingamp et les Rafettes. Je ne sais si elles ont joué ensemble mais il y a beaucoup de filles qui se connaissent. La plupart se connaissent. Q. Puis le retour dans les vestiaires et le couloir. Oui! On se tape dans les mains. On se dit qu’il faut que chacune rentre dans son match et que c’est ensemble qu’on arrivera à gagner ce match. Qu’il faut être soudées et solidaires. Qu’il va y avoir des moments difficiles et qu’il faudra savoir s’accrocher et que voilà, cela va passer. On y croyait, on y croyait ! Q La présentation devant le public. On est quasiment dans le match. Psychologiquement on est déjà dans le match. On salue le public devant et le public derrière. On commence à serrer les mains. On se tape dans les mains. On dit un petit mot quand on est en rond, dans notre partie de terrain.
La capitaine vient nous dire qu’on a perdu le toast comme d’habitude (rires). Et en général, quand elle perd le toast, on gagne les matches ou on fait quelque chose de gros derrière. Elle a dit : « C’est une bonne nouvelle !! ». Et derrière, on a fait notre cri : « Raf ! Raf ! La Patate ! »
Et c’était parti.
Q. Ce début de match, qu’est-ce qui se passe ? Vous aviez qui comme adversaire direct ? Vous vous repérez face à votre adversaire direct ?
En général, comme nous on joue avec deux 10 et une 6, on se retrouve toujours en face avec deux 6 et une 10. Notre 6 prend leur 10 ; et nous les deux 10, on prend leurs 6. Moi, celle que j’avais en première mi-temps, c’est Aminata Diallo (Equipe de France B). Après, cela a évolué car elles jouent un peu comme nous. Elles ne jouent pas forcément avec des postes fixes, elles jouent les coups et c’est en général ce qui met les équipes en difficulté.
On a eu de gros problèmes pour les tenir. Q. Elles ont pris le dessus ? Le milieu de terrain. C’est là où on a perdu la bataille en première mi-temps. Et c’est vrai qu’avec les décrochages d’Oparanozie qui a fait un très gros match devant ; derrière le milieu de terrain a eu une grande qualité technique et là, où on avait réussi à prendre le dessus lors du match de championnat, c’est elles qui ont pris le dessus en première mi-temps et on a été mises en difficulté.
Q. Là vous en prenez deux coup sur coup, 14′ et 16 ‘. (0-2). Cela fait mal. Cela fait mal car on en est qu’à 16’ de jeu. Cela fait mal. Comment on revient d’un truc comme cela ? Psychologiquement, on se dit que l’on a plus rien à perdre. De toute façon, on n’est pas dedans. On est submergé par des assauts. Au milieu de terrain, on ne tient pas le ballon. On a beaucoup de déchets. Et on a pas le choix ! Il faut se secouer et trouver une solution. On a limité la casse en arrêtant d’en encaisser et on s’est quand même procuré deux trois occasions franches que l’on n’arrive pas à mettre au fond.
On savait qu’à la mi-temps cela nous ferait du bien de se parler et d’essayer de trouver des solutions. Voilà, on rentre à la mi-temps (0-2) ; certes têtes basses mais pas abattues.
Q. Est-ce qu’il y a eu quelqu’un dans cette première mi-temps qui a dit, les filles, il faut y aller où cela s’est fait graduellement ?
Cela s’est fait à la mi-temps. Clairement. Quand on est entré dans les vestiaires, chacune y est allée de son petit mot. Que ce soit les gardiennes, le coach, les filles. Tout le monde a dit à sa façon qu’il fallait se re-motiver, se re-mobiliser comme on savait le faire, qu’il n’y avait plus rien à perdre. On savait que l’on était capable de revenir à (2-2) puisqu’on l’avait fait l’année dernière. On savait. Q. Au foot, cette mi-temps est hyper importante? C’est sûr. Cela remet les choses à plat. Psychologiquement, cela permet de couper un peu. De souffler. De se dire : « On perd 2-0. C’est un quart de finale de Coupe de France. Tu n’en joueras pas tous les jours. Il faut vraiment aller au bout de soi-même. Se sortir les tripes. Il n’y a pas. On n’est pas des ruthénoises pour rien. Il faut faire quelque chose ! ».
L’entraîneur a eu les bons mots. Les filles ont eu les bons mots. Et c’est vrai qu’en deuxième mi-temps, on est entré avec de biens meilleures intentions.
Q. Cela se voit dès le début en général.
L’entraîneur a été très bon car il a fait un changement tactique qui nous a fait passer en 4-4-2 et je pense que c’est cela qui nous a fait aussi gagner le match. On a moins subi au milieu de terrain et on su trouver la faille sur les côtés. C’est passé beaucoup plus facilement. C’est là où on a réussi à trouver la faille. Vous aviez la possession du ballon ? La possession du ballon., je ne sais pas. Mais on a réussi à passer sur les côtés et c’est là que l’on a fait la différence.
Q. Vous revenez à 1-2, à domicile. Cela commence à être l’enfer pour les autres ? Elles se disent on va prendre les vagues. Vous l’avez vu sur les joueuses de Guingamp ?
Elles ont commencé à beaucoup défendre. Je pense que si elles avaient continué à attaquer en première mi-temps et qu’elles nous avaient mise le troisième but. C’était terminé. A 0-2, je pense qu’elles se sont dits, on reste en défense et on attend. Je pense que nous, avec nos meilleures intentions quand nous sommes revenus en seconde période, en accumulant les assauts, on savait qu’elles allaient finir par craquer.
Le premier but est arrivé assez tôt, on était contente ! On s’est dit qu’il y avait du temps et que le deuxième allait finir par arriver et puis même le troisième (rires !). On ne voulait pas aller aux tirs au but !!
Q. Ce premier but, Aminata Diallo qui est une bonne joueuse. Vous la voyez reculer ? Perdre des balles ?
J’ai le souvenir quand on a marqué le premier but. je crois que c’est juste après où encore, elles ont un assaut. Elle dit : « les filles, arrêtons de reculer, remettons-nous dedans ! ». On voyait que l’équipe de Guingamp était en difficulté et nous, nous n’avions plus rien à perdre. Et que, voilà, c’était nous qui avions pris le dessus sur le match. Cela se sentait sur le terrain.
Q. Alors quand ce deuxième but arrive. Cela doit être magnifique.
C’est la libération. On se dit : « Ca y est ! On y est arrivé ! » mais on voulait aller chercher le troisième. Il restait dix sept minutes et on voulait vraiment aller chercher le troisième !!!
Q. Pourquoi il n’arrive pas ?
Je pense que pour marquer ce deuxième but on avait tellement donné d’énergie pour aller chercher l’égalisation que déjà, on avait moins de jus pour attaquer et pour aller chercher ce troisième. Mais c’est vrai qu’à la 90′, on a une action hyper franche et on échoue deux fois devant la gardienne. Après c’est notre difficulté dans le réalisme qui nous fuit depuis de le début de la saison. Ca, c’est typique du football féminin. Cela arrive assez souvent.
Q. Et vous sentez que Guingamp se bagarre pour ne pas prendre ce troisième but ou pas ?
Après, dans le dernier quart d’heure, c’est devenu vraiment très équilibré. C’était « attaque-défense » de chaque côté. On voulait toutes gagner et surtout les deux équipes ne voulaient pas perdre. C’était une fin de match au couteau . C’est cela. Oui.
Q. Et puis arrivent les pénalties. Les tirs au but. La loterie. Pour moi, ce n’est pas réellement une loterie. Pourquoi vous en mettez quatre et elles qu’un ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Les joueuses se sont proposées pour aller tirer. On avait grandement confiance dans notre gardienne qui réalise un très bon parcours en Coupe. Notre première joueuse s’en va tirer avec beaucoup de pression, et elle marque (1-0). Derrière, celle de Guingamp tire, et elle marque aussi (1-1). Notre deuxième tireuse marque aussi (2-1) et ensuite Aminata tire au-dessus. Là, c’est l’euphorie, mais on reste concentrées car on sait que rien n’est joué. Que ce n’est que le deuxième. Il faut rester dedans. Il faut rester concentré car il y en a d’autres qui vont tirer. On reste mobilisé.
Notre troisième y va. Elle marque (3-1). Donc on mène 3-1. Ca c’est énorme car elle valide la différence. Elle valide avec deux buts d’avance. C’est une belle bouffée de marge, on va dire. Puis, la fille de Guingamp qui va tirer et là, Julie le sort sur la barre. Donc là c’est l’euphorie, car on sait en gros que si Flavie va le mettre derrière. Ca y est. On est en demi.
Et Flavie, on sait qu’elle tire très bien les pénalties. Elle s’avance. Pleine de confiance et voilà, (silence) .. elle va battre la gardienne ! (4-1) Et là, clairement, c’est l’explosion. L’explosion de joie. On entend tout le stade qui crie. « On est en demi !! », « On est en demi !!! ». C’était l’euphorie !! Pfuut ! C’était une émotion énorme, ENORME. On perdait deux zéros après 15 minutes de jeu et qu’on revienne à 2-2 et que l’on gagne aux pénalties.
Enfin le sort nous était favorable ! On passe les quarts de finale. A la maison! C’était la folie.
Q. C’est pour des moments comme cela que l’on joue au football dans un club.
Exactement ! C’est exactement la phrase que j’avais en tête (grands rires).
Q. On va redescendre un petit peu. Bon, moralité, vous rencontrez Lyon (rires). Si vous faîtes les pénalties contre Lyon, c’est la France entière qui se met à genoux devant vous (grands rires) !
Si on arrive aux pénalties face à Lyon, ce serait une performance énorme. Le seul regret que j’ai par rapport à ce match, c’est que cela ne soit pas à domicile parce que, je pense qu’à Rodez, on aurait fait en sorte que cela soit une fête de toute la ville, même de toute la région et on aurait aimé qu’il y ait un monde pas possible pour soutenir cette équipe.
C’est un peu dommage d’aller à Lyon car je pense qu’elles sont habitées aux demi-finales. Aux grandes rencontres. Donc voilà. On va aller là-bas en conquérantes. On sait que l’on a rien à perdre. On joue contre la meilleure équipe du monde. Contre des joueuses de classe mondiale. Et puis voilà. Comme on dit, on va jouer crânement notre chance .. et essayer de créer un nouvel exploit.
Pourquoi pas.
Merci Solène. Dommage que Rodez soit oublié des sélections car c’est un club qui en est à sa sixième saison consécutive en D1F avec des joueuses qui font certainement une superbe saison.
William Commegrain lesfeminines.fr
L’Olympique Lyonnais recevra Rodez-Aveyron le 17 avril 2016 pour une demi-finale.