L’Olympique Lyonnais, au coeur lyonnais, est devenu en un peu moins de deux années, un concept américain avec John Textor pour l’équipe masculine et Michele Kang pour les féminines. Qui aurait pu le croire ?

La conférence de presse de Michèle KANG a montré une énergie conséquente de la part de la milliardaire américaine, d’origine Coréenne, créatrice de Cognosante. Bien loin de ce qui est identifié quand on évoque une personne de 64 ans. Prenant la parole en exclusivité, interpellée par la presse régionale lyonnaise dubitative, The Athlétic aux USA, et montrant un CEO, Vincent Ponsot, ex-bras droit de Jean-Michel Aulas (2020-2022), en homme quasi-obligé de se mettre au rang de simple collaborateur, appelé à mettre en forme la vision de la nouvelle propriétaire.

Le message était clair. Je donne la vision, il exécute. « Le leader fixe la vision, les objectifs. Ensuite, vous recrutez les meilleures personnes ». Le tout accompagné d’un geste de la main non équivoque : celui de la délégation.

Jean-Michel Aulas a construit un château pour devenir Baron, Comte, Marquis, Prince, Duc, Roi et Empereur du football féminin (le tout dans l’ordre hiérarchique des titres de noblesse).

Michele Kang s’adresse à la gente féminine, aux jeunes filles pour qu’elles fassent la même chose que les garçons en termes de performance de haut niveau. Elle ne cherche pas un territoire, elle a une vision pratique et veut répondre à un besoin d’excellence féminine, non satisfait.

Elle veut parler d’excellence au féminin et pour cela nous fait comprendre que l’évolution ne sera pas de mettre l’Olympique Lyonnais sur le toit du monde mais de créer, sur chaque continent à fort potentiel, une structure de haut niveau qui aura trouvé sa raison d’être et sa compétence à Lyon, tête de pont faite de 26 personnes attachées à diagnostiquer la performance féminine et qui aura justifié d’un savoir-faire spécifique, réservé aux athlètes féminines de haut niveau.

En cela je la rejoins et j’ai un sourire en coin, en pensant à Elisabeth Loisel, vilipendée par la sororité des médias nationaux, quand elle a lancé l’idée de créer, en 2021, une formation spécifique liée au coaching des joueuses professionnelles (certificat d’entraîneur de football féminin), quand la tendance était, de faire croire qu’en copiant les hommes, on bénéficierait des mêmes résultats et avantages.

La réalité de Michele Kang est qu’il y a de grandes différences entre les femmes et les hommes et plutôt que de les ignorer, elle veut les mettre en valeur, les faire spécifiquement étudier pour créer ce qui convient à la femme et non pas ce qui convient aux deux.

La seconde analyse de Michèle Kang, propriétaire sur le fil de l’OL Féminin (52,91%) via son groupe YMK Holdings, est d’entraîner les fans à venir aux matches, pour d’autres raisons que celles d’avoir une invitation gratuite.

Pour cela, elle a fait réaliser, depuis le 16 mai 2023 date de l’annonce de sa prise de contrôle à venir, et pendant les huit mois d’échanges et de négociation avec JM Aulas (8 février 2024), une étude de matché montrant qu’elle ne trouverait pas ses 5 à 20.000 fans auprès des ultras du football masculin (seul 10% se sentent concernés par les deux univers) mais auprès d’une cible familiale, à qui elle veut proposer une expérience spécifique avant et après la rencontre.

Les spécialistes diront qu’ils espèrent que cette étude a montré d’autres choses car l’information était assez bien connue.

Pour cela, elle lance une « invitation du cœur » aux médias français afin de relayer les messages et compétitions du football féminin, trouvant qu’elles n’ont pas le volume qui convient.

Là encore, elle risque de se trouver face à un mur : celui du football qui a l’habitude d’être d’accord le lundi, pour s’opposer le mardi, s’invectiver le mercredi, en espérant redevenir les meilleurs amis du monde, le dimanche, quand ils se retrouvent ensemble, pour discuter de la vie du village autour d’un vin de messe.

Le système français est bien loin de celui de la NWSL, régi par des femmes pour des femmes et sans concurrence masculine, qu’elle connait depuis 2020 pour être propriétaire du club de Washington Spirit. Comme pour l’instant avec l’obligation de vendre l’OL Reign, impérativement avec le 16 mars 2024, date de la saison américaine, au risque de ne pas y concourir, du simple fait qu’un propriétaire ne peut pas être possesseur de deux clubs dans le même championnat.

Une situation qui risque fort d’en faire baisser l’estimation, (50 millions) laissant néanmoins une belle marge puisque acheté un peu moins de 4 millions en 2019.

Il est aussi différent de celui anglais, qu’elle connait en étant depuis peu, propriétaire des London City Lionesses, puisqu’il y avait un désert en football féminin, permettant la construction des nouvelles règles de professionnalisation et de championnat qui ont fait le succès de Chelsea, Manchester City et d’Arsenal.

Enfin, le 3e verset de sa présentation est le besoin de construire sa maison. A dimension mondiale.

Une nouvelle maison. Plus qu’un nouveau stade, un nouveau centre, à dimensionner entre le Groupama stadium (naming courant jusqu’en 2025) qui touche les 60.000 places (59.186) et le stade d’entraînement contigu, réunissant aux alentours de 1.500 spectateurs.

Une nouvelle maison spécifique au sport féminin, et non pas réservé au football féminin, pour aller vers d’autres expressions sportives de sa vision « créer quelque chose de spécifique aux athlètes féminines ». L’Olympique Lyonnais féminin devenant un centre de recherches de références, sur le plan mondial, à la pratique sportive de haut niveau des féminines.

En attendant, L’OL Féminin, 16 fois vainqueur du championnat de France et à huit reprises de la Ligue des Champions, bénéficiera des marques Olympique lyonnais durant au moins 50 ans et de certains services fournis par OL Groupe et ses filiales, notamment l’utilisation du Groupama Stadium et du centre d’entraînement attenant. 

Loin de moi de croire que Michele Kang nous envoie des messages qui n’engagent que ceux qui les entendent.

Elle cherche l’équilibre de son business. On peut facilement le comprendre après avoir vu son temps de négociation auprès des équipes de Jean-Michel Aulas, avec huit mois d’échanges.

Je pense plutôt, qu’il risque de manquer des réalités à sa nouvelle maison lui retirant sa force féminine, tout simplement par habitude hiérarchique du football masculin : le patron ou propriétaire propose mais dans les faits, il ne dispose que d’un droit : celui de son carnet de chèque.

Pourtant on a quand même envie d’y croire puisqu’elle évoque la notion de « partage des bonnes pratiques ».

Sauf qu’il s’agit d’un terme plus d’une fois utilisé et entendu depuis la Coupe du Monde 2019 en France, -date d’ailleurs de son RDV « Tinder » avec le football féminin-, pour un résultat bien éloigné de l’espérance.

D’autant que juridiquement, il est tout à fait possible en droit français, depuis la loi PACTE du 22 mai 2019, d’insérer une mission sociétale dans l’objet social ou dans les statuts de la société, donnant la qualité de « société à mission », quelque soit la forme juridique initiale de la société (SA, SAS, SCA), et permettant à toutes les parties prenantes de l’entreprise, salariés, clients, fournisseurs, banques, d’adhérer non pas à des mots, mais à des principes statutaires.

Cela donne du crédit et une valeur que le droit a qualifié de « raison d’être ».

La raison d’être semble là, évidente : donner les moyens au sportives de haut niveau de performer en travaillant exclusivement sur les particularités féminines pour les améliorer.

Une raison d’être, des missions si facile à écrire qu’elles n’entraînent que peu d’obligations. Juste l’envie d’écrire pour une vérité. Obligeant seulement, ladite société à créer, un Comité de mission, fait de partenaires internes et externes (en quelque sort des administrateurs), validant ou invalidant, le respect par le dirigeant de la société, des valeurs qui ont réuni ce nouveau monde.

La vérification des objectifs statutaires des sociétés à mission est effectuée tous les 2 ans pour les entreprises de plus de 50 salariés et tous les 3 ans pour les entreprises de moins de 50 salariés. En pratique, cette vérification est effectuée par un organisme tiers indépendant (OTI), accrédité par le Comité français d’accréditation (COFRAC), qui est désigné pour une période renouvelable dans la limite de douze exercices comptables.

L’OTI est chargé d’indiquer dans son rapport :

–    si la société respecte ou non les objectifs qu’elle s’est fixés ;
–    si tous les moyens sont mis en œuvre pour atteindre les objectifs ;
–    le cas échéant les raisons pour lesquelles les objectifs n’ont pas été atteints

On peut s’interroger sur cette absence, d’autant qu’elle a éludé les mots « juridiques » lors de sa conférence de presse.

Le droit a l’avantage de concrétiser, préciser comme de contraindre.

Si le football féminin n’est pas une société à mission, alors qu’est-il ?

Dommage que les juristes de son équipe ne soient pas allées au bout de ses idées. En espérant que cela ne soit qu’une maladresse et non pas une omission volontaire.

Le statut étant là, difficile de comprendre les raisons de son absence quand le message est si fort. A comparer, c’est comme un médecin qui n’utilise pas la structure nouvelle adaptée au médecin.

A voir.

source BPI-France : https://bpifrance-creation.fr/encyclopedie/structures-juridiques/choix-du-statut-generalites/qualite-societe-a-mission

la conférence de presse de Michele Kang et Vincent Ponsot

https://olplay.ol.fr/vod/vod.22754-conference-de-presse-ol-feminin-michele-kang