Eve Perisset, Chelsea
Eve Perisset (28 ans), approche les trente ans. Formée à Lyon, appelée par Patrice Lair, elle s’est fait connaître en jouant pour le Paris Saint Germain (2016-2020), qui l’a recontacté pour Bordeaux (2020-2022). Lumières qui l’ont fait entrer chez les Bleues pour ne plus trop en sortir, forte de 47 sélections, acquises sous le coaching d’Olivier Echouafni et Corinne Diacre.
Plutôt petite, hargneuse et tête baissée dans son jeu, elle a fait craquer Chelsea Ladies pour une signature réussie, titulaire à droite.
Seule française lors la demi-finale retour face à Barcelone, perdue par Chelsea (0-1 et 1-1) elle a montré que la tactique détermine réellement le gain ou la perte d’un match, quand les deux équipes se valent.
Qui a vu l’arrière latérale droite revenir ! je ne sais combien de fois, alors que placée haut, elle voyait son attaquante, esseulée, vingt mètres plus bas, servie par le jeu barcelonais ! Et à la vitesse où elle revient, assez calmement, nul doute que la situation était prévue et demandée par la coach anglaise, Emma Hayes, sorte de Guy Roux au féminin.
Pourquoi pas ? L’idée était d’être près de Rölfo, suédoise placée arrière latérale gauche, fine, qui finit toujours dans la surface de réparations adverse avec une qualité d’attaquante quand elle vient chercher son pied gauche d’excellente facture. Un choix qui s’expliquait aussi quand on voyait le jeu de passes d’Eve Perisset, pour trouver des partenaires dans la construction latérale du jeu offensif anglais.
Sauf que pour attaquer, il faut avoir la balle et avec une équipe qui descend et subit, le jeu offensif de construction ; il est fait de contre-attaques rapides, souvent au centre chez les filles. Et laissez le jeu à Barcelone, avec des boulevards, c’est une belle erreur d’analyse.
Pour gagner Barcelone, c’est simple, il faut l’empêcher de réfléchir.
Barcelone sait lire sur le terrain, les points faibles qui se présentent.
Barcelone ne joue plus de passes courtes pour le plaisir d’un toro en plein match. Le « tiki-taka » que les joueuses barcelonaises jouaient jusqu’en 2019, à s’escrimer à ne pas perdre avec autant de ferveur le ballon que cela soit devant le but qu’au point de corner, est passé à la trappe du souvenir.
Aujourd’hui, la qualité barcelonaise est donnée au milieu de terrain à qui on demande de regarder le jeu, pour trouver immédiatement le point faible de l’instant et l’utiliser avec rapidité, facilité technique et esprit collectif.
A ce jeu de la lecture et de la qualité de concentration, Bonmati est la première au monde.
Immédiatement, elle a énormément joué à gauche, obligeant notre française à redescendre et redescendre puis redescendre. Toujours en retard, obligatoirement, laissant la charge défensive à Carter, d’ailleurs excellente dans son rôle à trois défenseures centraux.
Et que je descends, et que l’équipe descende, et que la surface adverse s’éloigne pour une équipe qui doit en mettre deux pour se qualifier. Bonne chance.
Psychologiquement, Chelsea subissait quand Barcelone caracolait. Et aujourd’hui, chez les filles, la psychologie a une forte influence sur sa capacité à subir et encore à créer. Elles peinent avec peine. Allez gagner avec cela dans la tête quand vous devez en mettre un de plus que vos adversaires, fort de 72.000 supporters !
Réalité impossible avec le jeu proposé par Emma Hayes, supposant que Barcelone ne marque pas. Avec Caroline Graham Hansen sur le terrain, dans l’esprit où elle est actuellement, c’est encore plus impossible ! Buteuse encore à la 63′ (1-0).
La mauvaise foi d’Emma Hayes
Emma Hayes joue la carte de « tout va bien » quand tout va mal. Les mots sont des salaires et donc, à ce niveau, la vérité ne sort jamais de la bouche des « parents ».
Sa tactique a généré un seul corner pour sept barcelonais. Trente-neuf attaques espagnoles pour douze anglaises. La coach, s’exprimant au micro de l’UEFA disant : « j’ai rarement vu Barcelone autant paniquer, notamment en deuxième mi-temps ». Pas convaincu ! D’autant que le nombre de tentatives anglaises n’a été que de cinq … pour quatorze barcelonaises.
A moins de penser que son équipe allait marquer sur ses deux ou trois occasions (performance des professionnels masculins), c’est espérer beaucoup dans un football féminin dont on sait qu’il doit améliorer son efficience pour être au niveau de celui masculin.
En fait, Chelsea a une joueuse phare, Sam Kerr, et à moins d’être en pleine période féminine -ce qui est très rare chez « les joueuses d’expérience », le corps ayant pris le temps de s’harmoniser- on a rien vu de la joueuse australienne, meilleure buteuse des championnats auxquels elle participe. Là, les seules balles obtenues venaient des dégagements de sa gardienne, Ann Katrin Berger, pour sa tête, dans l’espoir d’un second ballon, rarement anglais.
Une critique faite sans oublier l’occasion qui génère le but, servie en profondeur, obligeant une défense qui permet à la norvégienne Reiten (67′, 1-1) d’égaliser en second rideau dans la foulée du but encaissé. Une critique qui se maintient, devant l’obligation d’aller bien plus loin dans le score pour vaincre, l’anglaise ayant les joueuses pour ne pas vivre d’espoirs.
Les coaches ont un véritable rôle
Le football féminin a démarré avec des coaches qui n’avait pas besoin de connaître grand chose. Il y avait de telles différences entre les joueuses qu’il suffisait d’accélerer pour marquer ou gagner les duels qui s’offraient.
En 2023, les joueuses sont maintenant préparées, ordonnées, payées. Obéissantes. Quand les deux équipes sont proches, la différence est ailleurs : sur le temps, la répétition, la capacité à supporter et celles de créer.
Tout cela est du domaine du coach comme celui de l’organisation est du rôle du manager d’entreprise. Le coach a un poids énorme sur le jeu d’une équipe. De sa tactique, peut dépendre la victoire ou la défaite. Aujourd’hui, chez les filles, à un très haut niveau, cela peut être 50% d’incidence à partir du moment où le ou la coach décide de qui sort et qui entre, et dans ceux qui sont sur le terrain -le terrain étant tellement grand- à quelle place elles doivent se tenir, et y rester.
Eve Perisset est excellente sur l’homme. À la condition où l’adversaire vient vers elle, dans son périmètre d’arrière droit. SI vous lui demandez de faire des allers-retour incessants de quarante mètres, vous la perdez. Comme d’ailleurs bon nombre d’arrières droits à l’exception de Lucy Bronze dans le passé et Carpenter.
De cette rencontre, je retiens les erreurs d’Emma Hayes non-reconnues et la lecture du jeu des joueuses de Barcelone. Leur coach n’a jamais eu à parler pendant la rencontre. Il a les bonnes clés pour l’instant.
William Commegrain Lesfeminines.fr