Quarante-huit heures après la dernière rencontre des Bleues de Corinne Diacre, jouée un onze novembre, jour férié du calendrier français en hommage aux Poilus de la Grande Guerre, je ne dirais pas que le soulagement a été le même que celui des gaillards de France qui ont vécu l’expression associée de la bêtise et de l’horreur en 1918, mais les Bleues de France ont pu pousser un soupir de soulagement, après cette courte victoire, dont les quatre-vingt dix minutes ne voulaient pas donner, ni à l’une comme à l’autre, la gloire de la victoire.

Pourtant chacun la revendiquait et la souhaitait.

Norvège comme France avaient besoin de la victoire

La Norvège était encore en phase d’oxygénation après l’incroyable (0-8) subit lors de l’Euro 2022 face à l’Angleterre, les poussant hors des quarts dès la phase de groupe. Le coach danois avait présenté sa démission, acceptée et la déesse Hege Riise (53 ans) avait pris les rènes, forte du record de sélections (188) et d’un palmarès incroyable à l’époque où la Norvège dominait le football féminin (Championne d’Europe 1993, Championne du Monde 1995, Médaille d’Or aux JO de Sydney en 2000).

Une expérience associée d’une compétence puisqu’elle avait été l’adjointe du coach de l’Angleterre et pris en mains la sélection du Royaume Uni, aux Jo de Tokyo (quart de finale) en attendant que Sarina Wiegman ne prenne celle de l’Angleterre, s’occupant encore des Pays-bas (quart).

Comme un médecin traitant, comptant ses blessées sur le champ de bataille (Caroline Graham Hansen, Ada Hegerberg, Mjelde), elle a un besoin de victoires pour redonner la couleur du sang aux rouges norvégiennes. L’Australie et le mondial 2023 arrivant à grands pas. La courte victoire face à la Belgique (0-1) ne faisant rêver personne, la défaite lourde contre le Brésil (1-4) du mois d’octobre avait tout même du diagnostic fatal et Hege Riise n’avait que celle des Pays-bas (0-2) pour espérer un sort plus acceptable.

De son côté, Corinne Diacre n’est pas contre une pause au sein de l’hôtel de campagne que le secteur médical français a investi. Marie-Antoinette Katoto, général une étoile qui postulait au bâton de maréchal si un genou récalcitrant ne l’avait pas arrêté en pleine campagne de l’Euro 2022. Amel Majri, colonel d’infanterie sur le côté gauche, qui apprend doucement et sûrement à avoir des petites larmes de bonheur quand les médecins d’urgence la confortent dans les premiers soins à donner à son enfant. Griedge M’Bock qui va finir, psychologue après des sportives de haut niveau après son ienième blessure. Aissatou Tounkara, l’autre partie de la même moitié qui prend des cours d’anglais, blessée en angleterre et pour finir, la mobylette Selma Bacha, que le fortuné Elon Musk pourrait prendre comme exemple, tellement la joueuse sur le terrain, se donne à 110% quand lui réclame, auprès de ses salariés, les 80 heures d’usage. Un fou.

Corinne Diacre n’est pas appréciée, au-delà des non-initiés du football féminin. C’est une gageure de le dire, il suffit de voir les réseaux sociaux. Elle est donc sur un fil, bien solide depuis 2017, mais sur un fil quand même, et les deux dernières défaites face à l’Allemagne et la Suède, classées devant la France, font tanguer le pied de la française, maintenant funambule affirmée depuis le temps.

Si le jeu est à la charge des joueuses, la sélectionneuse française nous a appris avec le temps, que la tactique lui appartient et si la tactique s’impose, il en devient le jeu.

Les deux joueuses se connaissent. Chacune sait l’importance de la victoire de l’une sur l’autre. Surtout en Novembre. La défaite française contre l’Allemagne en 2017 (4-0) avait failli faire tomber la française face à Steffi Jones. Trois mois plus tard, en 2018, c’est elle qui devait démissionner suite à la déroute allemande face à la France (0-3).

Ce match a donc été une bagarre entre coach plus qu’il n’a été une opposition entre joueuses.

Ne cherchez pas le beau, vous trouverez l’utile.

Comme un marin parti faire la Route du Rhum, Corinne Diacre n’a pas sourcillé face à la force des jeunes norvégiennes, poussées par un fort vent de dos sur la première mi-temps. Les filles du Nord venaient mettre la pression sur le milieu français, nombreux dans un (2-5-3), sachant que les Bleues ne savent pas se défaire de cette amitié soudaine, similaire à celle d’un python, qui vient pour t’étouffer.

Seulement, les Bleues ont du sang de Cobra dans les veines. Elles vont vites et piquent.

Cascarino centre pour la tête piquée de Matéo. Cadrée, dans les bras de la gardienne (6′). Sakina Karchaoui, électron libre du jeu français, s’essaie sur un tir du droit qui a tout de celui d’un tir FIFA. Bien droit mais sans couleur pour y croire. Diani, s’interroge à se lancer sur un 400 olympique à dix huit mois des jeux et pique au centre, montrant que la Norvège n’a pas choisi les meilleurs moteurs électriques pour changer de génération.

Là, arrivera ce qui est beau.

Diani est servie par Karchaoui, de latérale à numéro huit, plein centre. Elle s’élance. Il y a de la puissance. L’adversaire est derrière, comme un camion de 38 tonnes vide, mais camion quand même.

La joueuse du Paris Saint Germain nous fait un « cadrage débordement » sur la gardienne dans une symphonie d’entraînement, pour se décaler et glisser, course pleine, la balle dans les filets (21′ 0-1). Elle avait eu la même occasion face à l’Allemagne, la gardienne l’avait arrêtée. Là, c’est au fond.

Un seul éclair mais un éclair suffisant.

La Norvège va égaliser. Tout part de la latérale gauche. Elle s’enfonce, passe Cascarino, passe Geyoro, centre entre Renard et De Almeida. Entre les deux, Haug place sa tête. Dix minutes plus tard (1-1, 31′), c’est l’égalisation.

Coup de vent en Espagne. Riise espère. Diacre soupèse les futurs problèmes.

Le reste n’est à décrire que pour les passionnés. Ils ou elles ont déjà lu et vu.

L’espoir viendra en fin de rencontre, de Viviane Asseyi. Elle, dans un film, tu la places commando. Juste derrière les lignes arrières, prêtes à partir, en sachant très bien que l’ordre qui lui sera donné, vaut autant pour recevoir la médaille du combattant ou rester, allongée, quand les autres joueront les compétitions.

C’est son destin. Soldat mais aussi libre.

Cette joueuse aime mettre l’autre dans la difficulté. Pas grande, pas petite, vive. La voilà seule sur ce corner de la 82′. La balle lui vient sur la tête et les buts sont remplis de joueuses. Il ne reste qu’un trou de souris. Là, sur le côté gauche, près du poteau. Elle pique la balle, la regarde aller dans la bonne direction. Toutes la regardent cette balle. Et boum, la voilà qui franchit la ligne. Avec le sourire de Vivi devant le plongeon inutile de la gardienne, histoire de sauver la mousse sur la bière.

La France gagner (1-2). Diacre a gagné Riise. Ce n’est pas rien dans les rapports entre les coaches.

La France a les mêmes problèmes mais un emmerde en moins.

Au pays où on fait des emmerdes, des rois. Ce n’est pas rien.

Prochain match de la France, au Tournoi de France en février.

William Commegrain Lesfeminines.fr

Vendredi 11 novembre 2022 – 21h10 (W9)
NORVÈGE – FRANCE : 1-2 (1-1)
La Nucía (Estadi Olímpic Camilo Cano) [Espagne] – 412 spectateurs
Temps légèrement couvert (16°C) – Terrain bon
Arbitres : Ainara Acevedo Dudley (Espagne) assistée de Rita Cabañero Mompó (Espagne) et Andra Aloman (Espagne). 4e arbitre : Alicia Espinosa Ríos (Espagne)

Buts
0-1 Kadidiatou DIANI 22′ (Matéo joue pour Karchaoui dans le camp tricolore. Elle s’avance jusqu’à la ligne médiane puis glisse une passe au sol en profondeur pour Diani qui part dans le dos de Harviken et s’avance jusqu’à 10 m du
1-1 Sophie HAUG 31′ (Sur le côté gauche, Mari Lund élimine Cascarino puis centre devant le but pour trouver la tête de Haug qui arrive entre Renard et De Almeida pour placer une tête légèrement décroisée)
1-2 Viviane ASSEYI 83′ (Corner tiré côté droit par Dali qui trouve au point de penalty la tête d’Asseyi qui va placer le ballon au ras du poteau droit de Mikalsen)

Avertissements : Guro Reiten 60′ pour la Norvège ; Kenza Dali 58′ pour la France

Norvège
23-Aurora Mikalsen ; 10-Thea Bjelde (7-Ingrid Syrstad Engen 64′), 5-Guro Bergsvand, 16-Mathilde Hauge Harviken, 20-Mari Bartberg Lund (15-Sara Iren Lindbak Hørte 84′) ; 18-Frida Leonhardsen Maanum, 2-Anja Sønstevold, 11-Guro Reiten (cap.) (9-Lisa Fjeldstad Naalsund 64′) ; 14-Amalie Vevle Eikeland (25-Emilie Bosshard Haavi 64′), 22-Sophie Roman Haug (24-Karina Sævik 84′), 17-Julie Blakstad (21-Anna Langås Jøsendal 90′). Entr.: Hege Riise
Non utilisées : 1-Guro Pettersen (G), 12-Sunniva Skoglund (G), 3-Maria Thorisdottir, 8-Vilde Bøe Risa, 13-Celin Bizet Ildhusøy, 19-Elisabeth Terland

France
21-Pauline Peyraud-Magnin ; 22-Ève Périsset, 3-Wendie Renard (cap.), 17-Élisa De Almeida ; 20-Delphine Cascarino (9-Lindsey Thomas 76′), 2-Ella Palis, 15-Kenza Dali, 7-Sakina Karchaoui ; 8-Grace Geyoro (6-Sandie Toletti 67′) ; 11-Kadidiatou Diani, 10-Clara Matéo (18-Viviane Asseyi 67′). Entr.: Corinne Diacre
Non utilisées : 1-Mylène Chavas (G), 16-Justine Lerond (G), 4-Marion Torrent, 5-Julie Thibaud, 12-Melvine Malard, 13-Maëlle Garbino, 14-Mathilde Bourdieu, 19-Kessya Bussy, 23-Hawa Cissoko