Seconde journée de WCL sur six. À l’évidence, le football européen s’est considérablement amélioré et l’Olympique Lyonnais a rencontré les mêmes difficultés que le Paris Saint Germain en jouant plus vertical et plus direct.

L’équipe lyonnaise avait besoin, un peu plus que les parisiennes, des trois points après la lourde défaite (1-5) face à Arsenal. Elles repartent, après des modifications dans le onze de départ, avec le même résultat (1-1) à l’extérieur.

Ce qui en soit, n’est pas un échec pour un footeux, sauf qu’en football féminin, la règle habituelle est que le plus fort gagne même à l’extérieur.

Là cela n’a pas été le cas

Situation du groupe C après deux journées de compétition

Un superbe premier but de l’Olympique Lyonnais

Pourtant le but lyonnais est un modèle de perfection.

Une superbe passe longue de Wendie Renard qui dépose un ballon là où Lindsey Horan va aller. Juste derrière la défense centrale, entre le début de la zone de réparation et le point de pénalty. Un espace où personne n’a de propriété, la priorité revenant à celle qui y croit plus et mieux que les autres.

But de Lindsey Horan. Le contrôle devant Pauline Peyraud Magnin

L’américaine, très bonne depuis le début de la saison avec l’Ol en championnat, envoie son poids et sa volonté pour s’engouffrer dans l’espace libre sans bouger d’un millimètre quand Pauline Peyraud Magnin s’invite au duel. Pied tendu à l’équerre, elle contrôle, supporte la charge de la gardienne, s’amortit à la réception et termine l’action d’un gauche contrôlé et maitrisé.

(0-1, 23′) (voir la vidéo en bas de l’article)

Pas une française actuellement n’est capable d’une telle intention. Certainement d’un même contrôle, mais encore moins de tenir au choc et de finir l’action dans les buts offerts.

Si on n’accepte pas ces deux évidences : le niveau des équipes européennes est assez proche de nos deux leaders français, pour la première. Et pour la seconde, qui est qu’on possède le talent d’une action, mais pas de sa globalité, c’est-à-dire qu’elle se termine dans les buts ; on ne peut que reculer dans la hiérarchie des clubs et dans celle de l’équipe nationale.

Le football féminin de l’élite prend une nouvelle dimension : il faut chercher à s’améliorer dans tous les détails, le simple temps de l’intention étant maintenant du passé.

Un exemple ? J’ai en mémoire les deux courses de Delphine Cascarino (Ol) et Kadidiatou Diani (PSG) hier. Les deux fois, la joueuse est tenue par son adversaire et quand elle ne l’est plus, la latérale va faire faute. Sauf si elles sont dans les trente mètres.

La vitesse, suffisante hier, n’est qu’un élément qui ne peut être une finalité, si elle n’est pas complétée par de la finition.

Autre exemple sur l’évolution. Sur twitter, circulait l’opinion d’un coach italien sur la tactique. Celui de Naples, je crois. Il affirmait que les schémas tactiques sont inutiles aujourd’hui et que la solution était d’avoir des joueuses (joueurs) qui lisent l’espace laissé libre par l’adversaire, pour jouer non pas entre les lignes, mais entre les adversaires. Un moment là, un moment ailleurs. Il fallait savoir décoder le moment et l’utiliser à son avantage.

Le football féminin est dans une vraie évolution de contenus. Pour jouer au très haut niveau, il faut un bagage d’analyses et de connaissances qui n’existaient pas auparavant.

Situation du groupe A après deux journées de compétition

Les détails : Regarder tout autant que jouer

Prenons l’exemple de Melvine Malard. Elle se donne à fond mais on voit bien qu’elle ne le fait pas en fonction de l’adversaire ni du moment. Elle se donne à fond car un match se joue à fond. Sauf, qu’à ce niveau d’intentions, elle commet des erreurs techniques qui lui font perdre un ballon qu’elle ne devrait pas perdre.

À l’inverse, elle récupère des balles en pressant l’adversaire de ses intentions.

On pourrait dire, OK. Moitié, moitié. Sauf qu’elle est neuf. Que les autres sont aussi là pour défendre et son job, c’est de réfléchir à comment utiliser cette passion qu’elle a pour faire la différence. Offensivement d’abord et essentiellement. Sur un moment particulier, sur cet adversaire à cet instant et pas un autre, et pas tout le temps.

Elle met trop souvent la même intensité offensivement que défensivement. Elle devient prévisible et elle-même tombe dans une routine d’actions propres aux joueuses défensives mais pas offensives.

Sur le csc de la 50′ (1-1), il n’y a rien à lui reprocher. Ok Endler peut la prendre si elle passe, sauf qu’elle ne dit rien. La gardienne chilienne est dans son job, dans ses routines. Sur ce coup, elle joue seule. Un mot et Malard ne met pas le pied. Sauf que ce n’est pas la règle.

Dans ce silence, si Malard n’est pas là, le but est ouvert.

Pourquoi ? Selma Bacha est allée chercher une balle d’un tacle inutile sur Bonensea. Elle reste à terre sans être réellement touchée. Se recroqueville, se tourne. C’est maintenant l’habitude dans le football féminin. Elle se relève. Sauf que le jeu a tourné et son attaquante est maintenant dans la surface. Elles sont même deux et la seule à pouvoir les arrêter, c’est Lindsey Horan, immobile. Elle joue le hors jeu. Ce n’est pas une défenseur.

Elle espère que l’attaquante turinoise, de l’autre côté, sera arrêtée par janice Cayman. Ce ne sera pas le cas. Si Melvine Malard ne met pas le pied, il y a but pour les italiennes. Pourquoi ? La latérale n’y est pas. Elle a trop donné dans un geste qui ne le nécessitait pas.

La sortie d’Endler est du même tonneau. La règle est que la gardienne sort en propriétaire. Sauf que lorsqu’elle sort, elle charge quatre lyonnaises pour une seule turinoise ! Pas des petites, Wendie Renard, Lindsey Horan, Janice Cayman et Damaris. Elle le fait car c’est la règle. Elles sont même six lyonnaises pour deux turinoises. Pourquoi sortir et boxer le ballon ?

Sans trop réfléchir. Elle ne regarde pas les adversaires ni le jeu. Elle est sur le ballon, car depuis toujours, c’est à elle de l’avoir. Elle le boxe au-dessus des lyonnaises. Elle s’écroule sur un tas de joueuses, quasiment que des lyonnaises. Damaris est fauchée d’un côté et écroulée de l’autre.

Luxation du genou dira Sonia Bompastor en conférence d’après-match.

Une infirmerie lyonnaise qui se transforme en hôtel avec le nombre d’entrées et de sorties !

Selma Bacha joue intégralement son match de la première à la dernière seconde. Combien de fois, on la voit revenir à toute vitesse, à croire qu’elle court après Usan Bolt ! Comment voulez-vous qu’elle ne craque pas physiologiquement à la dernière seconde ! Ecroulée au point de corner !

Laure Boulleau avait eu le même problème au PSG. On avait dû lui dire de revenir, à son rythme, tranquillement. Et quand elle perçait, on la voyait trottiner, bien concentrée à faire sans trop en faire.

Ce sont des rien mais ensemble, ils forment un tout.

D’autant qu’il faut se rendre compte que les gardiennes ont « upgradé » depuis longtemps. Mercredi soir, la gardienne du Real Madrid fait un vrai arrêt face à Kadidiatou Diani qui veut la jouer placé. Hier, Pauline Peyraud Magnin fait un vrai arrêt face à Melvine Malard qui veut la jouer placé.

Je ne sais pas si les joueuses regardent les matches des autres joueuses ? Avant ce n’était pas le cas. Aujourd’hui, cela peut devenir le cas. Pour soi-même, se regarder, pour s’améliorer et trouver dans les autres, des pistes d’inspiration.

La simple règle de la concurrence, obligatoire quand tu agis sur le plan professionnel, qui se fait dans tous les métiers.

S’améliorer.

Un football féminin exigeant

Dans la dynamique de l’écriture, une idée me vient. Le football se professionnalise pas seulement en revenus mais aussi en contenus.

Donc il faut être professionnelle, soit (1) j’ai un ensemble de niveau en-dessous duquel je ne vais jamais (2) j’apporte aux autres une progression en termes de ballons, comme aussi de sérénité, d’intensité sans monter dans les tours pendant 90′ (3) ma marge d’erreurs est au maximum de 10% (4) je m’oblige à la minimiser et à la maitriser pour justifier de mon salaire et de ma valeur. (5) quand j’ai quitté mon job, je m’investis ailleurs pour mon équilibre et avoir un regard plus juste sur la vie, la société et mon identité.

J’existe dans le football et en dehors du football. Professionnelle, pour voir vivre et comprendre d’autres professionnelles, dans d’autres métiers. Apprendre des autres, les regarder. Il est essentiel d’apprendre des autres si on veut s’améliorer.

Quant à nous, nous devons apprendre que la victoire n’est plus acquise pour les clubs français. Elle est le fruit d’un difficile combat. Comme au tennis et dans de nombreux sports, il est normal de perdre à un moment. Le parcours se termine par une défaite et exceptionnellement, ne sera fait que de victoires.

Saluons la performance, dans l’effort et la volonté, dans la progression. Admirons quand il arrive, l’exploit de la réussite.

William Commegrain Lesfeminines.fr

A voir la superbe passe de Wendie renard et le magnifique contrôle de Lindsey Horan

HIGHLIGHTS | Juventus vs. Olympique Lyonnais — UEFA Women’s Champions League 2022-23 (Français) – YouTube

L’Olympique Lyonnais comme le Paris Saint Germain est 3e de son groupe après deux matches.