Il fut un temps où on comptait sur les doigts un carton rouge dans le football féminin. Il n’était pas rare que plusieurs clubs n’en aient aucun sur la saison et celui qui avait, dans ses statistiques, la couleur du rouge, était présenté comme un club dur, au jeu très physique.

C’était un temps pas si lointain. Plus de cinq ans, moins de dix ans. La plupart des joueuses actuelles du championnat peuvent en parler.

Du jaune et du rouge entre Fleury et le PARIS FC

Le derby entre le Fc Fleury 91 et le Paris FC a donné lieu à six cartons jaunes (Laplacette, Thiney, Kouassi, Léa Le Garrec) dont deux se sont transformés en rouge. Le premier pour une seconde faute dans le jeu, dans la foulée de la première par l’attaquante Rosemonde Kouassi (78′ et 83′) et le second, plus rare, pour une double contestation de la capitaine, Léa Le Garrec (83′ et 83′).

Les deux pour le Fc Fleury 91, jouant à domicile, ayant mené (1-0, Kouassi) à la 21′ pour se faire reprendre par le Paris Fc (73′, 1-1) sur une réalisation de Binaté, sur un tir détourné qui finit sous la transversale.

Un derby qui opposait deux équipes assez proches, avec des qualités différentes.

L’arbitrage, les joueuses, sur le terrain de l’émotion

Maïka Vanderstichel, en sortant Léa Le Garrec, pour une double contestation, prend une décision étonnante et rare. La joueuse, houspillée par sa coéquipière Dafeur, lui montre son brassard pour justifier de ses interventions, et sort, au fil de sa course du terrain, les larmes aux yeux, voire en pleurant, après avoir commencé sa course, forte de la colère de l’injustice.

Ces quarante mètres resteront longtemps dans sa mémoire émotive. Très peu de joueuses ont vécu ce voyage dans l’émotion et surtout l’ont montré.

L’arbitre, habituée des rencontres de D1F Arkema, n’a pas accepté l’intervention verbale sans qu’elle soit physique. Elle devait être aussi au top de son émotion.

La rencontre a été très physique. Des duels inhabituels se sont joués. L’enjeu du match était réel. Aucune des deux équipes ne voulait laisser l’avantage à l’autre et chacune voulait même le prendre.

Plus qu’une victoire, il y avait dans ce match, le sens du poème préféré de Nelson Mandela, INVICTUS. Le poète William Henley disait lui-même que ce poème était une démonstration de sa résistance à la douleur consécutive à son amputation.

Les joueuses ont monté le ton de la rencontre.

L’arbitrage du jeu féminin cherche sa voie

Dans ce match, le football féminin a rencontré la règle.

Dans son humanité. L’arbitre, sous tension, a réagi.

Mais quelle règle ? Il y avait toujours eu une grande différence, dans l’interprétation des lois du jeu, entre le football masculin et celui féminin. Souvenez-vous, l’image d’Epinal était que chez les filles, on ne discute pas. On se relève. On ne fait pas de fautes.

Aujourd’hui, à l’évidence, le jeu, l’enjeu, les joueuses ont changé. Les filles commentent les matches masculins. Les filles ont un tel développement physique, une telle charge mentale dans la pratique de ce sport, un retour à donner face à un salaire réclamé, une nouvelle puissance qui font que le comportement et l’attitude (réflexion) ne seront plus ceux du passé.

Peut-être même que les coaches demandent des rencontres physiques ou vont commencer à les demander, voyant que le capital technique a atteint un seuil et que la victoire peut se jouer sur ce terrain.

On attribuait, il fut un temps, cela à Patrice Lair quand il s’occupait des couleurs de l’OL et on aurait pu aussi le faire avec Farid Benstiti, sur certains matches serrés du PSG.

L’arbitrage doit se préparer à cette nouvelle voie. Ce qui est toléré ou accepté chez les hommes professionnels doit être accepté chez les filles car c’est exactement ce qu’elles voient et dans lequel elles se projettent. Ce qui est intolérable doit rester intolérable.

Ou alors, on crée une interprétation de l’arbitrage spécifiquement féminin. Pourquoi pas.

Je ne pense pas, sur le chemin pris par cette pratique, qu’il soit possible de croire à des règles féminines exemplaires face à des règles professionnelles masculines. Car rien n’a été fait pour distinguer les deux mondes. Au contraire, tous les acteurs et actrices ont fait en sorte qu’ils soient les mêmes. Tous souhaitent le mariage.

Cela passe peut-être par les mêmes statuts que pour les arbitres masculins. Peut-être est-ce déjà le cas ? Voire une professionnalisation, nécessaire pour une mise à niveau qui va demander de l’engagement et donc buter contre les obligations financières des arbitres, à vivre leurs vies.

À moins que les enjeux ne baissent, ce que je ne crois pas. À moins que l’évolution professionnelle des joueuses ne stagnent, ce qui n’est pas le sens demandé par de nombreuses actrices. A moins que les médias TV ne retransmettent plus de matches. Ce qui ne pourra pas se faire dans le monde économique que nous vivons où le besoin de sports est une obligation pour une chaîne TV.

Il faut que les arbitres féminins fassent évoluer leur arbitrage en tenant compte que la température d’un match va augmenter de plusieurs degrés, sans pour autant, atteindre à l’image souhaitée et nécessaire de l’arbitre.

À charge pour elles, de distinguer entre l’ouragan et le mauvais temps.

Trois cartons à la même minute (83′). Deux pour la même joueuse. Pour des mots alors que capitaine. Rarement vu chez les hommes. Accepté d’un côté, refusé de l’autre.

Les filles sont avant tout des joueuses.

William Commegrain Lesfeminines.fr