Les joueuses de tennis ont une analyse incroyablement précise sur le match qu’elle vienne de terminer.
À l’opposé du football où la dimension individuelle n’est jamais décrite. Encore moins quand le duel face à l’adversaire s’est avéré positif comme négatif, il y a comme un tabou et une langue de bois sur sa prestation. Chacun se refusant à la commenter, joueur, joueuse comme coach.
Je ne sais même pas si elle fait l’objet individuel d’un commentaire avec le coach. Certaines fois, on revoit le ou la joueuse dans l’équipe suivante. Sans comprendre et sans travail spécifique pour compenser les erreurs commises. C’est assez frustrant pour le spectateur et on se demande, quand on est observateur, comment l’athlète peut s’améliorer ?
Quelle est sa part d’autonomie dans le travail et l’analyse ?
Langue de vérité au tennis
La lecture du compte rendu d’Alizé Cornet (40e mondial) sur son match perdu face à Danielle Collins, l’américaine (6-4, 7-6 8 à 9) mieux classée qu’elle (19e mondial) sur le journal l’Equipe est un modèle du genre. On se demande à quoi peuvent servir leur coach quand on lit un tel degré de vérité !
« Je pense que j’étais un peu plus fraîche qu’en Australie. Ça m’a aidée à être un peu plus tonique sur les retours. J’ai passé beaucoup plus de premières, … et là j’ai tenu mon service quasiment tout le temps finalement. [..] Et après c’était vraiment être à l’affût de la moindre opportunité, de la moindre balle courte et essayer de créer du jeu quand je pouvais. Mais en fait, elle joue toute seule »
« Sur les balles de set, elle passe les premières et va chercher le point à chaque fois. Je n’ai pas été loin de remporter le deuxième set Mais… sa qualité de balle est vraiment affolante […] Au deuxième set, j’ai eu très peu de deuxième balle à retourner et sa seconde balle va à la même vitesse que ma première donc, forcement, ça déséquilibre les choses.
« C’est un rouleau compresseur […], Franchement elle a été juste meilleure que moi aujourd’hui.«
Je crois que le meilleur résumé du match de la française, on le trouve sur le site de l’US Open : il présente Alizé Cornet comme la « Ironwoman » du match.
Son adversaire a envoyé l’impossible et l’impossible a été possible pendant le temps de cette rencontre.
Les tenniswomen se focalisent sur leur adversaire, pas sur leur titre !
Ce qu’on apprend du tennis c’est que les joueuses se fichent de savoir le parcours précédent réalisé par son adversaire du moment. Elle focalise uniquement sur leur dernière rencontre. Pourquoi ont-elles gagné ou perdu et que faire pour l’emporter ?
Elles s’en fichent car à aucun moment Alizé Cornet n’explique son adversaire, par sa finale à l’Open d’Australie 2022. Une sacrée performance quand même !
La seule chose dont elle se souvient, c’est sa rencontre et son élimination en quart de ce Grand Chelem par Collins. Elle avait vu une tornade et ne voulait pas en subir une seconde.
Sur ce match, Danielle Collins a surjoué car elle sait que c’est la seule possibilité qu’Alizé Cornet peut lui offrir pour remporter rapidement cette rencontre. “Elle se bat à chaque match. Elle a la meilleure anticipation du circuit. Quand elle est bousculée, elle ne s’écroule pas. L’emporter signifiait de ne pas se contenter de gagner un point, mais deux, puis trois et quatre continuellement. je devais me battre du mieux que je pouvais.«
C’est vrai que lorsque vous regardez le descriptif du tie break du second set, Alizé Cornet prend l’avantage sept fois dans ce jeu décisif pour revenir à un set partout et Collins l’emporte finalement avec trois points successifs : sur une égalisation (9-9), prendre les devants et finaliser.
Alizé Cornet n’avait ps les moyens de faire trois points successifs face à Danielle Collins. Un, sans souci. Deux, plusieurs fois. Trois dans ce jeu décisif, cela s’est avéré impossible. Peut-être que mentalement, Danielle Collins lui avait interdit cette possibilité ?! Et a réussi à l’appliquer.
SI près, et une porte ouverte à demain.
Pourtant la française ne reste pas longtemps sur cette vérité où elle a été à deux doigts de renverser le score.
Il y en a deux : soit la victoire de l’américaine, plus forte et donc logiquement avec trois points consécutifs dans une série où elle en a fait d’autres dans la partie ; soit la frustration de se dire qu’il a suffi de peu pour que le jeu bascule.
Peut-être qu’elle a la sensation : qui sait, d’une victoire qui pouvait se dessiner ?
En fait, elle ressort avec une autre belle victoire et une arme pour leur prochaine opposition. La défaite de janvier à l’Open d’Australie l’avait marqué visiblement. Le match à l’US Open lui ouvre des nouvelles portes. C’est une nouvelle réalité.
Si les deux joueuses se rencontrent à nouveau. Il va y avoir un beau duel.
Le tennis est vraiment une école d’introspection sur soi comme de terrains nouveaux à conquérir face aux autres.
Je comprends pourquoi elles s’entraînent autant. Je comprends l’égalité des prizes money. Ces filles sont, à chaque fois, à la limite de leurs possibilités. Ne sachant jamais si elles vont gagner ou perdre.
Car en face, il y a un sacré adversaire.
William Commegrain Lesfeminines.fr