Il y a des choses compliquées dans la vie. Sans pour autant être au centre d’intérêt, faisant plutôt office de détails. Des détails qui empoisonnent l’existence.

A cet égard, pour le Président de la FFF, Noël Le Graet, le football féminin prend beaucoup de places depuis 2013 alors qu’il ne représente que 10% des licenciés français (200.000 en comptant large), génère une élite couteuse pour certains clubs professionnels, alors que les joueuses ont vu leurs situations financières nettement s’améliorer voire exploser pour certaines (de 20 à 50.000 € mensuel), et que cela n’a ramené -à ce jour- aucun trophée en comparaison des deux Coupes du Monde (1998, 2018) et du championnat d’Europe 1984 des hommes, dans un environnement nettement moins concurrentiel.

Peu d’équipes peuvent concourir au Titre ou à un podium en football féminin. La France, pour l’instant, jamais. Quand le Président est fatigué, voilà un bilan qu’il pourrait tenir.

Je ne sais pas si les joueuses en ont conscience ? Je ne sais pas si le football féminin français en a conscience ?

Et voilà une annonce de Sarah Bouhaddi qui remet le couvert. A un moment charnière des vacances, sans matches amicaux à l’horizon, dans un football tout juste sorti du Covid, envoyant un beau nuage chargé dans cet horizon de ciel bleu tant espéré.

Avec les Bleues, « Vacances, j’oublie tout ! » ? Le refrain d’Elégance est définitivement à mettre au placard.

Sarah Bouhaddi casse le Code du football en exposant son souhait sur la place publique.

Sarah Bouhaddi, 33 ans, l’âge de la maturité bien maitrisé dans le domaine sportif, gardienne de l’Equipe de France ayant mis au placard les nombreuses concurrentes depuis les quinze années (2004-2020) qu’elle porte le maillot Bleue (149 sélections) casse le code des sportifs et sportives internationaux, en prenant la parole sur le site Olympique-et-lyonnais.com pour affirmer qu’elle souhaite prendre une pause avec l’Equipe de France féminine, repris par tous les journaux dont le principal : « L’Equipe ». Ci-dessous, des extraits.

« Mon souhait aujourd’hui est de faire une pause, explique-t-elle dans un entretien accordé au site internet Olympique-et-Lyonnais. […] Il y a eu un après Coupe du monde (2019), il y a eu six mois où j’ai essayé de beaucoup réfléchir. Je vais être honnête, c’est une cicatrice qui n’est toujours pas refermée, cette Coupe du monde. Pour moi, c’est un échec sportif. » « J’espère que Corinne Diacre entendra bien que j’ai besoin de faire cette pause, que cela va me faire du bien » « Au fond de moi, j’ai envie de continuer avec l’équipe de France, car j’ai l’amour de ce maillot, le plaisir de jouer pour mon pays, ajoute celle qui compte 149 apparitions sous le maillot bleu. Tout simplement, je ressens le besoin de faire une pause. Je ne sais pas combien temps cela durera mais voilà mon souhait aujourd’hui. »

En football, les codes sont assez clairs du point de vue des joueuses et staff. La presse n’est pas là pour dévoiler des problèmes. Elle est là pour rendre compte d’un événement sportif. Tout le reste se règle en interne.

Sarah Bouhaddi, après avoir fait part en privé de sa demande à la sélectionneuse, casse le code en mettant la chose sur le terrain public.

Sarah Bouhaddi, une battante qui aime les duels.

J’aime beaucoup Sarah Bouhaddi comme joueuse. Décriée en France en ne recevant jamais ce qu’elle méritait. Le titre de meilleure gardienne de la D1F. J’ai toujours en mémoire la première fois où je l’ai vu chez les Bleues à l’entraînement. C’était en 2012 à Clairefontaine. On était peu et je crois même que j’étais le seul « journaliste » présent ce jour là.

Elle se challengeait en faisant des séries de plongeons incessants sur les tirs près de l’entraîneur des gardiens de cette époque. J’étais nouveau dans cet environnement et je devais être à une vingtaine de mètres de son exercice. Elle me regardait et voulait me prouver son niveau et sa gagne. Elle n’a raté aucune balle sur la quinzaine. J’ai toujours en mémoire son attitude de battante. Je l’ai toujours retrouvé dans ses matches. C’est la raison pour laquelle, j’aurais été heureux de la voir dans le monde américain, dans une équipe moins forte que l’OL, a challengé ses adversaires afin de pouvoir sortir de vrais clean-sheet.

Mais là, je ne la comprends pas.

Pourquoi cette intervention sans aucun match à l’horizon ? 

Soit la démarche est volontaire, elle pose un problème à Corinne Diacre et décide de mettre un terme avec son aventure auprès des Bleues tant qu’elle sera là.

On le sait, le monde du football après avoir adoré la sélectionneuse des Bleues s’est retourné contre Elle, demandant sa tête en interne, souvent pour avoir défailli au Mondial 2019 (1/4 de finale) après des matches dans la difficulté en phase de groupe.

La France du football féminin voyait une équipe titrée. La fédération voulait une équipe titrée. Sans surprise, pour certains dont moi, le tout s’est arrêté en quart. D’ailleurs le niveau des Bleues à ce moment-là, même si, dans un match où tu es bousculé en première mi-temps, tu peux gagner la seconde ce qui a toujours été le sentiment de Corinne Diacre dans ce 1/4 perdu (2-1) face aux USA au Parc des Princes.

Soit la démarche est involontaire. Il s’agit d’une émotion personnelle, présente depuis un certain temps et pour laquelle, elle ne veut pas -ou plus- mettre la raison du professionnalisme pour passer au-dessus.

C’est aussi possible, Sarah Bouhaddi étant sortie de sa réserve plusieurs fois depuis peu. Au même titre qu’elle a laissé ses émotions parler, avec l’aventure récente « les Gardiens de l’Espoir », récoltant des fonds pour les familles endeuillées par le Covid-19 voire lorsqu’elle a pris l’initiative de faire une vidéo sur son réseau social, expliquant récemment son futur départ de l’OL, communiquant par elle-même quand, le code dit, que le club doit le faire.

Se pose donc la question de la raison et dans un monde où les joueuses ne sont pas seules, d’un éventuel conseil ou de l’interférence extérieure potentielle.

Peu importe, il y a un ordre implacable en football sur la scène publique. Le sélectionneur dispose, le ou la joueuse applique. 

Dans tous les cas, et sans lui faire constater qu’elle est revenue sur sa décision pour signer un nouveau contrat de quatre ans avec son club, six fois championnes d’Europe ; elle ne peut pas inverser le rôle d’un statut dans un groupe formalisé comme est celui d’une sélection nationale, quelque soit le sport et la nation.

Le ou la sélectionneuse décide. Le ou la joueuse doit s’y plier. A défaut, les règlements du monde entier s’appliquent.

Le simple fait de le mettre sur la place publique fait inverser la situation et constater que ce serait le ou la joueuse qui déciderait et le ou la sélectionneuse serait dans l’obligation de l’accepter.

Impossible. Même devant un titre, aucun sélectionneur ne peut accepter cette situation, surtout en football féminin, moins soumis à des enjeux médiatiques. Il aurait fallu se taire, au mieux. Le mettre sur la place publique est soit une erreur, soit une volonté.

Reste que personne ne peut présager de la réaction de Corinne Diacre. Que fera-t-elle ? Pensez-vous qu’elle reprendra Sarah Bouhaddi au pied de l’Euro 2022 alors qu’une autre gardienne aura joué les matches qualificatifs et amicaux ?

Je ne le pense pas. Pour moi, soit elle va la convoquer, soit elle ne la convoquera plus.

Corinne Diacre fait du Corinne Diacre. Quoi de plus normal.

Voilà une autre pierre jeté dans le jardin de Corinne Diacre. Elle en aura pris quand même un certain nombre pour celle qui, un jour de Septembre 2017, a quasiment vu un tapis rouge se mettre en place, quand dans l’amphithéâtre de la FFF, elle était présentée en grande pompe comme la sélectionneuse des Bleues, après avoir réussi à être la première coach professionnelle féminine dans un monde masculin professionnel (Clermont) et obtenu le titre non-officiel, d’y être restée -à ce moment- le plus longtemps parmi les 19 autres coaches de L2, soit 3 ans et quelques brouettes.

Pour avoir suivi la L2 avec Créteil et le Paris FC, je n’ai jamais été surpris de son style de jeu que je n’apprécie pas particulièrement mais qui peu aussi être payant. Elle a pratiqué le même avec Clermont. J’ai donc du mal à comprendre les attaques actuelles.

Et puis, si on regarde de son côté. On aura bien « pourri » sa performance chez les hommes depuis qu’elle est sélectionneuse des Bleues. Un BEPF obtenu qui aura du mal à se refaire une place du côté masculin. Ce n’est pas rien comme conséquence quand on connait le potentiel financier de ce métier alors qu’elle aurait pû avoir sa chance en 2017, ne serait-ce que pour justifier d’une égalité corroborée, à ce moment là, par une performance.

Si elle fait un décompte stratégique, la place chez les Bleues lui aura coûté plus d’un penny. A ce compte là, les relations étant aussi des relations professionnelles, je fais mon contrat dans son intégralité et à ma manière.

Et si on regarde globalement, d’un point de vue féminin. Avec la Présidente de la LFP, Nathalie du Boy de la Tour qui termine son mandat décrié sans se représenter comme présidente et Corinne Diacre, les postes sont chauds pour les femmes dans le football en général.

Quel futur ?

Noël Le Graet a été ferme après le Mondial 2019, en renouvelant Corinne Diacre jusqu’à l’Euro 2022. Il a été ferme avec la crise du Covid-19. Moralité, sa position a été appliquée. Il faudrait être aveugle et sourd pour tenter quoi que ce soit dans ce domaine. Lutter contre NLG, c’est certainement « perdre son temps ». Le souci, c’est que cela en fait perdre aux autres. Là se trouve aussi la réaction présidentielle potentielle. A voir.

Il y a un proverbe souvent utilisé qui dit « regarde d’où tu viens, pour savoir où tu vas ! ». Honnêtement, ceux qui ont été à la table de la Cène (le Comex) pour « virer » Bruno Bini en 2013 ont commis l’erreur du football féminin français. Son jeu à la « française » avait des défauts mais possédaient des qualités bien supérieurs à ces défauts. Les titres se sont perdus là, à mon sens.

Depuis, tous les sélectionneurs mis en place ont été remerciés en cours de contrat (Bergerôo, Echouafni). Bini, le premier, sur un poteau extérieur et un problème en interne ; le second sur son analyse « disant que les joueuses font des défaites psychologiques dans les compétitions » ce qui a posé un problème en interne et le troisième, pour aussi un problème interne. Toujours après coup.

Le tout sans surprise de mon côté. Comment voulez-vous que le style de jeu très masculin des françaises (sélectionneurs récents formés par la DTN avec le BEPF) puisse trouver une apogée en quelques années alors que les joueuses actuelles n’y correspondent pas et ne le seront, au niveau d’un titre, que dans le temps de la formation d’une à deux générations.

De plus, comment voulez-vous que cela fonctionne, si en interne, une minorité active, de sources différentes, fait et défait à volonté, en se rendant compte après coup de la situation ?

Si j’étais Noël Le Graet, je demanderais au football féminin de passer un cap. D’abord, de chercher un sélectionneur selon un processus de recrutement confié à des professionnels extérieurs à la FFF. Ensuite, autour d’une table et après un bon repas, j’émettrais le message suivant auprès des joueuses : « Après être très bien payées maintenant en étant pris en charge par le football masculin, serait-il possible qu’elles gagnent quelque chose avec les Bleues avant de vouloir encore mettre les pieds dans le plat ?

Juste. C’est possible ou pas ?

Tout cela, pour éviter les interférences extérieures. En ayant à l’esprit que le Hand (Or Mondiaux 2003 et 2017, Argent Mondiaux 1999, 2009, 2011 ; Argent JO 2016 ; Or Euro 2018, Bronze 2002, 2006, 2016) ; le basket féminin (Argent JO 2012 ; Bronze mondial 1953 ; Euro Bronze 2001 et 2009) ont fait des performances que le football n’arrive pas à faire.

William Commegrain Lesfeminines.fr