Sakina Karchaoui (Montpellier Hsc) fait certainement partie des joueuses qui marquent l’esprit et, à 24 ans, elle nous laisse toujours le sentiment d’un fort potentiel à exprimer. Non pas en cherchant quelque chose de nouveau. Tout simplement en donnant l’impression à l’observateur, que rien ne peut réellement l’arrêter.
Des appuis de folies, dans un format tonique d’1m59 et 53 kgs sous la balance. Des cuisses puissantes qui se comparent sans souci à la taille de la moitié d’une poitrine.
Jean-Louis Saez nous dit d’elle, dans une conversation informelle récente : « Saki, elle a des appuis de gars. Aucune fille n’a les appuis qu’elle a. C’est l’expression d’un jeu masculin unique. En plus, elle a gagné un tel coffre qu’elle semble n’avoir aucune limite sur les 90′ d’un match. »
Formée à Montpellier, libre au 30 juin, ce qui montre les réalités du football féminin. Loin des messages qui se renouvèlent sur un marché féminin de transfert. Aucun club masculin n’aurait laissé un joueur avec un tel potentiel sans contrat en cours, source d’une valeur marchande et donc d’un transfert.
Libre donc, on attend sa future décision. Un équilibre entre l’aspect financier et celui du challenge sportif. Habituée à la 3e place avec Montpellier, elle choisira certainement un club challenger ayant un objectif de Premier de la classe. Nationale et européenne.
Saki, le jeu vers l’avant
Cette saison, l’internationale française aux 33 sélections, fait partie du groupe des Bleues depuis le mandat d’Olivier Echouafni (2016-2017) qui a repris l’intronisation de Philippe Bergerôo avant les JO de Rio (2016). Un nombre conséquent de sélections sans pour autant avoir gagné une place de titulaires en Equipe nationale lors des compétitions où elle a participé (JO 2016, Euro 2017, Coupe du Monde 2019), trop jeune pour débaucher Amel Majri, évoluant au niveau mondial. Cette saison, montée de plusieurs marches en prenant le poste de latérale gauche qu’Amel Majri a laissé depuis la fin de la World Cup, suite à ses échanges avec Corinne Diacre.
Essentielle à Montpellier depuis son entrée dans l’équipe première en 2015 (19 ans), elle laisse dans l’esprit de chacun d’entre nous, ce sens incroyable du jeu vers l’avant.
On sait que la D1F Arkema ne peut être le seul étalon pour qu’une joueuse réussisse à l’étranger et, faute d’une série de titularisations à gauche en Bleue, l’opportunité de la saison européenne de Montpellier en Coupe d’Europe (2017-2018) nous a démontré ses capacités.
Un match incroyable, pourtant entaché d’un erreur dès la 4e en donnant une balle à Fran Kirby (4′) qui éloignera définitivement Montpellier d’une chance à jouer au retour. Sauf qu’on ne peut, ni ne doit, juger une joueuse à l’aune d’une de ses erreurs. Le niveau d’exigence et de compétences est encore loin de celui masculin. Mais quel match vers l’avant pour la latérale française, ensuite ! Le stade anglais grondait à chacune de ses percées !
Cette joueuse laisse toujours ce sentiment de potentiel après l’avoir vu joué.
Un apport incroyable lors du Pays-bas France du Tournoi de France
Le second souvenir fort qui me vient sur la qualité du jeu de Sakina Karchaoui, je le vois lors du dernier match du Tournoi de France face aux finalistes du Mondial 2019, les Pays-Bas de mars 2020.
Entrée à la 66′ (2-2), menées au score (2-3) à la 73′, la montpelliéraine pousse comme milieu gauche et met le feu à cette fin de rencontre, dans un silence de cathédrale pour ce premier match des Bleues, à huis clos.
Elle a été incroyable d’initiatives et de jeu vers l’avant. Un bonheur à voir qui a laissé quelques cheveux blancs à Corinne Diacre mais a ouvert le coeur à tous les téléspectateurs. Un jeu de funambule sur un fil. Que d’émotions.
« Chez Saki, il y a exactement du Lizarazu ! » dit d’elle, son ex-coach Jean-Louis Saez.
Jean-Louis Saez, emporté par son engouement, avec un jugement de référence pour l’avoir eu sous ses ordres pendant cinq saisons, le dit et l’affirme : « Chez Saki, il y a exactement Lizarazu ! ».
A mon sens, elle le confirme d’ailleurs, sur le « pitch » elle est à l’opposée de ce qu’elle est dans la vie. Calme. Sur le terrain, elle a un jeu animal. Son physique, ses intuitions, son envie prennent les commandes, et s’expriment totalement. On a le sentiment de la voir comme dans un 5-5 de son enfance, face à des garçons, à mettre le feu dans leurs têtes d’ados. Face à ses paraboles inarrêtables.
Le talent dans son jeu.
Cela s’appelle le talent quand tout vous échappe sauf que ce que vous interprétez donne de l’émotion et de l’information aux autres. Vous les comblez.
Où ira-t-elle jouer ? On lui prédit l’Olympique Lyonnais et le PSG. L’Espagne (Atletico Madrid ou FC Barcelona). L’Allemagne (Vfl Wolfsburg et FC Bayern Munich). Je pense qu’elle a si bien joué face à Chelsea Ladies qui si j’étais elle, je lui conseillerais d’aller voir comment cela se passe en se faisant coacher, au quotidien, par une femme très exigeante dans un club qui vient de reprendre le titre 2020 de la FAWSL, après avoir butté en 1/2 finales européennes (2018 et 2019) avec un chat noir à battre, le VFL Wolfsburg.
Un beau challenge pour une solution qui ne garantie rien mais qui donne justement un sens au mot compétition.
William Commegrain Lesfeminines.fr