La nomination de Cindy Parlow Cone, vice-présidente, à la tête de la fédération américaine après seulement 11 mois de vice-Présidence, à la suite de la démission du sortant, Carlos Cordeiro, à première vue, peut donner des espoirs aux joueuses, en conflit financier avec sa fédération.
Une joueuse pour les joueuses
En effet, la jeune et nouvelle Présidente (41 ans) -au moins jusqu’en février 2021 dans l’attente d’une nouvelle élection pour terminer ce mandat interrompu- est une ex-joueuse de l’équipe nationale (158 sélections), championne Olympique (1996 et 2004) et championne du Monde en 1999, année du record mondial de spectateurs (plus de 99.000 spectateurs) pour un match de football féminin lors de leur finale gagnée face à la Chine.
Adoubée par Mia Hamm (275 sélections, 158 buts, 47 ans), la première star américaine sur twitter, louant son intégrité et son engagement à développer le jeu.
I have known Cindy Parlow Cone for over two decades as both a teammate and friend. She has always led with integrity and a commitment to others. I have no doubt that she will dedicate herself to making our game better for all.
— Mia Hamm (@MiaHamm) March 13, 2020
Un board américain plus qu’une Présidente.
Sauf que le poste de Président de la fédération américaine est très loin des présidences européennes. Il n’est que le représentant des décisions d’un board -conseil d’administration- qui a «tous les pouvoirs de gouvernance, de supervision et d’administration de la Fédération», dont faisait partie la nouvelle présidente que les médias américains aiment à résumer aux trois lettres de son patronyme, CPC.
Les joueuses ne s’y étaient pas trompées puisque elles avaient adressé leur revendication, non pas au Président, mais à son Conseil d’Administration. Leur porte-parole Molly Levinson avait fourni une lettre en date du 12 août, décrivant l’histoire de l’inégalité de traitement et leur demandant à nouveau de régler cette affaire sans procès.
Le conseil d’administration est composé du président, du vice-président et du président sortant; des représentants du Conseil des adultes, du Conseil des jeunes, du Conseil professionnel et des athlètes; trois administrateurs indépendants élus par le Conseil national; un représentant général ; et le secrétaire général.
L’Objectif est de développer le jeu comme de gagner
Qu’elle était sa véritable position et dans le cas où cette dernière était contraire à la position commune, pourra-t-elle retourner la situation ? Ou l’objectif du Conseil d’Administration est d’envoyer une femme au combat pour ne pas perdre Coca-Cola qui avait menacé de revoir sa position devant de tels arguments misogynes des avocats de la fédération.
Sa première intervention a d’ailleurs été de remercier le Président démissionnaire « C’est un homme bon avec un bon cœur et son important travail pour aider à amener la Coupe du monde 2026 aux États-Unis aura un impact positif pour les générations » puis de préciser que les arguments contestés n’étaient pas les bons (le travail des femmes étaient différents de celui des hommes, et qu’elles ne prenaient pas les mêmes risques devant les fans) de confier la défense des intérêts de la USSF à un nouveau cabinet d’avocats Latham & Watkins.
Ensuite, elle pose l’objectif commun entre les joueuses faisant partie de la USWNT et la fédération : « Nous devons travailler ensemble et avancer de manière positive vers ce que je sais être des objectifs mutuels, faire progresser le jeu et gagner. » La base du consensus est donné.
Les chiffres sont en faveur de la fédération
Après, il y a la bagarre des chiffres. Existe-t-il une différence entre la rémunération des femmes par la Fédération et celle des hommes ?
Quand l’avocat des joueuses additionnent les salaires des joueuses en championnat pour constater la différence avec les hommes, la fédération répond qu’elle n’est pas directement concernée par le championnat (Clubs) et que les femmes ont signé une convention collective garantissant une rémunération quand celle des hommes prend plus en compte les bonus et performance.
Le calcul fédéral est que les femmes, sur une période de cinq ans ont touché 220.747 $ en moyenne par match alors que les hommes n’auraient perçu que 212.639 $, pour une rémunération totale de la fédération de 37 millions de $ quand celle des hommes est évalué par la Fédération à 21 millions de $. Et cela même en retirant les paiements pour la tournée victorieuse de la WC en 2015.
Il ne faut pas oublier que la base a été très sexiste.
Arguant que si différence passé et historique existait, elle l’était sur des stéréotypes dépassés aujourd’hui, demandant aux joueuses de constater qu’il n’y a aucun différentiel basé sur le sexe, et donc aucune violation des principes du droit du travail américain, interdisant « les différentiels basés sur tout autre facteur que le sexe ».
Les avocats des joueuses ont des arguments qui contestent ces pièces justificatives, les qualifiant de stéréotypés sur la discrimination sexuelle et rappelant que c’est bien le sexe des acteurs qui a été à la base, la différence de rémunération des joueuses et son premier facteur de motivation.
Business to Business = agreement
On est dans une relation d’affaire pure et simple. Il est bon de rappeler que les joueuses et joueurs américains sont toujours en négociation avec leur fédération. Et ce, depuis 1990 sous une forme syndicale, USNSTPA, rappelant que les équipes masculines et féminines luttent avec la fédération depuis des années pour les salaires et les conditions de travail.
C’est la grande différence avec les structures fédérales européennes où les pratiquants sont quasiment liés avec la Fédération avec un lien de subordination bien que des accords subsistent. Le premier de mémoire doit être celui des hommes, en 1978, avec la Coupe du Monde en Argentine et l’affaire des 3 bandes d’Adidas sur les chaussures des joueurs.
Trouver la plage commune
Si on est dans le genre, la fédération américaine va perdre. Si on dans les $, les joueuses vont perdre car elles ne disposent pas des mêmes moyens de preuve. Si on pense au jeu, alors elles sont dans le consensus. Il reste à savoir la plage commune de celle qui ne le sera pas.
Si je dois prévoir, je dirais que les USA et leurs championnes doivent impérativement s’axer sur l’élite et leur réussite. La concurrence vient vite. Le championnat 2019 s’est gagné sur le mental et la force historique des vainqueurs mais l’Europe a lui un passé bien plus fort en football.
Si elles ne gardent pas leur différence, alors elles seront communes. Et une femme commune ne fait pas rêver les fans.
Ponctuellement ce qui va sortir de tout cela. Un accord qui, à son échéance, sera renégocié et discuté. Comme tous les accords entre salariés et employeurs. Il faut juste rétablir le contact. C’est le job de CPC.
William Commegrain Lesfeminines.fr