« C’est un peu tard ! » Voilà la phrase qui s’impose à mon raisonnement après moultes réflexions différentes.

C’est un peu tard, car elle évoque un silence de quatre ans. « On peut toutes faire de la langue de bois, mais ça n’avancera pas ». Dans la même réponse, « Ca fait quatre ans que je ne m’exprime pas et j’en souffre. » 

La Coupe du Monde 2019 a changé totalement le football féminin.

Elle a été obtenue le jeudi 19 mars 2015. Dans ces quatre années évoquées, préparatoire à la Coupe du Monde 2019, tout a changé dans le football féminin.

D’un environnement confidentiel et performant, on a crée un Univers médiatique qui, à l’heure des grands shows télévisés, a éloigné le journalisme -proche de la critique- au rôle d’animateur. Transformant toutes les communications de cette époque, à la limite de la prose de Monsieur Jourdain du fameux Bourgeois Gentilhomme de Molière.

Flatteries à gauche, flatteries à droite. Instauration fédérale de sites à cet effet pour le quotidien, entraînant une influence conséquente. Messages sociétaux, « sourires ultrabrite », auprès des mass médias pour laisser pousser ce football, afin qu’il atteigne le mass market. Partage de la médiatisation auprès des ex-joueuses, y trouvant une solution personnelle de valorisation et rémunération. Augmentation financière très conséquente des joueuses de l’Equipe de France, y trouvant plus qu’avantages avec l’intégration des clubs féminins par les clubs professionnels masculins.

Pendant cette période, le football féminin a tari une source intrinsèque de motivation pour la remplacer par une source extrinsèque venant de l’environnement. « Plus beau » mais moins bon. C’était l’environnement qu’il fallait développer et cet environnement a donné beaucoup de conforts. De quatre journalistes à l’Euro 2013, la presse française cherchait des sièges pour l’Euro 2017, n’en parlons même pas pour le Mondial.

Tout cela flatte et crée de la langue de bois ; d’autant que les joueuses y aspiraient soit par nature soit en récompense des efforts réalisés. De fait, qui s’est trouvé dans une zone mixte sait à quel point tout l’environnement a pratiqué de la langue de bois. Il y a bien eu un « avant » et un « après ». Plus rien à voir. A vous demander de l’intérêt d’y être ?!

La langue de bois a l’intérêt de la maitrise. Il a l’inconvénient de la vérité et de le danger qu’il finit au fil du temps, à s’insinuer pour en être une des sources de notre motivation intrinsèque. On finit pas « croire » en notre langue de bois, même à s’en satisfaire. « Suis-je belle ? ».

Les pépites ont jailli prématurément de terre. Un but de marqué, un ballon de touché, un dribble estampillé « dribble de mecs » effectués et les féministes de l’hexagone criaient au génie du ballon rond. Les Stars ont brillé dans les médias. La D1F est sortie de l’éclaircie d’Eurosport pour aller sur les sunlight de Canal Plus. La question récurante était de savoir si les Bleues ou l’OL allaient avoir la Une de l’Equipe. A l’excès, -et avec humour mention twitter- si elles avaient pu jouer avec deux ballons, l’environnement non-footballistique aurait été capable de dire : « voyez, les nôtres sont bien plus grosses ! ». Il fallait mettre le football féminin au niveau du football masculin. Comme maintenant, la stratégie imposée est de dire « football » sans écrire ou dire « féminin ». Stratégies quand tu nous tiens.

Le hand féminin gagnait ses titres mondiaux dans l’ombre ; le basket se qualifie pour les JO 2020 sans la Une de l’Equipe.

Cela a été quatre ans de tapis rouge sur tapis rouge pour le football féminin.

C’est compatible dans les entreprises. C’est difficilement compatible dans le sport de haut niveau ; surtout, si tu n’es pas au plus haut niveau. Ce qui était le cas de l’Equipe de France en ayant décidé, structurellement, de changer de forme de jeu, plus d’attaques placées que de jeu en percussion. Fini les dribbles plein centre de Louisa Necib et la vitesse de jeu de Gaetane Thiney, on a assisté aux débordements d’Amel Majri. Les côtés, les côtés. Faut-il avoir quelqu’un au centre, aussi fort que le numéro 1 mondial, pour s’y opposer.

L’Equipe de France a tellement aimé la flatterie qu’elle s’est prétendue championne du Monde !

Lorsque Corinne Diacre répond à Carine Galli, au siège social de TF1, à l’annonce de sa sélection des 23 pour le Mondial, que l’objectif fixé par la fédération est de « gagner le titre ». On est peu nombreux de présents. Je suis légèrement en hauteur pour laisser les vrais professionnels du journalisme faire leur métier, mais je ne peux m’empêcher d’intervenir et de lui reposer la question. Elle sera dithyrambique, reconnaissant si je dois résumer en une simple phrase, que « l’objectif est élevé mais qu’elle l’accepte ».

Après le quart de finale, lorsque se posera la question de son maintien. La communication institutionnelle ne reviendra pas sur son argument. « L’objectif était volontairement trop élevé. Il n’a aucune raison de lui être reproché ».

Pour moi, les Bleues ont décliné depuis longtemps mais elle se sont construites autrement. Elles y ont trouvé intérêt, cela a d’ailleurs été leur choix. Leur volonté. Ce serait mentir que de dire le contraire et de ne pas rappeler qu’elles y ont trouvé du plaisir. Fini les 4 places, place au SUV et aux vacances paradisiaques dans les îles.

Ce faisant, l’Equipe de France s’est éloignée de la performance qui lui avait fait prétendre et reconnaître par les autres qu’elles pouvaient être les meilleures du monde et obtenir un titre international. Graduellement. Elle a produit un contenu qui a correspondu aux exigences de la médiatisation. Elle a joué au « Coq ».

Visiblement, les autres l’ont détecté sans souci. A l’écriture, j’ai en mémoire l’intox incroyable de Megan Rapinoe face aux Bleues, sur le rectangle vert, juste avant le 1.4 de finale de la Coupe du Monde.

Maintenant qu’elle sort de la Coupe du Monde, les attentes changent. D’où les réactions. Celle de Wendie Renard, d’Eugènie Le Sommer et maintenant de Gaetane Thiney.

C’est un peu tard.

Je terminerais ce point de vue en répondant à l’interrogation de Gaetane Thiney : « Que donnera-t-on aux générations à venir ? ». Ma réponse est simple, « Ce que vous avez construit. »

Des avantages, une reconnaissance qui se transforme en présence médiatique avec un contenu qui pose la question de la « surmédiatisation » et de ses raisons économiques.

Quant au sort de Corinne Diacre ?

Gaetane Thiney (34 ans, 163 sélections, 58 buts) n’est pas femme à sortir du bois sans force en arrière. D’autant si elle choisi l’AFP comme support formel qui fournit du contenu à tous les supports médias de France et Canal + comme diffuseur. A mon avis elle représente les joueuses leaders et l’environnement décisionnaire, soit celui de la lumière, soit celui de l’ombre.

La sélectionneuse française est, à l’image d’une Cour d’Assises, l’accusée qui attend la décision de la Cour. Coupable ou non coupable ? Cour de justice populaire avec six jurés en 1ere instance et neuf en appel. Là, on est plutôt sur la phase d’Appel après la Coupe du Monde 2019, Eugènie Le Sommer, Wendie Renard et Gaetane Thiney.

Le Président est Noël Le Graet.

L’attaque est bien pensée. 2020 est une année blanche. La prochaine compétition est pour 2021. 15 mois avant l’échéance, cela laisse de la place pour un nouveau coach et son travail.

Bruno Bini est sorti sur influence extérieure avec un chèque. Philippe Bergerôo est sorti sur influence intérieure avec un chèque. Olivier Echouafni est sorti sur les deux influences avec un poste fédéral, la même rémunération contractuelle, tout s’est terminé avec une belle place en D1FArkema.

Si j’étais le conseil de Corinne Diacre. Tout cela ne peut se terminer que monnaie sonnante et trébuchante.

Si j’avais été le Conseil de Corinne Diacre en 2017, je lui aurais dit de refuser la proposition qui lui avait été faite. Au lendemain de sa nomination, on avait échangé avec quelques personnes du foot féminin, dont Bruno Bini. Plutôt enthousiaste. Je lui avais dit « elle fait une erreur, les Bleues ont changé ».

J’avais aussi à l’esprit qu’elle avait réussi quelque chose d’unique dans le monde masculin. Elle était à cette époque, celle qui était restée le plus longtemps en poste sur cette Ligue 2. Aujourd’hui, qui va lui donner une nouvelle chance dans ce milieu professionnel après tout cela ?

Cette Coupe du Monde, les enjeux de la féminisation, cette gestion de la communication, elle s’en souviendra !

Est-elle une solution ? Lors de la finale, un responsable de la diffusion du football féminin m’avait interpellé sur une question personnelle qui m’avait surpris. J’avais donné une autre réponse « Pour moi, Corinne Diacre est une bonne coach de Ligue 2 mais pas de Ligue 1 ».

Je ne suis pas convaincu que l’avenir des Bleues -s’il l’était dans le passé-, soit dans le futur, en Ligue 1.

Les joueuses de maintenant n’ont pas la force rare de celles du passé. D’abord parce que le passé était moins fort. Ensuite, elles avaient un tel besoin d’exister, d’être, qu’elles rayonnaient de la moindre lumière dont elles disposaient. Elles avaient l’insouciance et l’envie. Aujourd’hui, à l’image de nos adolescents, les jeunes ont plus de conforts et moins de cette motivation intrinsèque qui a fait le talent de leurs aînées.

Il faudra du temps pour que tout cela devienne un manque qui génère un besoin si fort que les joueuses, au plus haut de leur pratique, trouve la force supplémentaire pour faire la différence et atteindre, ce qui fait que les sportives de haut niveau le sont. C’est à dire « EXISTER ! ».

Aujourd’hui, elles peuvent exister sans performance. Les américaines, sans titre, n’EXISTENT pas.

D’où ma première phrase : « N’est-ce pas trop tard ? ».

William Commegrain Lesfeminines.fr

https://www.challenges.fr/sport/bleues-diacre-doit-s-inspirer-de-deschamps-qui-federe-thiney-a-l-afp_699165

PS : un ami m’a demandé si elle aurait pu gagner la Coupe du Monde en jouant ainsi. Je n’ai jamais aimé le football féminin pratiqué par les coaches du monde masculin. Je n’ai pas manqué de le dire. Je suis un adepte de l’irraisonnable de Bruno Bini. Il fait la différence quand tu as du talent.

Pourtant, j’ai répondu par l’affirmatif. Elle aurait pu gagner la Coupe du Monde. Comme les Jeux Olympiques avaient été gagné par l’Allemagne, opposée à la Suède en 2016. Les deux jouant un jeu très défensif. Déjà, à Clermont, c’était le cas. Sur ce plan, tout le monde connaissait son jeu et son management. Pour Elle, à mon avis, si les Bleues n’avaient pas gagné de titres, c’est que sa faiblesse défensive collective éliminait sa force offensive.

Quant à son management, c’est une autre question qui en pose une première structurelle. Que se passe-t-il au rayon de la communication de l’Equipe de France ? Il faudrait demander à Philippe Tournon (ex-attaché de presse de l’EDF masculine) d’apporter son grain de sel. Sa femme, Babette Bougeard est très impliquée dans le football féminin. Ce serait une première solution.