La médiatisation du Mondial Féminin a crée deux mondes dans les commentateurs et commentatrices. Les paysans, ceux qui ont suivi le détail de cette pratique, et les gens de la Ville, les parisiens, qui apportent la lumière, avec beaucoup d’envies mais surtout une connaissances du football masculin.
Les deux sont légitimes d’autant plus qu’il n’y a pas de légitimité à avoir mais de la compétence. Tous les regards sont intéressants.
J’ai envie de donner la parole « aux paysans » ; ceux qui font pousser le football féminin plutôt que de le manger ou de le déguster. Après avoir demandé son avis à Farid Benstiti qui a fait pousser l’OL et le PSG, Sandrine Mathivet pour Juvisy, David Felkringer pour Albi de la D2F à la D1F ; à ce titre, j’ai contacté Hervé Didier, ex-coach de Saint-Etienne. Huit ou neuf ans de D1F continu. La dernière saison en D1F, le plus ancien. Deux finales de Coupe de France. Des mots forts échangés avec Patrice Lair. Une sortie de Saint-Etienne pour avoir trop dit de vérités.
Un caractère dans le milieu et surtout une profonde connaissance.
La première chose à retenir, c’est l’habitude d’Hervé Didier à coacher dans la difficulté. Il n’a jamais eu d’équipes lui permettant d’entrer dans le trio de tête. Toujours confronté à des limites sportives, budgétaires, d’identité. Il a donc le caractère de la D1F.
Il faut tirer le maximum de ce qui n’est pas idéal. Si tu as compris cette dernière phrase, alors tu connais le football féminin. Si tu ne l’as pas compris, alors tu dois suivre le football masculin.
Le football féminin est fait d’erreurs. Seuls les grands penseurs du marketing féministe le vendent autrement. Erreurs techniques, erreurs d’arbitrages, erreurs d’image. C’est dans cet environnement d’erreurs que le football féminin a crée son tempérament, son caractère. Ne rien lâcher.
Sur le France-Nigéria, l’avis d’Hervé Didier est le suivant pour ce dernier match de poule.
« Il y a eu un manque évident de changements de rythme. Trop peu de vitesse pour inquiéter une équipe nigériane, bien regroupée ». Tout le monde est d’accord là-dessus. Je rajouterais que les USA ont une arme redoutable. Leurs passes sont puissantes, précises et très rapides. L’Angleterre n’est pas loin. C’est une arme nouvelle dont il faudra voir le résultat. Elle pourrait être déterminante. Les passes françaises sont trop certaines. Dans les pieds, pas assez puissantes et déterminées.
« les rentrées de Le Sommer et Diani ont comblé ce manque ». Pour ma part, il reste le problème de la vitesse de transmission.
« je suis étonné de voir tirer le pénalty par Renard au lien de Le Sommer ». Bien vu. Personne n’a soulevé cette interrogation. D’autant que la bretonne court après le record de Marinette Pichon (81 buts). La manifestation d’un leadership ? Ce qui est certain, c’est que c’était prévu.
« Enfin, la nouvelle règle est appliquée à la lettre alors que la règle d’avant n’était pas appliqué du tout ». La vision du coach qui demande aux arbitres d’être rigoureux. Enfin, un combat de moins pour une certitude de plus. Idéal quand la décision se fait au but près. Avoir de la certitude, tous les coaches signeraient pour cela. Un éclairage à retenir, une vision de « spectateur » personnelle qui m’avait éloigné de ce point de vue.
« La France a pu gagner, mais que ce fût difficile ». Je repense à Corinne Diacre à qui on a fixé un objectif incroyable. « La finale du Mondial », plus pour des raisons marketing que sportives. Même si on peut argumenter sur le sportif. Enfin, dans cet objectif, on est loin de la réalité provinciale du Président mais bien dans l’exagération parisienne. Qui ne manquera pas de se mettre au conditionnel. Les Parisiens ont une excellente vision du vent qui tourne.
« Il me semble qu’au vu des 3 matches de poule, Corinne Diacre n’a pas une grande marge de manoeuvre pour faire une équipe compétitive. » Une opinion qui correspond à celle générale. D’où le besoin de Corinne Diacre de ne pas s’enflammer. Elle a trop vu les filles s’enflammer pour s’écrouler sur la durée. Là, il y a quatre matches couperets. C’est énorme dans les compétitions féminines.
« Mais elle a quand même les moyens d’aller loin dans cette compétition à domicile, l’obstacle des USA en 1/4 sera un vrai tournant. » Ce schéma on le connait assez bien dans le football féminin. Quand vous savez que votre équipe ne peut pas passer, vous ne passerez pas. D’abord parce que votre équipe le sait, non pas une joueuse mais l’équipe. Et parce que surtout, les adversaires le savent.
Et chez les filles, quand elles savent qu’elles sont meilleures, elles passent.
Les surprises sont très rares.
William Commegrain Lesfeminines.fr