Avec la médiatisation du football féminin, le débat de la rémunération est venu taper fort à la porte des financiers de la fédération dans un premier temps. Vikash Dhorasoo s’est infiltré dans la brèche de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, une idée bien arrêtée et dans l’air du temps.
Il ne s’agit pas de salaires, laissés à la liberté contractuelle avec les clubs, mais de la rétribution de primes lorsque vous jouez une compétition pour l’Equipe de France. La FIFA reverse à chaque fédération une partie des sommes qu’elle a réussi à obtenir des sponsors de sa compétition.
Pour le mondial 2018 en Russie (1), la France en tant que vainqueur, a perçu 35 millions d’euros (38 millions de dollars) sur un budget de 400 millions mis de côté par la FIFA, en contrepartie des frais de participation à la compétition et de la rémunération des joueurs (2).
Une somme répartie ensuite, après négociation pour la France, à 30% auprès des joueurs et du staff (27 personnes) ce qui aurait donné à chaque membre de ce groupe, 350.000 € de prime. Primes moins importantes si la France s’était vu défaite par la Croatie (280.000 €), ou battue en 1/2 finale (150.000 €). Les dotations FIFA étant hiérarchisées en fonction de la performance atteinte dans l’épreuve, la somme ristournée descend au fil de la performance.
Pour les féminines, la fédération a appliqué le même principe de répartition. 30% aux joueuses et staff. La dotation de la FIFA est bien entendu moindre. 50 millions de dollars seront retournés aux pays participants. Soit, 4 millions de dollars pour le vainqueur. Environ 38.000 dollars par personne.
Une pétition opportuniste qui a des raisons d’être (4).
La pétition de Vikash Dhorasso a réuni un peu plus de 25.041 signatures (au 14 Juin) sur 35.000 demandés. Relayée par Télé-loisirs, support où intervient l’ex-footballeur professionnel du PSG et de l’OL. A sa lecture, la présentation n’évoque pas le principe comptable de répartition. Un oubli inutile d’ailleurs, celui n’ayant pas de conséquences sur l’argumentation présentée.
Il propose une intervention égalitaire de la fédération faisant masse commune des deux montants pour rétribuer de manière égalitaire les deux équipes. A l’exemple de certains joueurs de l’Europe du Nord qui en ont accepté le principe, ou de la Norvège suite à l’Euro 2017 (3) catastrophique de l’équipe norvégienne. Les Pays-bas ont suivi, avec l’objectif d’attendre en 2023 l’égalité de traitement entre les internationaux hommes comme femmes. La KNVB mettant un bémol en demandant à ce qu’il en soit de même pour les confédérations, UEFA et FIFA, organisateurs des grands tournois internationaux et qui rétrocèdent une partie des droits qu’ils ont reçus.
Un débat qui aurait pu paraître opportuniste mais qui a ses raisons d’être.
D’abord au regard des audiences TV. Plus de 10 millions d’audience pour deux matches de groupe. TF1 l’a vite compris en mettant à jour son barème publicitaire. 95.000 € les 30 secondes au lieu de 66.000 initiaux, poussant à 116.000 € pour la mi-temps. Il est vrai que lorsque TF1 diffuse, les chiffres prennent une autre dimension. Les résultats sont moindres pour Canal+, chaîne payante (1.000.000) mais restent significatifs.
En comparaison, le match qualificatif pour l’Euro contre la Turquie s’était bloqué à 5 millions d’audience. On est donc devant une audience bien supérieure pour les femmes que pour les hommes.
Il en a pas fallu plus pour que les américaines en 2017 déposent un préavis de grève auprès de leurs fédérations. Discussions et négociations ayant abouti en partie, elles continuent sur un chemin conflictuel demandant au Juge de prendre partie. Elles avaient néanmoins une carte en plus. La performance est de leur côté, multiples championnes du Monde et Olympiques, première mondiale quasiment depuis la création de la mesure par la FIFA.
Les Bleues n’y sont pas. N’y sont pas encore. La discussion pourrait être différente en cas de titre. Notamment s’ils se renouvellent.
La position logique et légitime de Gaetane Thiney, internationale depuis 12 ans (33 ans, 158 sélections, 58 buts) pourrait être différente. Employée par la fédération, elle s’était légitiment expliquée sur son accord avec le principe actuel lors du récente conférence de presse. Avec le succès inattendu de la médiatisation, un esprit cartésien pourrait lui proposer d’appliquer le principe arithmétique des 30% en intégrant l’audience médiatique sur une année comme clé d’actualisation et d’égalité interne à la fédération.
D’autant que pour les JO, les primes à la médaille sont identiques. Un schéma égalitaire plus facile à comprendre et à appliquer, les compétitions étant mixtes et se jouant au même date, l’audience et le sponsoring se faisant tant sur les hommes que pour les femmes.
D’où l’idée de réunir les revenus des deux dates. Une idée qui s’entend dès lors que la performance est là et qu’elle se pérennise. Une discussion un peu prématurée néanmoins pour une équipe qui s’est bloquée en quart depuis 2013. C’est l’aspect un peu opportuniste du projet.
Avec l’audience, l’argent. Avec l’argent, la motivation.
L’argent a ses défauts mais une qualité. La motivation pour tout individu qui a des besoins et qui doit les satisfaire avec un pouvoir d’achat.
L’audience étant la clé de la rémunération dans le sport. Peu importe que les titres soient moins concurrencés chez les féminines par rapport aux hommes, la France ne s’exonéra pas d’une discussion en la matière si le Mondial est un succès sportif pour les Bleues. Un doublé 2018-2019, qualifié d’historique, engendrera à l’évidence, des décisions historiques.
Ce ne sera pas nécessairement une mauvaise chose. Les parents verront d’un bon oeil la passion de leur fille et s’investiront dans ce projet qui pourrait être rémunérateur. A l’image du tennis féminin.
La victoire des Bleues et ses conséquences financières, sont peut-être le ciment qui donnera corps et pérennité à la future réussite du football féminin de haut niveau comme la Coupe du Monde 2011 a été le début de l’ouverture du football féminin à la lumière médiatique.
Le tryptique magique « TV, audience, sponsoring », souvent répété lors de l’inauguration du projet de la D1F (2019-2013) sur Canal, pour l’instant prématuré, serait très juste à l’échelon supérieur des équipes nationales.
Le dessin de Faro pourrait très bien se transformer, dans un temps futur, en l’inverse. Noël Le Graët et Gianni Infantino devenant demandeurs envers le football féminin.
William Commegrain Lesfeminines.fr
Mon avis : le consensus doit être dans une convention collective nationale encadrée par une directive internationale pour les nations, seule source significative d’audience aujourd’hui.