Un public labellisé Coupe du monde.
Je ne sais pas si la France va gagner la Coupe du Monde 2019 qu’elle organisera au vue de sa victoire à l’arrachée face à l’Angleterre, 3ème équipe mondiale ; mais il parait certain qu’il y aura un public prêt à s’enflammer pour les Bleues à Valenciennes comme ailleurs ! Le nombre de situations a été si rare qu’on ne peut envisager que les clameurs qui ont chanté à la Hainaut pour les Bleues, plein de 20.059 spectateurs, soient venu du jeu mais plutôt du coeur envers les couleurs Bleue, blanc, rouge.
Dans ce domaine, il n’y aura pas de préparation.
Un jeu féminin qui se labéllise, défensif.
Sur le plan du jeu et du contenu, dans un sport féminin où l’offensif était sa marque de fabrique (nombre d’occasions et de buts) et dont le principal débat était l’efficacité ; on est en train d’assister à un renversement total d’identité, avec un jeu défensif très développé, faisant en sorte de laisser, aux joueuses offensives des deux camps, que des miettes de possibilités. Certains diront que cela confine à l’ennui ; d’autres y verront la marque d’un match, souvent proche de ce que l’on peut voir chez les hommes, avec cependant moins de vitesse et de joueuses ayant la capacité individuelle à faire la différence.
Cette identité offensive change et les preuves sont nombreuses : l’Euro 2017 avec le jeu de l’Autriche en demi-finale, les 16 buts de l’avant-dernière journée transformée en 12 lors de la dernière journée quand l’habitude se situe entre la vingtaine et la trentaine, la défaite de l’Allemagne (2è Fifa) en qualification de la Coupe du Monde devant l’Islande (3-2) avec peu de jeu offensif qui a fait dire à Steffi Jones « Nous avons montré trop peu de vitesse et d’activité physique, nous ne sommes pas revenues sur la voie du succès et nous avons eu un des adversaires qui nous mis dans le doute ».
De nombreux buts en fin de match. Ce France-Angleterre entre la France, 4è mondial et l’Angleterre, 3è inaugure un autre football féminin international. D’abord défensif.
Le football féminin est un combat défensif, les buts se marquent dans les extra-time !
Si le championnat de France carillonne aux buts en fin de match ou lors de l’extra-time, c’est que toute la partie est un combat, et seule ces derniers instants mettent, aujourd’hui, les équipes à mal.
Il n’en a pas été autrement, hier lors de ce France Angleterre. But à la 89′ de Viviane Asseyi.
Oui, le football féminin est un combat. La tête d’Ines Jaurena en zone mixte le confirmera. La joueuse du Paris FC avait un gros pansement sur le front et ses premiers mots se mélangeait entre la joie d’avoir joué sa première sélection face à une grosse équipe, devant un public que seule l’équipe de France apporte avec la notion de débat physique imposé par l’adversaire, empêchant le jeu offensif. On a tous vu l’impact de la grande Millie Bright, défenseuse centrale, qui a envoyé au pied du banc de Corinne Diacre, Valérie Gauvin sur une charge dans le dos, inutile à ce moment de la partie, mais faisant partie maintenant d’un geste technique du football féminin.
Alors à ce jeu où l’activité principale est devenue la concentration défensive, les françaises ont eu un mal de fou à rester dans les trente cinq mètres anglais, se trouvant toujours reprises soit par une défense vigilante, soit par un milieu récupérateur présent, soit avec un déchet technique trop important face à ce genre d’adversaires. Corinne Diacre, la coach française commençant son intervention en zone mixte ainsi : « Je retiendrais la victoire bien que nous n’ayons eu qu’une seule occasion ».
Mais si la France n’a rendu comme copie offensive qu’un tir cadré d’Eugènie Le Sommer ; les anglaises ont exactement rendu le même résultat, avec cependant bien plus de corners, tranquillement assurée par Sarah Bouhaddi. La défense française n’a jamais été inquiétée par le jeu anglais telle que le disait Aminata Diallo (1ère sélection) : « jamais je n’ai douté que nous pouvions perdre ce match. Elles ne nous ont jamais inquiété ». Grace Geyoro, s’exprimant de la même façon.
Dans ce combat, la France, jeune, avance au frein à main.
La France est trop jeune pour prendre des initiatives ainsi que trop dans l’interrogation de sa place pour trouver une solution face au 3è Fifa.
L’Equipe de France présente une équipe très rajeunie. On ne peut pas parler de ce match sans le rappeler et cela se ressent dans le jeu, où chacune est concentrée sur ce qu’elle doit faire, sans jamais avoir la capacité, faute d’expériences, à changer lorsque cela est nécessaire. Cela doit être ressentie par l’équipe et comme les places sont rares et chères, chacune est dans l’esprit d’éliminer ses erreurs avant d’essayer de prendre une initiative.
Lorsque Viviane Asseyi (OM, 24 ans, 16 sélections, 2 buts), buteuse de ce soir vient en zone mixte. C’est avec un grand sourire. « La soirée est belle » pour l’ex-montpelliéraine devenue marseillaise et qui retrouve l’Equipe de France depuis deux sélections qu’elle honore avec deux buts. La joueuse n’a qu’une envie : revenir et rester pour la Coupe du Monde. Alors quand je lui rappelle « qu’elle est à l’OM, mal placée actuellement, et que cela ne doit pas être simple de jouer le 3è FIFA », elle me tacle immédiatement : « L’OM c’est le club et l’EDF c’est une sélection. Cela n’a rien à voir. Ce sont deux choses différentes ». La marseillaise ne veut pas d’une image de joueuse qui joue au-dessus de son niveau en EDF. Le strapontin est là, et comme les autres, elle veut le transformer en siège qui ne soit pas éjectable.
Les joueuses.
Sarah Bouhaddi a été impériale. La joueuse lyonnaise, centenaire, est excellente dans cette configuration qui nécessite une concentration défensive tout le match. Si le football féminin continue ainsi, elle pourrait être avec son expérience (126 sélections) la Hope Solo du football mondial. Marion Torrent, nouvelle appelée de l’ère Corinne Diacre (3 sélections, Montpellier), quasiment la seule titulaire de ces nouvelles joueuses (3 sélections, 3 titularisations) a montré que ce couloir était un couloir de combat avec des limites offensives qu’elle devra combler si elle veut sérieusement concurrencer Jessica Houara d’Hommeaux (OL, 30 ans, 62 sélections) actuellement blessée. Hawa Cissoko (20 ans, OM, 1 sélection) ne se fait pas bouger à l’impact mais a eu ce soir un déchet technique trop important pour une équipe qui a besoin d’une base de relance excellente pour créer des occasions offensives. La joueuse marseillaise, à l’impact de vie généreux, a un potentiel extraordinaire qu’elle n’exprime pas dans la création offensive. Elle pourrait retourner une défense et en faire une attaque dévastatrice avec sa générosité si elle faisait du « Piazza » de temps à autre. Wendie Renard, a joué sereinement son match face à la 3è FIFA. La joueuse est plus que touchée par le retrait du capitanat et de son débat. Elle est blessée intérieurement mais fait le « job » comme ses valeurs et son éducation lui demandent. Avec honneur mais sans envie. Son passage en zone mixte a été glacial. Tout cela relève de l’émotion et donc est, par humanité, normal comme excessif. En attendant, c’est une émotion bien plus importante que l’indemnisation des joueuses norvégiennes et qui doit être réglée. Amel Majri, a assuré pour son retour en Equipe de France mais elle a été surprenante, avec des dégagements inattendus en touche quand l’habitude était de la voir repartir, avec confiance, balle au pied.
Devant, on a pas vu de possibilités offensives. Valérie Gauvin et Kadidiatou Diani nous ont montré qu’elles possèdent des qualités défensives au plus haut niveau mais elles sont encore dans l’impossibilité d’imposer leur jeu offensif quand elles ont été sollicitées sur le plan défensif. Imperceptiblement, elles se transforment en joueuses au combat et ont du mal à créer cette différence qui fait l’inattendu et la surprise. Ce qu’a réussi à faire Eugènie Le Sommer, pour son premier capitanat, de se transformer en une joueuse de combat pour dans l’instant suivant, partir à toute vitesse et de manière efficace, en contre pour attaquer, avec la volonté de retourner l’équipe adverse.
Des joueuses qui sont entrées en cours de match, j’ai bien aimé Léa Le Garrec qui montre la volonté de se montrer mais sans pour autant être aussi efficace dans ces dernières intentions, ce qui, si cela avait été le cas, l’aurait mis au rang des belles surprises de ces découvertes, comme Ouleymata Sarr l’a été lors de France Espagne. Viviane Asseyi a montré ce que cela signifiait d’être une joueuse de D1F. Toujours prête à transformer le moindre ballon en but. Sa seconde réalisation avec l’Equipe de France est un chef d’oeuvre d’abnégation et de volonté. Rien en dit que ce ballon entrera. Rien ne laisse présager que la gardienne anglaise va passer au travers. Sauf qu’Ouleymata Sarr, montée au combat, la bouscule dans ces certitudes. Sauf que Viviane Asseyi est plus demandeuse du ballon que son adversaire. Elle lui passe devant et cela fait but et une victoire contre la 3è équipe FIFA.
Pour l’instant, la France, face à de tels adversaires, n’a pas les moyens de gagner autrement. Sauf qu’elle gagne. Vivement que le groupe de Corinne Diacre se dessine pour qu’on voit une équipe jouer « sans frein à main » afin de l’évaluer et pour ses supporters de l’aimer.
William Commegrain lesfeminines.fr
Les françaises jouent Lundi contre le Ghana à Reims, qui devrait être un match plus facile face à un adversaire plus faible et une équipe plus expérimentée pour ensuite, voir la France s’opposer à l’Allemagne et la Suède.
PS : les anglaises sont sorties heureuses de leur match. Les anglaises, « ne jouent qu’en compétition ». C’est peut-être une leçon à retenir.