Un grand nombre de coaches quittent leurs fonctions, volontairement ou non et cette photo de Patrice Lair montre bien que les deux positions se valent. Choisir un coach venu du football féminin ou un autre, nouveau, avec une expérience du football masculin. Est-ce une compétence particulière qui oblige au choix ou d’autres regards peuvent permettre d’aboutir à un résultat ?
Il fut un temps où les adjoints devenaient coaches.
C’était souvent le cas dans les divisions amateurs du football, encore plus pour les féminines notamment au plus haut niveau international avec Bruno Bini (France), Silvia Neid (Allemagne), Jill Ellis (USA), par exemple. Et quand cela ne l’était pas, c’est que le coach adjoint ne désirait pas le poste.
Aujourd’hui, en D1F féminine, il y a un mixte.
Pour des coaches connaissant le football féminin ?
Faut-il une compétence féminine. C’est à dire un regard identifié par les joueuses octroyant une crédibilité et d’un autre côté, une connaissance de la psychologie féminine dans le sport de haut niveau.
Gérard Prêcheur (Olympique Lyonnais) responsable de la formation des féminines de haut niveau à Clairefontaine en est l’exemple (titres pris à prendre). Farid Benstiti, avec ses réseaux, a pu constituer une équipe très compétitive du jour au lendemain pour créer le nouveau PSG et Patrice Lair a su aussi utiliser ses réseaux pour recréer un PSG qui est cette saison, deux fois en finales de Coupe.
Ce qui est vrai pour le très haut niveau historique l’est peut-être aussi quand on doit s’appuyer sur des joueuses plus jeunes et dont la performance collective va dépendre de détails qui mettent un certain temps à prendre. On pense à Jean-Louis Saez (Montpellier), venu au football féminin il y a quatre ans et qui possède maintenant un bagage très conséquent pour faire face aux aléas des ambitions de très haut niveau.
Le succès de Christophe Parra (OM), à la base de la création de la section féminine (2011) et qui finit avec son groupe à la 4è place du championnat après avoir tutoyé la relégation, est aussi un argument en faveur de la connaissance du football féminin ce qui lui a peut-être permis de reprendre son groupe qui « partait en quenouille » mi-novembre quand l’essentiel des matches se réalisent.
Guingamp avec la seule coach féminine, Sarah M’Barek a fait aussi des miracles qui ne doivent qu’à la coach avec une équipe féminine très jeune, devant faire face à des départs nombreux, et dont elle a réussi à tirer la quintessence pour proposer à ces joueuses d’évoluer, la saison suivante, au plus haut niveau féminin. C’est d’ailleurs une des seuls coaches à avoir postulé à l’obtention du DEPF (diplôme permettant d’entraîner une équipe professionnelle) avec Patrice Lair. Gérard Prêcheur l’ayant déjà (formation).
Pour Soyaux, c’était Jean Parèdes qui était venu aux commandes du club charentais. Très impliqué dans le club ayant plusieurs fois pris les rênes de l’équipe ; il donne lui aussi du crédit à l’idée qu’un club amateur doit se reposer sur un coach spécialisé dans le football féminin compte tenu d’un budget restrictif voire moyen, rendant impossible l’arme financière.
Quant à Saint-Etienne et Didier Hervé, une très longue expérience du football féminin. Il n’a pas pu empêcher son équipe de descendre en D2F en faisant le pire parcours qu’il soit possible de faire : 8 défaites, 2 nuls sur les dix derniers matches alors que d’un autre côté, il réalisait une demi-finale de Coupe de France.
Faut-il des coaches venu du football masculin ?
Prenons le cas d’Emmanuel Beauchet qui avait un contrat de deux ans avec le Fcf Juvisy-Essonne (amateurs, professionnels). On sent bien que l’ex-coach des U19 de Troyes avait une vision dans le temps, avec un raisonnement lié au football masculin où la défaite d’aujourd’hui serait peut-être la victoire de Demain. Pascal Gouzènes qui l’avait précédé était lui dans la découverte du haut niveau et n’a pas réussi à prendre la mesure de la particularité de l’époque, après une Sandrine Mathivet qui était totalement dans cet univers : féminin et proche de la performance ultime face à des enjeux symboliques forts : poser des problèmes à l’Ol et ne pas se faire battre par le PSG. On peut penser qu’aujourd’hui les choses seraient différentes avec un club moins axé sur la très haute performance (classé 5è du championnat, éloigné en terme de points)
Sébastien Joseph (Rodez, amateur) venu du football masculin, a lui aussi réussi à maintenir le club amateur en D1F avec une excellente 5è place et une demi-finale de Coupe de France pour sa première saison (2015-2016). Il quitte le club pour une vision stratégique différente de celle de l’association amateur, limité par des moyens et souhaite établir une relation professionnelle dans le club.
Jérôme Dauga (Bordeaux), est un exemple de réussite plus par la qualité du jeu pratiqué par ses joueuses, flagrant lors de cette dernière rencontre face au PSG mais qui avait aussi transpiré dans la 1ère journée avec un « Bordeaux-OM » de qualité. Venant d’un autre univers, il a réussi à créer un contenu qui vaudrait la 5è ou 6è place du championnat si son équipe avait la possibilité de défendre plus haut.
Adolphe Ougouyon, caoch d’Albi (amateur) qui a réussi à maintenir le club en D1F alors qu’il doit certainement disposer du plus petit budget montre aussi que le regard extérieur ne pénalise pas un club, notamment amateur qui ne doit sa réussite qu’aux matches réalisés sur le terrain.
David Fanzel (Metz, ex-joueur pro, coach CFA2) a réussi la première année de son contrat en ramenant le FC Metz en D1F féminine pour constater, dans la seconde partie, de la difficulté de ce championnat en n’arrivant pas à prendre de points pendant les trois quarts, pour s’apercevoir qu’il suffit d’un rien pour que la roue tourne, un peu comme l’OM, avec une série de trois victoires consécutives qui aurait pu les lancer vers une remontada historique.
La particularité comptable du championnat de football féminin.
On le voit, le bilan est équilibré. D’autant plus que les récompenses sont octroyées à seulement deux clubs pour les places européennes et que les descentes ne concernent que deux autres clubs.
On peut juste rappeler que le football masculin a une vision très stratégique du jeu qui laisse une part minime à l’improvisation sachant que les résultats paient au-delà d’un match, même perdu, pour deux raisons : (1) il y a beaucoup de matches à jouer (38) ce qui laisse la place à des retournements de situations. (2) Le championnat masculin est souvent homogène et la performance que son équipe n’arrive pas à réaliser face à un adversaire va l’être par une autre qui donc va réguler le championnat.
Ce n’est pas le cas en football féminin.
Il y a peu de matches à jouer (22) et les adversaires donnent rarement aux autres des points en battant une équipe qui ne doit pas l’être. Les résultats se font par confrontation directe. Ils sont au minimum de (2) comme pour le titre en championnat voire (6) en comptant quatre équipes se battant pour les deux places européennes ou pour les deux places de relégables.
Les coaches de football féminin ont donc peu de jokers et ils sont, le plus souvent, dans leurs mains.
C’est la difficulté du poste et la surprise des Girondins de Bordeaux à Charlety (2-2) doit attendre d’autres illustrations pour qu’on puisse affirmer que des adversaires plus faibles peuvent l’emporter, sur un match, face à des adversaires bien plus forts.
Le football féminin demande donc de la très haute performance. Soit en gagnant tous les matches, soit en gagnant les trois ou quatre qu’il ne faut pas perdre après avoir pris des « tôles » mentales ou arithmétiques dans certaines rencontres. Il faut savoir garder son groupe dans l’envie.
William Commegrain lesfeminines.fr