Le football féminin se conjugue souvent avec la notion de double projet quand on évolue au plus haut niveau. On en parle plus souvent pour les jeunes joueuses qui doivent se poser des questions légitimes, suivant leurs capacités, entre le sport et l’acquisition de diplômes. Beaucoup moins quand on évoque la même situation pour les coachs féminins qui s’interrogent de la même manière.
L’élite demande un coach à temps plein. Rare en D1F
les coachs sont souvent confrontés à un investissement important en terme de temps et de disponibilités, peu compatibles avec un poste professionnel ; alors que cette passion, lorsqu’elle doit être réalisée au plus haut niveau, demande un temps plein qui est rarement octroyé faute de moyens. On ne sera donc pas surpris que seuls les quatre premières équipes leadeurs de la D1F ont pu donner cet avantage à leur coach : soit Gérard Prêcheur pour l’OL, Patrice Lair pour le PSG, Jean-Louis Saez pour Montpellier et Emmanuel Beauchet pour le Fcf Juvisy-Essonne.
Le BEPF, il faut pouvoir y postuler.
Dans cet univers, un seul possède le sésame suprême soit le BEPF. Il s’agit de Gérard Prêcheur, ancien directeur de l’INF Clairefontaine. Patrice Lair (PSG) est en cours de validation selon le procédé de la VAE et les autres coachs possèdent tous le DEF transformé en DES, sésame réclamé à ce niveau de la compétition féminine, et diplôme d’Etat donnant nombres d’équivalences.
Si l’enjeu féminin ne demande pas plus et malgré qu’il faille investir dans le sésame suprême une somme avoisinant les 30.000 €, financé pour le tiers des candidats sélectionnés sur des deniers personnels, soit par la formation continue pour le second tiers ou par les clubs professionnels pour le dernier ; il n’en reste pas moins que le chemin ouvert par Corinne Diacre, seule femme ayant possédée le diplôme en suivant une formation continue sur deux années, et actuellement coach du Clermont 63 qui a fini à une très belle 6è place de Ligue 2, candidate jusqu’au dernière journée à la troisième place qualificative à la montée en L1, a crée des émules et des envies chez les coachs féminins.
Elles ne sont pas nombreuses à pouvoir y postuler et entrer dans les critères de sélections, dont l’un est le passé en terme de sélections nationales. Opportunités qui auraient été proposées à Gaetane Thiney comme à Sandrine Soubeyrand qu’elles auraient refusées. Sarah M’Barek, elle n’a pas raté la possibilité qui lui a été offerte, financé certainement par l’EA Guingamp ou la formation continue (participation dépendante de la masse salariale de l’entreprise) et a vu, en 2014, sa candidature retenue, dans un ensemble fait généralement de 50 postulants pour une quinzaine de places par session bi-annuelle.
LE BEPF, un rêve et une porte d’accès vers un autre Monde. Très loin de la D1F.
Quand on vous apprend que vous êtes sélectionné pour entrer dans la formation du BEPF, organisée par l’IFF (Institut de Formation du Football), vous ne pouvez que « sauter au plafond » même si le nombre de titulaires du diplôme est bien supérieur aux nombres de postes de disponible.
Le sésame est une véritable promotion qui vous ouvre toutes les portes du football, avec le nirvana rêvé d’évoluer dans les sphères professionnelles masculines de France comme à l’étranger jusqu’à prendre en mains une sélection nationale. Ce qui est arrivé à la jeune portugaise Héléna Costa (38 ans), sélectionneuse du Qatar et de l’Iran féminin, puis 1ère coach féminin pendant un mois d’un club professionnel masculin (Clermont 63) pour maintenant être scout pour le club écossais du Celtic Glasgow.
Les promotions s’accompagnent toujours de rémunération et si, pour le football masculin, les salaires minimum discuté par l’UNFP ne sont pas exagérés compte tenu des habitudes de rémunération des hommes, c’est loin d’être le cas dans le milieu féminin.
L’exercice dans une équipe féminine avoisine les 1.000 à 3.000 euros mensuels (Hors PSG, OL et Montpellier) alors que l’exercice de ce métier de coach en Ligue 2 ne peut être fait pour un salaire inférieur à 9.000 € et en Ligue 1 à 19.000 €, sans limite supérieure. Difficile d’arriver à une telle hauteur de salaire sans parcours scolaire d’élite si on doit le comparer avec le monde civil.
Avec le BEPF, vous pouvez vous trouver propulsé dans un autre univers en étant plus payé qu’un chirurgien. L’ambition reste cependant de manager des ressources sportives de très haut niveau, dans un univers étoilé qui est l’apanage de ce qui se fait de plus médiatisé au monde : le football.
Il est évident que la motivation n’est pas spécialement dans le salaire puisqu’on trouve bon nombre de titulaires du BEPF qui exercent à d’autres niveaux de la compétition : National, CFA. Pour une rémunération bien inférieure et une volonté de progresser identique. Il reste que le sésame est le sésame et qu’il a fait plus d’un heureux. Je pense à Jean-Luc Vasseur qui en l’espace de quatre ans est passé des U17 nationaux du PSG pour aller en National (champion) et Ligue 2 avec Créteil puis finir sur un salaire de coach de L1 avec le Stade de Reims. Proposant maintenant un autre profil.
En France, les femmes sont rares à le posséder. Pour l’instant, elles sont deux à avoir obtenu le diplôme. La première est l’ex-sélectionneuse de l’équipe de France, Elisabeth Loisel, par le biais de la validation des acquis et de l’expérience ; la seconde est Corinne Diacre, ex-internationale et capitaine de l’équipe de France, qui l’a obtenu en suivant les deux années de formation, après sélection.
Diplôme qui lui a été d’ailleurs remis par Philippe Bergerôo, devenu entre-temps sélectionneur de l’équipe de France féminine, alors qu’ elle était adjointe de Bruno Bini, et de ce fait non-renouvelée dans le nouveau staff qui se construisait, en application d’un principe simple, énoncé par Philippe Bergerôo lors de sa première présentation : « quand un coach arrive dans un groupe, il arrive avec une nouvelle équipe ».
Une belle volonté de réussir sa promotion.
Sarah MBarek a été la troisième à entrer dans ce groupe restreint et, il lui restera à valider un dernier module (résultat communiqué le 6 juin) pour l’obtenir comme Patrice Lair qui évolue aussi dans le milieu féminin (PSG, ex OL) et Bruno Bini qui l’a définitivement obtenu en 2014.
Cette formation, en initiale, demande énormément de travail et notamment des stages à l’étranger pour pouvoir, ensuite, développer ce qui a été vu dans un mémoire significatif. Ce qui parait simple, est quelques fois compliqué puisqu’il faut faire agir ses réseaux pour obtenir la possibilité d’être reçu dans le monde des clubs du football.
Ainsi Zidane, diplômé en 2015, et ses coéquipiers de l’aventure de 1998 (Willy Sagnol, Claude Makelélé, Bernard Diomède), bénéficiaires d’une formation spécifique en 1 an, ont par exemple pu discuter et échanger avec Marcelo Bielsa quand il oeuvrait à l’Olympique de Marseille, Carlo Ancelotti au Réal Madrid, alors que pour Sarah M’Barek (autre promotion), il a fallu qu’elle tire le meilleur parti d’un stage en Suède au sein de l’équipe féminine de Göteborg, avec quelques matches masculins.
Les féminines doivent se projeter. Leur univers n’est pas celui des Hommes.
Toutes les féminines qui vont chercher à acquérir des diplômes de football de haut niveau vont être confrontées aux limites de l’environnement du football féminin, encore à sa genèse, face à « la caravane » du football masculin (juridique, économique, médias, agents, ..) dont les arcanes, nombreuses, permettent à ceux qui évoluent dans ce milieu, d’avoir une palette d’expériences réelles comme de moyens bien supérieurs au monde essentiellement associatif du football féminin. Elles doivent se projeter alors que les candidats de l’univers masculin font appel à un vécu réel. C’est une grande différence si on doit être évalué.
La coach guingampaise a vraiment fait une formation courage quand, avec ses moyens financiers, il a fallu qu’elle puisse s’organiser sur le plan de sa vie privée alors que la question semble moins prégnante quand on est un homme qui a évolué dans le football masculin, ayant pu mettre de côté des sommes certainement différentes de celles de la coach féminine. Il en est de même sur le plan de l’organisation de la vie de parents, avec d’un côté, des coachs masculins ayant souvent la charge familiale laissée aux épouses, qui, généralement, dans le milieu du football, ne travaillent pas.
Là, il s’agissait de son enfant d’une dizaine d’années et de tout ce qui va avec. C’est à dire beaucoup. Cette formation courage a été donc une formation à deux, avec son compagnon, et elle ne se prive pas de le reconnaître et de remercier son concubin quand on lui pose la question. Sous contrat jusqu’en 2018 avec l’EA Guingamp, elle cherchera à valider le module manquant pour décider, ensuite, de son futur parcours de coach.
Sarah M’Barek a postulé à la qualification suprême sans avoir les mêmes moyens pour l’obtenir. A ce titre, elle a eu un vrai courage qu’il faut saluer et mettre en valeur. D’où le titre, Sarah MBarek, le BEPF, sa formation Courage.
William Commegrain lesfeminines.fr
PS : cela démontre toute la qualité de Corinne Diacre d’avoir obtenu, du premier coup, ce sésame. Déjà vainqueur du « concours du Jeune footballeur » en tant que jeune, devant les garçons de l’époque .. à une époque où les filles qui jouaient étaient rares, encore plus celles qui gagnaient devant les meilleurs gars ; la coach de Clermont a réalisé une sacré performance, à l’âge de la quarantaine, pour obtenir le BEPF. Moins surprenant qu’elle soit la première femme à coacher une équipe professionnelle masculine. Pas loin de monter en L1. Et cela, c’est encore une sacré performance. Imaginez .. Première femme à faire monter son équipe en L1 ! Là Clermont devient le centre du monde. La société en commandite par actions de Michelin, seule au Monde sous cette forme juridique à ce niveau, se transforme en Multinationale. L’Auvergne devient la capitale de la France. Et les auvergnats reprennent tous les cafés de Paris.