William Commegrain : « Patrice Lair, je crois qu’il y a de moins en moins d’ambition. Tout le monde est installé. il y a un gap entre le PSG et Juvisy flagrant avec des attaquantes internationales qui ont montré leur capacité à faire la différence et des joueuses internationales qui peuvent être stratosphériques. Juvisy pour gagner le PSG devra faire une performance. Ce n’est plus comme avant où c’était potentiellement possible. Montpellier, de son côté, a fait un match correct contre le PSG mais on ne peut pas dire que Montpellier a réellement fait peur au PSG qui a été en-dessous de son jeu habituel. Montpellier va devoir prouver en utilisant d’ailleurs bien ses armes.
Je trouve que ce championnat est en train de s’installer dans un « ron-ron » et on trouve plus de compétitions pour jouer le maintien en D1 qu’elle n’existe pour le titre et les places européennes. Tout le monde a voulu tirer bénéfice du football féminin qui d’ailleurs ne peut pas supporter tout cela et on se trouve dans une situation installée. Est-ce que tu partages cela, et c’est pour cela que j’ai voulu t’interroger sur le mot « ambition ».
L’ambition c’est toujours pareil. L’ambition il faut la faire sortir au sein de ton groupe. Après il faut aussi que l’on te donne les moyens.
Paris, je pense que Paris y arrivera car il y a les meilleures et d’ailleurs, il faut à Paris, maintenant, des titres pour que cette équipe soit reconnue.
Aujourd’hui, nous à Montpellier, c’est vrai que l’objectif était de finir 3ème. Actuellement, on est deuxième car on a eu un petit peu de réussites et on a bénéficié de certaines erreurs. L’équipe est encore un petit peu fragile -hier je n’étais pas au match (1-0 face à Nîmes, 12è et dernier du championnat) – mais quand on est capable de faire match nul face à Lyon (1er du championnat, 0-0) le week-end avant, et que le week-end après, on se met en danger contre Nîmes -tout en respectant le club de Nîmes- on montre que l’on manque d’ambitions et de force de caractère.
Aujourd’hui à Montpellier, on manque de caractère. C’est ce que j’essaye d’inculquer et d’imprimer un petit peu au club. Tu parlais tout à l’heure de motivations. J’essaye de leur dire : « je leur demande d’exister ! ». Pour être reconnues dans leur club mais aussi bien en équipe de France car il y a beaucoup de joueuses qui ont été sélectionnées. Mais comme je leur ai dit, vous n’existez pas car vous ne jouez pas. Et je leur ai dit, le quotidien : c’est le championnat. Il faut être capable de se motiver, d’être ambitieuse, d’être capable de gagner des matches, d’être réguliers, et de se mettre en évidence car ce football est un sport collectif mais en fait, c’est très individuel. Quand les joueuses veulent être reconnues, il faut avoir des performances, et pour jouer en équipe de France, il faut être très très bonne dans son club, se montrer, avoir des résultats mais surtout aller chercher une Coupe d’Europe (Montpellier est second, les deux premières places sont qualificatives pour la Women’s Champions League).
Cela sera compliqué car il y a des équipes comme Paris, qui devraient sur la longueur .. je dis bien qu’elle devrait … (partant sur les échéances prochaines) car le match du 17 janvier sera très important et d’ailleurs sur le match nul à Paris, à ce moment là, Paris était bon à prendre et avec un petit peu d’ambitions, on aurait pu gagner ce match ! Même contre Lyon, en 2ème mi-temps, on a manqué d’ambition. Car en contre, l’équipe lyonnais se découvrait beaucoup. Elles étaient mal équilibrées et si Wendie Renard n’avaient pas fait deux trois gestes, on aurait pu marquer ce but là.
Il faut avoir cette ambition. Etre capable de se surpasser, de créer la surprise pour donner un peu plus d’intérêt à ce championnat de France qui c’est vrai, n’est intéressant que sur l’autre partie avec une équipe comme Rodez, qui a très peu de moyens mais un collectif solide et qui fait des choses intéressantes. Soyaux a très bien réagi contre Guingamp (4-1) qui a beaucoup de mal cette année. La Roche m’a bien plus au niveau du jeu. Même Saint Maur contre qui on a gagné largement là-bas et qui offensivement, est très intéressant et faute de moyens, n’ont pas pu se renforcer ; alors qu’avec le même effectif et quelques renforts, elles auraient pu jouer un rôle intéressant au niveau du maintien. C’est peut être le championnat le plus intéressant.
Mais comme je le dis depuis plusieurs années, il faut investir au niveau des clubs pros avec un championnat plus resserré et laisser une porte ouverte à des clubs qui ont peut-être moins de moyens mais il ne faudra pas faire comme Saint Etienne. Des clubs qui se battent chaque année pour se maintenir car malheureusement on ne donne pas à l’entraîneur les moyens d’avoir une équipe compétitive. Alors qu’avec un budget d’1million, 1million 2, (pour toute la section féminine, tous niveaux confondus, des jeunes à l’équipe A pour éviter de croire que le football féminin est porteur d’argent) on peut faire quelque chose de très bien et ce n’est pas cela qui va grever le budget d’un club professionnel. Cela donnerait un championnat un peu plus homogène.
C’est vrai que ce n’est pas passionnant et j’espère que l’on va s’améliorer et ne rien lâcher pour pouvoir reconnaître ce football car moi, j’y tiens.
Si je suis reconnu aujourd’hui c’est grâce à ce football là et pas grâce au football masculin. C’est grâce au football féminin et je voudrais vraiment que l’on passe un cap ; je fais tout pour essayer de le crédibiliser et c’est pour cela que j’ai accepté l’offre de Louis Nicollin de donner un coupe de mains au club de Montpellier.
J’ai un peu le sentiment que cette ambition que tu viens de décrire risque d’atteindre l’équipe de France et que seul l’orgueil individuel pourrait permettre de bousculer les choses.
Tu sais William, la chose, elle est là. Quand je suis arrivé à Lyon, j’entendais cela. Que les allemandes étaient imbattables. Qu’elles nous battaient dans l’impact. La première des choses, cela a été de leur faire comprendre que l’on pouvait battre ces équipes là. Que l’on pouvait sauter plus haut, qu’on allait travailler pour aller plus vite que ces équipes là. Plus d’explosivité. On a fait de la muscu. On a bossé. Tant que l’on a été capable d’être costaud là-dessus. On a gagné nos finales.
Et la fois où on a été moins concentré, une finale que l’on doit gagner tous les jours, « bing », on le prends et on a fait un petit peu, à notre niveau, comme Montpellier hier. Moins préparé son match, moins prêt dans le contact, moins de confiance, moins de mouvements et après tu tombes dans le panneau. Il faut être prêt immédiatement et surtout le jour J. Une équipe, comme les américaines (Championne du Monde 2015, 3 titres mondiaux, 4 titres olympiques), elles sont présentes toujours au bon moment.
En en France, on a de sacrés difficultés de ce côté là. Pas que chez les filles, chez les garçons aussi car pour moi, en France, on n’a pas ce mental encore à tout épreuve. On croit l’avoir. Non non, il faut en faire plus et être très fort. Ce n’est pas d’écraser l’adversaire, c’est de sentir être capable de réaliser l’exploit, de le sentir, de gagner ces matches là. Mais bon, c’est une préparation psychologique, c’est un ensemble, c’est un discours. Si on est capable de le faire, il n’y a pas de problèmes.
Si lyon est toujours aussi fort. Si la colonne vertébrale, Bouhaddi, Renard, Henry et Hegerberg ne sont pas blessées je ne vois pas qui pourrait les battre en Coupe d’Europe, je ne vois pas qui ? Franchement, mais attention, car il y a aussi ce contexte de finale, de gros matches et quelque fois, malheureusement, on a pas cette force d’être là, toujours, au bon moment.
Justement, une fois j’écoutais le Président Aulas que tu connais très bien sur Eurosport qui a dit une phrase très forte : « Quand c’est impossible, c’est là qu’il faut le faire ». J’ai trouvé qu’elle lui ressemblait bien. Si Lyon peut aller chercher cette Coupe d’Europe car elle l’a perdue depuis trois ans, inversement je pense que Montpellier peut aussi prétendre à cette phrase et prendre le championnat car Montpellier a cet esprit d’aller chercher l’impossible. Qu’en penses tu ?
…
William Commegrain lesfeminines.fr
- 1/5 Patrice Lair. Le football féminin s’améliore tactiquement. Il faut chercher à s’améliorer. Toujours chercher à s’améliorer.
- 2/5 Patrice Lair. A Montpellier, je leur dis : « Il faut que vous existiez ! ».
- 3/5 Patrice Lair. Puisque Lyon est devant. La 1ère place, c’est mission impossible. Mais comme Montpellier est second, alors, il faut aller chercher la 1ère place.
- 4/5 Patrice Lair. Un moment exceptionnel où j’ai pleuré : la MOBCAST. Une joueuse extraordinaire : Shirley Cruz.
- Patrice Lair 5/5. Retrouver le terrain pour de l’adrénaline et la force de se surpasser.