La proximité du match en retard face à Juvisy (Dimanche 26 à 15h00 à Grammont), la finale jouée par Montpellier face à Lyon qui a été un beau spectacle d’incertitude entre deux équipes qui se retrouvent quasiment toujours à ce stade mais qui ne s’étaient rencontrées que quatre fois, pour deux victoires chacune.
Il était intéressant de voir, quelques jours après ce qui aurait pu être un exploit, le ressenti de Jean-Louis Saez, coachant des gradins en raison d’une expulsion à la toute fin de la demi-finale face à Saint-Etienne.
Jean-Louis, que reste-t-il après cette finale pour Montpellier ?
Il reste beaucoup sur le plan psychologique même si je pense que l’on peut encore mieux faire pour que le match soit encore plus équilibré que ce qu’il a été, mais on a emmagasiné de la confiance. J’ai un groupe qui a besoin d’emmagasiner de la confiance, de se renforcer dans nos choix.
Mener 1-0, face à l’Olympique Lyonnais, c’est une sacré performance.
Avec un peu plus d’expériences et de vécus on aurait pu faire autre chose. Et surtout, en deuxième mi-temps, le but (1-1) arrive trop tôt (46′). Le jeu était plus équilibré en seconde qu’en première et bizarrement on prend deux buts. Ils ont moins attaqué, du coup on a des situations pour plus attaquer avec une meilleure possession de balles que la première.
Quand Lyon est plus posé, les lyonnaises gèrent mieux les occasions qu’elles ont.
Complétement. Nous, cela nous a permis de jouer plus haut et du coup on s’est fait piéger deux fois dans notre dos sur les côtés. A la tombée du ballon, on manque un peu de présence. Mais je pense que le premier but arrive trop vite. J’avais demandé à mes filles qu’elles sortent la tête haute de ce match là, et je crois que l’on est sorti la tête haute. On a fait un peu trembler Lyon et nous, nous avons gagné de la confiance et je crois que l’on reviendra dans cette compétition pour la gagner.
Peut-on gagner les deux ogres que sont l’Olympique Lyonnais et le PSG ?
Je ressens une amélioration sur le plan technique et tactique. Une meilleure qualité dans l’approche des matches. En revanche, Paris et Lyon qui mettent l’accent sur le recrutement et prennent les meilleures françaises, notamment les jeunes tout en prenant les meilleures étrangères, cela va être difficile de les suivre.
Lyon est un peu oblige de le faire, sinon ils prennent un train de retard par rapport aux adversaires et il y a un manque de très bonnes joueuses sur le marché.
Je crois que la course va se faire à deux sur les moyens financiers. Pour un club comme nous cela va se faire sur les structures. On va établir un cadre pour être performant avec des joueuses issues de la formation française et on va donner du temps de jeu comme on l’a fait avec Lavogez entouré de cadres capables de rentrer dans le projet d’un club. La difficulté est d’attirer des joueuses qui ne fassent pas la Ligue des Champions.
Il ne faut pas se décourager et on essayer, dans les deux ans à venir, de faire une équipe compétitive.
Pour ma part, je crois qu’avec le travail de l’équipe de France, les joueuses physiquement sont plus au même niveau dans la première moitié de classement. Et un club peut surprendre un autre club.
Faire une performance et être capable d’accrocher Lyon et Paris, j’y crois beaucoup. De là, à la faire sur 22 matches, j’aurais une réticence notamment pour la faire tous les week-ends en renouvelant les efforts que l’on a fait pour contrarier un adversaire de ce niveau là, sans tomber ensuite dans autre chose. Si toutes les équipes pouvaient travailler cinq fois par semaine, cela permettraient à chacun de tenir tout un championnat, car les erreurs seraient autorisées (intervention).
On va voir de plus en plus des équipes accrochées. Nous, on en a subi cette année. On a changé le groupe, on est parti sur quelque chose de nouveau et quand on est pas rodé, on peut se faire accrocher.
C’est vrai chez les féminines, quand tu prends une recrue cela met plus longtemps, comparé au football masculin où dans le mois, il peut être performant.
L’approche du vestiaire, l’esprit d’équipe se construit pour réussir. Il y a un décalage avec les garçons. On regarde un petit peu la concurrence, on veut la concurrence pour progresser et en même temps, on veut jouer. Comme on a pas un vivier extraordinaire, les joueuses qui ont de la qualité ont du temps de jeu.
Comme on n’a pas le même nombre de matches que chez les garçons. une fille non titulaire ne va pas l’être pendant un certain temps. Chez les garçons, cela se voit moins. Il y a des rotations.
Dis moi pour terminer, est-ce que tu as un père suédois ou une mère suédoise ?
Rires. Pourquoi ? Parce que on a de bonnes joueuses suédoises ! Je crois que cela fait partie de la profession d’apporter des joueuses qui sont professionnelles.
Elles viennent pour quelles raisons ? Le bouche à oreilles ?
Complétement. On a eu Oqvist l’année dernière et je peux te dire que c’était risqué de prendre une maman (petite fille). On est capable de le faire à Montpellier et on fait tout pour que la joueuse soit en bonne condition. L’argent ne fait pas tout. On a le soleil, on a une infrastructure et je pense que notre meilleure ambassadrice a été Oqvist. On est tombé sur une mère de famille qui nous a fait une super image. Aujourd’hui, elle est maman d’un petit garçon et elle suit toujours notre parcours. Elle nous envoie des petits clins d’oeils et vient nous rendre visite en fin de saison.
Le but que Jakobsson met en finale est magnifique
C’est une fille en pleine confiance que l’on recruté car elle jouait dans les couloirs. Elle a eu quelques soucis d’efficacité au début de championnat, elle a permis à Montpellier de remonter et en la positionnant axiale, elle a gagné une place en suède et c’est une fille en pleine confiance. Elle a envie de continuer l’aventure avec nous.
Quand tu vois Caroline Seger qui est pour moi la meilleure joueuse de D1 cette saison, Jakobsson, Lotta Schelin, Asllani .. tu ne comprends pas pourquoi la Suède perd tant de matches amicaux !
Et oui ! Je suis aussi surpris. Je sors d’une émission de radio et quand on me dit les trois favoris en dehors de la France, je donne : Allemagne, États-Unis et Suède même si j’ai un penchant pour le jeu des japonais mais je pense, au vue de l’évolution physique du jeu, que c’est un jeu qui manque de puissance. Je suis curieux de voir ce qu’ils vont faire car comme tu l’as dit le football féminin progresse par le côté athlétique et je pense que demain on parlera du championnat français car on bosse bien dans ce domaine, comme on parlait du championnat allemand en 82.
Je pense que la France est favori même si elle ne veut pas le dire et que son seul problème c’est de le prouver dans les compétitions. Cela a toujours été le problème de la France, c’est normal et c’est difficile de le faire autrement.
Je soutiens Philippe Bergerôo et cela serait énorme d’avoir quelque chose avec la Coupe du Monde 2019 en France. C’est pour cela que les clubs essaient de mettre la France dans les meilleures conditions. On travaille bien dans les clubs et on voit Lyon et Paris dans les cinq meilleurs européens (voire du monde pour ma part).
L’avenir nous dira si on peut combler l’écart avec Paris et Lyon mais j’y crois fortement. Avec les charges d’entraînements, le travail, j’y crois fortement et j’ai besoin des jeunes comme Claire Lavogez et Sandie Toletti pour le réussir mais il faut faire attention avec les jeunes (championnats internationaux) qui depuis quatre ans n’ont pas eu de vacances. Je me dis, attention de ne pas trop tirer dessus. Elles auront besoin de souffler car il faut que le corps puisse emmagasiner.
Je trouve que cette question athlétique a été très bien traitée. Car même si la France n’a pas un super parcours en Coupe du Monde, ce qui a été fait a été très bien fait et restera acquit ; cela nous met au niveau de l’Allemagne.
On est sur une dynamique positive. On pourrait imaginer que même si Paris gagne la Ligue des Champions en battant les allemands, du coup il y aura un regard sur le championnat français. Si on arrive à rivaliser avec eux, cela veut dire que la place de Montpellier sera assez élevé et cela reste motivant.
On est dans une transformation professionnelle et il faut que les joueuses qui sortent des pôles (18-19 ans) trouvent des structures professionnelles pour conserver la charge athlétique qu’elles ont eu en Pôles avec cinq entraînements par semaine, pour les amener à progresser au plus haut niveau ; car la jeune fille de 19 ans aura du mal à intégrer directement la D1, il faut donc qu’elle trouve sa place dans des clubs qui puissent offrir du travail tous les jours.
Pour terminer, tu travailles à Montpellier avec des icônes ! Tu as « Loulou ». il y a des églises, des cathédrales, lui il faudrait lui inventer un mot que pour lui. En plus avec Rolland Courbis et Laurent Nicollin qui sont du même acabit. Montpellier, c’est quelque chose pour un coach de football féminin ! Facile, pas facile ?
Facile, car il nous donne des conditions de travail intéressantes sans parler des conditions financières avec le centre d’entraînement Bernard Gasset. On a un vestiaire pour les filles. Les U19 pareil. On a une qualité de travail qui permet de récolter les fruits et j’espère que demain, on pourra le récompenser.
C’est vrai, aujourd’hui le spectacle s’est perdu avec l’apport physique et tactique des coachs issus du masculin avec un 4-4-2 voire un 3-5-2.
Si on veut que le football féminin franchisse une étape, il faut que le spectacle soit au rendez-vous. Il ya souvent trop de monde dans son camp.
Je suis d’accord. Merci Jean-Louis.
William Commegrain lesfeminines.fr.
Interview Mercredi 22 avril – 20h00. Publication officielle : Sofia Jakobsson prolonge jusqu’en 2017 à Montpellier.